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Cryptomonnaie : le bitcoin s’affaiblit en raison du tour de vis monétaire des banques centrales

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C’est la dégringolade ! Depuis le début de juin, les cryptomonnaies font l’objet d’une chute vertigineuse. C’est le cas du Bitcoin, dont la valeur est passée de $30 000 à $21 470 sur ces huit dernières semaines. La valeur de l’Ethereum suit cette même trajectoire. Elle est passée de $1 994 à $1 261 durant la même période. Le seul actif qui fait figure d’exception est le Dogecoin. En dépit d’une forte baisse entre le 1er et le 18 juin, passant de $0,087 à $0,053, le Dogecoin a repris des couleurs. Il s’échange aujourd’hui à $0,073.

Quelles sont les raisons à l’origine de ces baisses enregistrées sur le marché des crypto-devises ? Les experts en investissements alternatifs sont unanimes : c’est la stratégie de politique monétaire agressive de la Réserve fédérale (FED) qui, le 15 juin dernier, a procédé à son troisième tour de vis monétaire, est en train de tirer les cryptomonnaies vers le bas.

Sameer Sharma (Expert en investissements alternatifs)

«Les banques centrales à travers le monde s’efforcent de maîtriser l’inflation. Toutefois, cela a une répercussion sur le marché des cryptos. Par exemple, face aux hausses des taux d’intérêt de la FED, l’attrait des cryptomonnaies a diminué. Cela a nui à l’argument selon lequel les investisseurs devraient détenir des Bitcoins comme protection contre la hausse des prix», observe l’économiste Manisha Dookhony. Elle explique que l’activité des banques centrales en 2020 et 2021 avait pourtant permis de doper les prix des cryptos. Mais il semble que cette ère touche à sa fin avec l’assèchement des liquidités. «Depuis que les marchés ont eu la certitude que la FED allait augmenter son taux d’intérêt, la chute du Bitcoin s’est accentuée. Les analystes en investissements crypto ont alors été pris à contre-pied, car ils prédisaient des augmentations de taux de petite quantité. Le rehaussement du taux de 1,00 % à 1,75 %, soit la plus forte hausse depuis 1994, a eu pour conséquence une chute considérable du marché de la cryptomonnaie», souligne-t-elle.

UN CYCLE BAISSIER

Le spécialiste en investissements alternatifs, Sameer Sharma, fait le même constat, arguant que le facteur principal reste le cycle de resserrement des taux d’intérêt et la stratégie de politique monétaire de la Réserve fédérale. «La chute du Bitcoin corrèle donc avec les interventions des banques centrales qui impriment trop d’argent et faussent le cycle économique. Il faut savoir que cet actif a été conçu pour résoudre précisément cette problématique. Lorsque la masse monétaire augmente très rapidement, le Bitcoin a tendance à se redresser. Étant dans un scénario inversé – l’inflation ayant obligé la FED et les autres grandes banques centrales à réagir –, la chute des cryptomonnaies était inévitable», analyse-t-il.

Dr Bhavish Jugurnauth (Economiste et expert-comptable)

De son côté, le Dr Bhavish Jugurnath, économiste et expert-comptable, insiste qu’il faut considérer le cycle baissier dans lequel se trouvent les cryptomonnaies dans un spectre plus large. Prenant comme exemple les stablecoins, il indique que leur valeur dépend d’algorithmes, ce qui signifie qu’ils ne sont pas réellement soutenus par des actifs réels, mais plutôt qu’ils utilisent une technologie, un codage et des algorithmes complexes pour maintenir leurs prix. «Qu’il s’agisse de l’inflation ou de la stratégie d’intervention de la FED, le marché des cryptomonnaies est actuellement dans un état très précaire. Du coup, les investisseurs se précipitent vers la sécurité. Des préoccupations plus larges concernant les cryptomonnaies sont également apparues en raison de problèmes avec les stablecoins, des actifs numériques rattachés à une sorte de marchandise ou de monnaie fiduciaire. L’un des plus notables, TerraUSD (USTC), qui est lié au dollar américain, a vu son prix dégringoler. Alors qu’il est supposé se négocier à $1, sa valeur a plongé à moins de $0,30 par jeton, ce qui est un énorme ‘red flag’. Je pense que le marché s’attend à une vente forcée de Bitcoins de la part de Terra et de la réserve», argue-t-il. Mais il s’empresse de faire ressortir qu’en dépit des incertitudes, les cryptomonnaies ne vont pas disparaître à cause de cette crise. «Je n’ai aucune idée de l’ampleur de la chute du marché des cryptomonnaies. Je m’attends définitivement à ce que le Bitcoin et l’Ethereum survivent et soient de bons achats à long terme. Étant donné que ce sont les deux cryptomonnaies les plus importantes, elles vont finir par rebondir.

$2 000 milliards effacés du marché des cryptomonnaies

Il existe bien une corrélation entre le marché des valeurs et celui des cryptomonnaies, notamment dans ce contexte où les banques centrales adoptent des stratégies agressives pour combattre l’inflation.

Tout en soutanant que les crises que traverse le monde ont secoué ces deux marchés financiers, le Dr Bhavish Jugurnath fait remarquer que «les marchés cryptos et les marchés boursiers ont connu une année mouvementée jusqu’à présent. Le Bitcoin et l’Ethereum se sont effondrés en même temps que le marché boursier au cours des derniers mois. Les investisseurs étaient préoccupés avec la poursuite de l’inflation galopante, la guerre de la Russie en Ukraine, la hausse des taux d’intérêt et les craintes de récession», soutient-il. Et de préciser que pas moins de «$2 000 milliards ont été effacés du marché des cryptomonnaies et le S&P est entré dans un cycle baissier»

Une opportunité d’investissement

Dans le jargon financier, la chute de la valeur des actifs sur les marchés financiers peut se commenter sous deux angles: une catastrophe pour ceux qui en possèdent et une opportunité pour ceux qui cherchent à en acquérir. Ici, c’est ce deuxième aspect que l’on va aborder.

Selon Dr Bhavish Jugurnath, le bon moment arrivera bientôt. «Je pense que les prix du Bitcoin et de l’Ethereum pourraient chuter encore plus bas. Ce pourrait être le début d’un ‘hiver crypto’, une période prolongée où les prix chutent et restent bas, comme cela a été le cas entre le début de 2018 et la mi-2020. Le moment pourrait être propice pour entrer sur le marché des cryptomonnaies pendant que les prix sont bas. Mais il faudra bien avoir évalué votre tolérance au risque et donné la priorité à d’autres aspects de vos finances, comme l’épargne en cas d’urgence, le remboursement des dettes à taux d’intérêt élevé et l’investissement dans un compte de retraite traditionnel», recommande-t-il.

S’agissant de Manisha Dookhony, elle estime que la chasse aux bonnes affaires a certainement dû commencer. «Les défenseurs du ‘buy low’ sont en train de se frotter les mains ! Tous ceux qui croient dans les technologies sont en train d’acheter pour le long terme. Cela fait les affaires des ‘day traders’ qui sont déjà en train de se faire une fortune en pariant sur des augmentations», commente-t-elle, tout en insistant qu’il faut voir l’investissement en cryptomonnaie sur le long terme.

Je suppose que cela sera aussi le cas du Dogecoin. Toutefois, je ne l’ai jamais considéré comme un bon investissement et je ne le recommande pas», préconise-t-il.

EXPLOSION D’UNE BULLE?

La chute historique des actifs cryptos soulève une autre question. Avec une baisse entre 50 % et 70 % de certaines valeurs, peut-on en déduire qu’on assiste à l’explosion d’une bulle financière ? Selon Sameer Sharma, ce n’est pas le cas. D’ailleurs, insiste-t-il, il est difficile de parler d’une bulle financière intrinsèquement liée aux cryptomonnaies. Il s’explique : «Le concept de bulle financière n’existe pas lorsque l’on parle des crypto-devises. La nature décentralisée des actifs cryptos et la faible exposition des institutions à cette très jeune classe d’actifs signifient qu’il n’y a presque pas de lien entre les cryptomonnaies et l’économie réelle. Cependant, il est vrai que leurs actions ont toutes été gonflées en raison de l’impression monétaire des banques centrales du monde entier. Dès que vous supprimez ce facteur, vous devez trouver un ajustement dans tous les actifs à risque. Nous observons aussi que les marchés d’actions ne sont pas au mieux de leur forme actuellement. Surtout lorsqu’il s’agit d’actions de croissance, qui se portent encore plus mal que le marché général», étaye-t-il. Partageant le même avis, Manisha Dookhony estime que la chute des cryptomonnaies s’inscrit plutôt dans un cycle économique. «Depuis le début de la guerre, on sait que la Russie et l’Ukraine ont utilisé les cryptomonnaies pour financer les efforts de guerre. Par exemple, face aux sanctions de la communauté internationale, la Russie a utilisé ces actifs pour les paiements de ses exportations. La cryptomonnaie a alors été mise à l’honneur, notamment le Bitcoin et l’Ethereum qui ont joué un rôle prépondérant pendant le conflit. Il est probable aussi que des oligarques russes se soient tournés vers ces actifs, alors que leurs biens avaient été gelés à travers le monde», fait-elle ressortir.

Jusqu’où le cycle baissier des cryptomonnaies se poursuivra-t-il ? Les analystes en investissements alternatifs suivent de près leur évolution.

Cryptomonnaies Versus Monnaie Numérique de Banque Centrale

Comme on le sait, les pays du monde entier cherchent à proposer des monnaies numériques contrôlées afin d’éviter les problématiques liées aux cryptomonnaies. Toutefois, en dépit de la création prochaine de ces nouvelles monnaies, les experts en investissements alternatifs sont confiants qu’il y a de la place pour ces deux produits financiers.

C’est le cas de Sameer Sharma qui indique qu’il y aura un monde de différence entre les deux solutions. Selon lui, les monnaies numériques de banque centrale (CBDC) seront sous le contrôle des banques et risquent d’être influencées par les actions de cellesci. Alors que les actifs cryptos demeureront indépendants. «L’idée générale du Bitcoin est de s’affranchir des banques centrales et de leur tendance à imprimer de l’argent et à déprécier leurs monnaies. Les gens investissent dans le Bitcoin en particulier parce qu’ils veulent s’éloigner de l’argent des banques centrales. Vu que les monnaies numériques dites CBDC seront sous le contrôle de ces institutions, l’attrait de certains pour les cryptos ne s’inversera pas», prévoit-il.

Même constat pour Manisha Dookhony qui pense que l’arrivée des CBDC va contribuer à vulgariser et à rendre plus accessible le concept des cryptomonnaies. Pour elle, les deux produits financiers peuvent pleinement coexister. «Le déploiement des CBDC pourrait même faciliter la prolifération des cryptomonnaies non souveraines et des technologies de blockchain», soutient-elle.

MANISHA DOOKHONY (ECONOMICS AND MARKET REFORM OFFICER D’AFRICA RISE)

Manisha Dookhony (Economiste)

Elle est rejointe dans son analyse par Bhavish Jugurnath. S’il pense que les deux marchés peuvent coexister, il est cependant d’avis que que l’arrivée des CBDC risque de faire naître une concurrence très élevée. «Les banques centrales cherchent toujours à améliorer l’efficacité et la sécurité des paiements. Les CBDC pourraient apporter des avantages marginaux dans ces deux domaines, en étendant les garanties de la banque centrale au secteur privé au sens large. Chaque option a ses propres mérites et pièges, et il n’y a pas de vainqueurs évidents. En fin de compte, la conception dominante des CBDC aura un impact tangible sur la fonction et l’utilité de la monnaie, et même sur l’avenir et le rôle du secteur bancaire commercial», soutient-il.

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