Business Magazine

BUDGET 2019/ INDUSTRIE – Impasse sur le localisme

L’industrie locale est un roc, un pilier encore sous-estimé, en termes d’effets induits et d’attractivité de notre territoire. Elle reste un des piliers économiques, avec 10,3 % du Pib. Ce chiffre était le même en 2003. Signe de sa résilience.

Il faut savoir que le nombre d’entreprises enregistrées dans le secteur manufacturier s’élève à 590. Les grandes entreprises manufacturières emploient directement 71 995 individus. À elle seule, l’industrie locale contribue à 55 000 emplois, soit 15% de la maind’œuvre ouvrière.

Dans un nouveau cycle de consolidation, une réflexion sur le localisme comme un modèle économique a été enclenchée pour valoriser les compétences locales ainsi que la production et le savoir-faire mauriciens. Au-delà de la tendance mondiale du ‘consommer local’ ou de ‘l’achat de proximité’, le futur de l’industrie à Maurice réside dans de nouvelles façons de produire, de consommer et comprend également les nouvelles aspirations des consommateurs tant sociales qu’environnementales. Mais le Budget a fait l’impasse sur la valorisation de cette industrie de substitution dont l’importance est capitale pour réduire la charge sur la balance commerciale.

Selon l’étude Lokal is beautiful préparé par le groupe MCB, l’effet multiplicateur local se réduit et nos exportations se sont tassées depuis au moins deux ans. D’un multiplicateur de 3,88 en 1995, Maurice est passée vingt ans plus tard à un multiplicateur de 2,86. Cet effet multiplicateur local traduit la capacité d’un territoire à faire circuler durablement au sein de son économie un certain volume de richesses extérieures. Ainsi, un territoire capable de faire circuler durablement ces richesses sera plus prospère qu’un territoire dont le circuit économique local tourne à faible régime. Pour augmenter l’effet multiplicateur, il s’agit de réduire les importations et d’augmenter les exportations à haute valeur ajoutée.

PLUS DE RECONNAISSANCE AU MADE IN MORIS

},

On s’accorde à dire que les entrepreneurs mauriciens ont du talent et le Made in Moris est aujourd’hui un réel accélérateur de business. De plus, l’État soutient financièrement les PME qui veulent pouvoir apposer le label Made in Moris sur leurs produits et l’utiliser comme un outil de promotion. L’État accorde une subvention de Rs 5 000 pour s’acquitter partiellement des frais d’inscription. Cette subvention de Rs 5 000 par PME sera ainsi prolongée par SME Mauritius pour la certification sous le label Made in Moris pour une année supplémentaire.

La reconnaissance officielle du Made in Moris résultera en l’attribution préférentielle des produits locaux dans la politique des marchés publics. Bruno Dubarry, Chief Executive Officer de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM), accueille favorablement l’augmentation de 20 % à 30 % de la Margin of Preference pour les contrats passés dans le cadre de marchés publics pour des produits portant le label Made in Moris fabriqués localement par des PME.

Quant à Permal Sinnappan, directeur de Banker Shoes, il est d’avis que cette mesure laisse un arrière-goût d’inachevé. «Nous avions proposé que la marge passe à 50 % car les fabricants locaux ne profitent pas pleinement des appels d’offres lancés auprès des institutions publiques», soutient-il. Et d’indiquer que pas plus loin que l’année dernière, une entreprise évoluant dans l’informatique et qui n’a rien à voir avec la fabrication de chaussures a raflé le contrat pour la fourniture de 48 000 paires de chaussures pour la fonction publique.

«Généralement, ces entreprises importent de l’Inde ou de la Chine. Je pense que le gouvernement aurait dû mieux protéger l’industrie locale en s’approvisionnant auprès des producteurs locaux. Nos produits sont certes un peu plus chers car nous devons importer la matière première, mais nous faisons de la qualité. Maintenant que la marge passe à 30 %, je vais enclencher les procédures pour être certifié Made in Moris», ajoute Permal Sinnappan.

D’un autre côté, Bruno Dubarry souligne son appréciation sur le système de gestion des déchets électroniques qui sera bientôt mis en place en collaboration avec la Chambre de Commerce et d’Industrie de Maurice pour la collecte et l’exportation des déchets électroniques. À savoir qu’un montant de Rs 9 millions est alloué à l’exportation de déchets électroniques. «C’est un projet que nous soutenons au niveau de l’AMM. À titre d’exemple, BEM Recycling, un membre de l’AMM, est une entreprise axée sur le recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques. L’entreprise ne pouvait plus exporter, mais c’est bien que le ministre des Finances ait rectifié cela», argue-t-il.

Le CEO de l’AMM fait ressortir que la création d’une Food Standards Agency pour établir les normes applicables aux fast-foods et aux boissons non alcoolisées pourrait aider dans une certaine mesure à rétablir un juste équilibre. Dans un contexte de libéralisation et d’ouverture des frontières, nécessaire pour ouvrir de nouveaux marchés, le «level playing field» entre les produits locaux et produits importés est un sujet délicat et complexe. Les producteurs locaux et les importateurs ne sont pas soumis aux mêmes exigences. Effectivement, certains produits qui pénètrent le marché ne sont effectivement pas conformes aux standards de qualité.

Du côté du gouvernement, l’on se dit conscient des contraintes auxquelles font face les industriels, notamment dans un contexte de concurrence avec les grandes nations industrielles. Ainsi, pour favoriser le maintien des standards et ne pas pénaliser la production locale, les normes de qualité et de sécurité pour les produits importés seront rehaussées. Le ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Protection des Consommateurs et le Mauritius Standards Bureau travaillent depuis quelque temps sur une liste des produits concernés. Deux mesures sont concernées : la Shelf life et les Mandatory standards. À l’heure où l’on négocie des accords avec de grandes nations industrielles comme l’Inde et la Chine, l’adoption de normes de qualité devient plus stratégique que jamais.

Par ailleurs, Bruno Dubarry précise qu’il y a toujours des questions en suspens sur l’économie circulaire, par exemple. Et malgré l’accent qui est mis sur la stratégie africaine de Maurice, il n’y a pas eu de mesures touchant à l’exportation dans les pays de la région. Au passage, soulignons que l’AMM effectuera du 22 au 24 juillet sa deuxième mission export au Kenya. Cette initiative tournée vers l’Afrique de l’Est a commencé en 2018.

De même, l’association salue la décision de regrouper les entreprises en fonction de leur taille. C’est d’ailleurs une mesure qui avait été réclamée. En gros, une nouvelle catégorie d’entreprises, à savoir les Mid-Market Enterprises (MME) dont le chiffre d’affaires annuel est compris entre Rs 50 millions et Rs 250 millions sera créée. Un nouveau système de financement pour cette catégorie d’entreprises, appelé MME Financing Scheme, a été proposé. Ce système de financement bénéficiera d’un taux d’intérêt réduit sur les nouveaux prêts des banques commerciales. 

Exit mobile version