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Commerce international : L’imminence d’un conflit entre la Chine et Taïwan accentue la pression dans le port

Le conflit industriel opposant les manutentionnaires à la direction de la Cargo Handling Corporation et l’imminence d’un conflit armé entre la Chine et Taïwan risquent de perturber davantage les activités portuaires.

Port-Louis est une structure critique et stratégique pour l’économie mauricienne. C’est l’unique porte maritime du pays. Pas moins de 99,5 % du commerce extérieur du pays, soit l’équivalent de 8,1 millions de tonnes de marchandises par an, transitent par Port-Louis. Comme tous les ports à travers le monde, nous n’avons pas été épargnés par l’engorgement de la chaîne logistique mondiale. Ces jours-ci, l’opération de go-slow des manutentionnaires de la Cargo Handling Corporation Ltd (CHCL), responsable de la gestion des opérations relatives aux conteneurs et aux marchandises, vient s’ajouter aux tensions provoquées par des événements géopolitiques.

En cas de grève ou de go-slow, c’est toute l’économie qui souffre, observe Alain Malherbe, professionnel aguerri des opérations portuaires et maritimes. «Port-Louis est notre ‘gateway’. Il n’existe aucune alternative pour soutenir de tels trafics en cas de grève. Il est important que nos gouvernants réalisent pleinement qu’une atmosphère saine doit impérativement régner dans le port pour le bien-être des travailleurs de qui toute la nation dépend. Le litige entre le patronat et les travailleurs dans un secteur aussi clé et sensible qu’est le port devrait être réduit à son strict minimum afin d’éviter toute opération de go-slow ou risque de grève. De plus, les rumeurs de privatisation rendent fébriles les travailleurs du port car ils n’ont aucune confiance et aucune assurance par rapport à leur avenir», soutient Alain Malherbe.

La tension entre la Chine et Taïwan risque de perturber davantage le commerce maritime vers Maurice du fait que les lignes maritimes en provenance d’Asie empruntent normalement le Détroit de Taïwan et les routes navigables autour de l’île.

Partageant avec nous deux cartes (en direct le samedi 13 août 2022 à 11 heures) du trafic maritime impliquant des tankers et des navires de conteneurs gravitant sur la route maritime taïwanaise, Alain Malherbe fait la remarque suivante : «Observez la densité du trafic venant et allant vers l’Europe et l’Amérique. Toute cette logistique de commerce maritime risque d’être fortement chamboulée et de déboucher sur une énorme récession mondiale. Croyez-vous donc que Maurice sera à l’abri ?»

Possibilités de retard

De son côté, Shane Ramburn, président du réseau de jeunes professionnels de la branche locale du Chartered Institution of Logistics and Transport (CILT), fait remarquer que pour l’instant, plusieurs compagnies maritimes attendent de voir l’impact des manœuvres militaires en cours avant de décider de modifier ou pas leur itinéraire. Elles ne prévoient pas de réacheminement. Et de faire ressortir que «la saison des typhons en cours a rendu plus risqué le détournement des navires autour de la côte orientale de Taïwan par la mer des Philippines».

Il faut donc s’attendre à des retards dans l’acheminement des produits de et vers la Chine, et donc un impact sur le coût du fret si le conflit entre la Chine et Taïwan persiste. «Il y a déjà des retards. Ils résultent d’abord des perturbations provoquées par la pandémie. L’aggravation de la performance de Port-Louis et l’augmentation des coûts de manutention contribuent grandement à ces retards car les ‘mother vessels’ préfèrent transborder les conteneurs de Port-Louis dans un port subsidiaire. Cela implique des frais additionnels qui impactent, eux aussi, sur le coût final du fret. Nous devons nous attendre malheureusement à une détérioration de la situation si le conflit Chine-Taïwan perdure», argumente Alain Malherbe.

Par ailleurs, Shane Ramburn indique que les délais de livraison pourraient s’étendre sur 30 à 90 jours, selon les lignes et les routes maritimes empruntées. Car de nombreux conteneurs destinés à Maurice sont d’abord transbordés avant d’être acheminés vers Port-Louis. Un autre scénario à envisager serait une augmentation des importations de marchandises en provenance de Chine car les importateurs essaieront de constituer un stock tampon pour faire face à la période de pointe et éviter toute fluctuation des prix à un stade ultérieur de l’année.

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