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Absa Financial Markets Index : Comment donner de la profondeur au marché des capitaux

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Global E-commerce.

La crise a fortement impacté les marchés financiers de la région, révèle le dernier ABSA Financial Markets Index. Dans le cas de Maurice, quoique son marché financier reste robuste, il pèche par une faible liquidité et une difficulté à absorber des transactions d’une certaine taille.

JAYA PATTEN (DIRECTEUR DE JAYA ADVISORY F

JAYA PATTEN
(DIRECTEUR DE JAYA
ADVISORY FINANCIAL
MARKETS)

AMIT BAKHIRTA
(CEO D’ANNEAU)

Avec une note globale en baisse de 70 points, Maurice garde la deuxième place au classement de l’Absa Africa Financial Markets Index 2021 (AAFMI), un indice produit par l’Official Monetary and Financial Institutions Forum (OMFIF). Le rapport révèle que l’environnement juridique et de marché robuste qu’arbore Maurice est atténué par une faible liquidité.

Selon le rapport, la pandémie est responsable de la baisse du volume d’opérations et, par conséquent, d’un score inférieur concernant la liquidité du marché. Comme l’explique Jaya Patten, directeur de Jaya Advisory Financial Markets, la liquidité du marché est un concept technique pour décrire la facilité d’exécution d’une transaction. En termes simples, un marché liquide est un marché où une transaction d’une certaine taille peut être exécutée facilement sans avoir un impact disproportionné sur le prix du marché. Cela nécessite un pool de market makers et une infrastructure de marché transparente pour faciliter la découverte des prix et un trading efficace.

En règle générale, la plupart des marchés boursiers africains ont été touchés au cours de l’année en revue principalement par la baisse du ratio de rotation des actions (equity turnover ratio), c’est-à-dire des volumes de transactions plus faibles. Cette baisse se traduit naturellement par un environnement de liquidité plus tendu et donc, par des scores plus faibles. Cela, malgré la forte reprise du marché au cours des douze derniers mois (+ 47 % sur la période en revue). La Bourse locale s’est donc redressée sur des volumes relativement faibles. «Il convient de noter que le chiffre d’affaires total des actions, en pourcentage de la capitalisation boursière totale, était de 3,4 %, ce qui est assez défavorable par rapport à l’Égypte (51,1 %), la Namibie (33,2 %) et l’Afrique du Sud (26,3 %). Sur le front obligataire, on note une rotation totale sur le marché obligataire de 4 %, en pourcentage de l’encours des obligations cotées. À titre de comparaison, le chiffre de rotation de la Zambie était de 266,5 % et celui de l’Afrique du Sud de 246,1 % (reflétant évidemment les émissions alimentées par la Covid-19 par ces pays et donc leur politique fiscale)», fait ressortir Amit Bakhirta, fondateur et CEO d’Anneau.

Le ratio capitalisation boursière/PIB du pays a atteint 79 %, contre 42 % l’année dernière. Cependant, il s’agit de l’augmentation mathématique reflétant la baisse significative du PIB nominal, qui devrait revenir aux niveaux de 2019 à mesure que le PIB nominal se redressera au cours des prochains trimestres. La Financial Services Commission (FSC) a apporté plusieurs modifications au cadre réglementaire du marché des capitaux, notamment en réduisant la définition des émetteurs assujettis et en exemptant les sociétés étrangères qui entrent dans cette catégorie d’obligations de divulgation spécifiques. Selon un répondant dans le rapport de l’AAFMI, ces changements feront définitivement de Maurice et de la Bourse de Maurice une plateforme de collecte de capitaux et de cotation plus intéressante pour les émetteurs internationaux de niche. La question est de savoir pourquoi le marché n’a pas la capacité d’absorber des transactions de taille décente.

À cela, Jaya Patten répond que la vraie question est de savoir comment progresser dans le classement ? «Le gouvernement a exprimé à plusieurs reprises son intérêt à promouvoir le développement de marchés financiers et des capitaux. En réalité, les progrès à ce jour ont été anémiques. C’est compréhensible. Pour utiliser une référence biblique pour les centres financiers, je dirais qu’il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. Établir un centre financier de premier plan basé sur la profondeur et la liquidité des marchés de capitaux est un défi de taille. Cela nécessite une combinaison de facteurs, notamment une relation proactive et symbiotique entre, d’une part, le gouvernement, la Banque centrale et le régulateur et, d’autre part, les acteurs des marchés des capitaux, y compris les opérateurs locaux, régionaux et mondiaux», fait-il ressortir.

Cela nécessite également une combinaison d’initiatives stratégiques et opportunistes. Bref, c’est tout un parcours. Très souvent, les décideurs politiques, en particulier dans les marchés émergents, pensent à tort que c’est une question de législation. Certes, cela fait partie du mixte, mais ce n’est pas le catalyse. «La clé est d’attirer la demande et l’offre de capital. En un mot, il s’agit du métier de la banque d’investissement, c’est-à-dire lever, négocier et gérer les capitaux. Cela me rappelle les conversations multiples et tortueuses avec les décideurs politiques de Singapour au début des années 90», ajoute Jaya Patten. La profondeur et la liquidité du marché dépendent de trois facteurs clés : la taille du marché ; les participants, y compris les émetteurs, les market makers, les investisseurs, les traders et l’infrastructure du marché pour faciliter la découverte et la transparence des prix, la négociation et le règlement des opérations ; et la gamme d’instruments financiers. Ce sont les facteurs clés qui confèrent à une place financière la position de leader.

De son côté, Amit Bakhirta ajoute qu’il existe un certain nombre de facteurs qui affectent la capacité du marché à absorber des transactions importantes, notamment la taille du marché sous-jacent luimême, le pourcentage de flotte des sociétés cotées, la diversification en termes de diverses industries, l’efficacité d’autres plateformes de financement alternatif et la liquidité dans l’économie des sociétés cotées et non cotées, la stratégie d’investissement des particuliers et des institutions détenant ces actions (plus elles sont actives, plus elles sont liquides) et surtout les perspectives de croissance sous-jacentes et la solvabilité des sociétés cotées, nonobstant d’autres variables ; des facteurs macroéconomiques tels que la place des taux d’intérêt, de l’inflation et de la monnaie locale dans l’économie.

Par conséquent, selon les analyses d’Amit Bakhirta, il n’y a pas de solution unique pour aborder l’amélioration de toutes ces variables et il s’agit de définir les priorités et de les hiérarchiser en conséquence, pour une optimisation dans la durée. «Je suis convaincu que la gestion indépendante des investissements de nos fonds de pension publics (mandats locaux et internationaux des actions et des obligations) par des gestionnaires d’actifs locaux experts sera certainement utile dans cet exercice. À cela, si nous bénéficions d’un soutien politique encourageant la participation locale via des frais de transaction uniques réduits, les déductions fiscales, entre autres, cela devrait soutenir une génération accrue de liquidités», argue-t-il.

Un marché obligataire fragmenté

Concernant le marché obligataire mauricien, il est principalement public, c’est-à-dire composé d’obligations d’État émises par la Banque centrale. Le segment privé est en développement. Comme c’est souvent le cas dans les économies émergentes, il revient au secteur public de tirer le développement du marché.

«On comprend facilement pourquoi les autorités s’intéressent à un tel développement. Il s’agit d’une évolution naturelle pour une économie souhaitant s’imposer comme une potentielle place financière régionale de premier plan. Cependant, il y a une bonne raison pour laquelle il y a eu peu de progrès à ce jour. C’est un fait courant dans les marchés émergents. Le progrès nécessite une expertise pratique des marchés des capitaux, une communauté financière entreprenante et un soutien gouvernemental ciblé. La feuille de route est complexe à concevoir. Plus important, la mise en œuvre pose un véritable défi. L’expertise requise appartient uniquement aux pratiquants de marché. De même, leur expérience dans de telles initiatives est à la fois déterminante et discriminatoire», fait ressortir Jaya Patten.

Selon ses observations, dans le cas de Maurice, il existe deux raisons impérieuses d’envisager sérieusement le développement du marché des capitaux. Premièrement, il peut contribuer au financement du plan de développement économique et social du gouvernement. Il y a clairement un appétit croissant des investisseurs institutionnels mondiaux pour les opportunités d’investissement avec un label ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) et impact.

Par exemple, le gouvernement a annoncé un ambitieux programme de logements sociaux. À ce jour, le projet n’a pas décollé en raison très probablement d’un manque de financement. De l’avis de Jaya Patten, nous pouvons utiliser le marché obligataire local pour financer le programme de construction de logements sociaux. Deuxièmement, la fenêtre d’opportunités pour devenir une place financière régionale se referme rapidement. Un certain nombre d’autres destinations africaines tentent activement d’occuper ce siège. Maurice a donc la possibilité de développer une spécialisation pour l’émission de titres financiers éligibles aux ESG et aux investissements d’impact, mais il n’est pas seul à convoiter cette position.

Mais comme le rappelle Amit Bakhirta, quelle que soit la taille, l’augmentation des émissions est positive pour les investisseurs et le marché des titres à revenu fixe, car elle favorise la diversification – dans une certaine mesure – et améliore la tarification du crédit et la découverte des primes de risque de marché au fil du temps. La question de la liquidité réside donc principalement chez les acheteurs/vendeurs ultimes (et donc les investisseurs) de ces instruments à revenu fixe. Négocient-ils activement ces obligations ou les détiennent-ils tout simplement jusqu’à échéance ? Ce qui n’est pas le rôle principal des Primary dealers dans le schéma des marchés de capitaux. Les investisseurs ultimes sont ceux qui relâchent et/ou resserrent la liquidité, en fonction de leurs stratégies d’investissement, à différents moments et sur différents cycles de marché/ macroéconomiques. À cela, Jaya Patten précise que du côté de la demande, il existe une liquidité abondante et une demande énorme de la part des investisseurs institutionnels tels que les compagnies d’assurances, les fonds de pension et les départements de gestion actif/passif des banques commerciales locales pour les obligations à moyen et long termes. Du côté de l’offre, la Banque de Maurice (BoM) contrôle le marché. Tant que la BoM est en mesure de lever des fonds pour financer le gouvernement, elle a le sentiment de remplir son mandat. Mais il est important qu’elle élargisse son champ de vision. Et Jaya de conclure : «Par exemple, une émission obligataire pour le financement de logements sociaux à cinq ans rehaussé d’un label spécial ESG et impact serait cotée sur la base d’un spread par rapport à l’obligation d’État de référence de la même maturité. La BoM a un rôle de premier plan en termes d’émissions de référence et de cotation. C’est une source précieuse d’intelligence de marché et qui renseigne également sur les anticipations des opérateurs financiers sur les perspectives de l’inflation et de la croissance. Cela devrait aider la BoM dans la formulation et la conduite de la politique monétaire pour assurer la stabilité financière et améliorer la résilience du système financier monétaire tout en favorisant un agenda ESG et Impact».

Fonds de dette : faut-il les attirer ?

Selon certains observateurs, Maurice a besoin de plus de Debt funds investissant dans des obligations d’État ou d’entreprises. Pour Amit Bakhirta, il y a deux façons d’analyser cette problématique. Il faut savoir qu’un plus grand nombre d’acteurs institutionnels du marché, tels que les fonds de dette, fournissent une réserve accrue de capitaux pour les investissements, mais les émissions, et donc la taille du marché, doivent également augmenter pour que les fonds de dette investissent. Sinon, ces fonds auront du mal à allouer pleinement leurs fonds. Et un fonds de dette ne peut pas s’asseoir sur des niveaux de liquidités excessivement stérilisés. En outre, davantage de fonds de dette investissant dans des titres de dette d’État augmente la demande et fait baisser le rendement, en temps normal. Ce qui est certainement positif pour le gouvernement. D’un autre côté, dans un environnement de manque de discipline budgétaire et de dégradation de la solvabilité souveraine et/ou dans un environnement de fortes pressions inflationnistes, ces fonds peuvent peser en exigeant des rendements plus élevés et donc des coûts de financement plus élevés pour les titres publics. Ce qui est positif pour l’ensemble du système du marché des capitaux, mais négatif pour le gouvernement. Ici, on se souviendra de ce qui s’est passé avec les rendements des obligations souveraines grecque

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