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CSG : plaidoyer pour un apaisement

En 1968, lorsque Maurice accédait à son indépendance, l’espoir était grand. Dans le même temps, on ne savait pas encore dans quoi on s’embarquait et quelle serait notre trajectoire de développement. Du reste, le prix Nobel de l’économie, James Meade, ne voyait pas comment notre petit État insulaire privé de ressources naturelles allait s’en sortir. Et prédisait qu’on était voué au sous-développement. Pas étonnant qu’à l’époque, une partie de l’intelligentsia mauricienne ait choisi d’aller migrer sous d’autres cieux.

Mais, contre toute attente, d’une monoculture, Maurice a réussi sa phase d’industrialisation et sa transition vers une économie des services, avec en point d’orgue la création de l’offshore en 1992. Le «miracle mauricien», il n’est pas sorcier ! Réduit à sa plus simple expression, il est le fruit d’une collaboration étroite entre le secteur privé et le gouvernement. Interventionniste, l’État l’a été quand il a fallu adopter des réformes courageuses pour dynamiser le climat des affaires, alléger les régimes fiscaux. C’est ainsi qu’on a pu créer un cadre propice pour que le secteur privé puisse investir dans l’économie réelle.

Aujourd’hui, au plus fort de la tempête, le vaisseau amiral garde malgré tout le cap. Car nous avons construit au fil des décennies un secteur financier robuste et résilient, avec un matelas de réserves qui alimente l’économie, sauvegardant les entreprises et limitant les pertes d’emplois.

Si depuis le début de la crise, le gouvernement est resté au chevet des entreprises, en finançant le paiement des salaires et en injectant Rs 140 milliards dans l’économie, notamment à travers la Mauritius Investment Corporation et un transfert unique au Trésor public, il est malheureux que le calendrier inadapté pour une réforme du système des pensions vienne hypothéquer un modèle de collaboration public-privé qui a fait les beaux jours de Maurice.

Dans la conjoncture actuelle, la Contribution sociale généralisée (CSG) pose un problème majeur : cette taxe sur les salaires vient alourdir la charge des entreprises qui, depuis le confinement, sont en apnée et peinent à se restructurer pour dégager de la liquidité. Il constitue aussi un fardeau additionnel pour une partie de la classe moyenne et la classe aisée qui voient leur pouvoir d’achat s’effriter un peu plus.

Donc, d’un point de vue purement macroéconomique, la CSG ne permet pas de libérer au maximum les forces du marché, brimant l’offre et pénalisant la demande.

Sans compter que, comme le rappellent constamment les actuaires, la CSG étant une taxe directe – le montant est transféré directement au Consolidated Fund – et non un plan de pension comme le National Pension Fund avec une stratégie d’investissement permettant de générer des rendements au minimum au même taux que l’inflation, elle ne peut que rapidement s’essouffler dans le temps. Pour rappel, le montant annuel des cotisations sous la CSG s’élèveront à Rs 3,5 milliards, alors que les prestations devant être versées aux personnes âgées en 2023 sont calculées à Rs 10,6 milliards.

Si la décision du gouvernement de revenir à la table des négociations, avec la création prochaine d’un comité technique mixte, est à saluer, il n’empêche que la tension est palpable. En effet, la Cour suprême entend ces jours-ci les deux actions logées par Business Mauritius contre l’État, à savoir une demande de révision judiciaire et une plainte constitutionnelle. En fin de semaine dernière, le chef juge Asraf Caunhye et le juge David Chan ont mis en délibéré leur jugement sur la motion de stay of execution qui, si elle est adoptée, signifierait le gel de la CSG.

Alors que sur la CSG, on s’enferre dans une guerre stérile, la décision du ministre des Finances, Renganaden Padayachy, de considérer la demande de Business Mauritius pour une assistance financière à des secteurs autres que l’hôtellerie, l’exportation, les PME et l’informel en vue d’amortir le choc de la compensation salariale, est définitivement un pas dans la bonne direction. Où va-t-on dans la relation entre l’État et le privé ? Qui aura la sagesse de mettre son ego de côté dans l’intérêt supérieur du pays ? Un apaisement est, dans tous les cas, souhaitable sous peine de compromettre la reprise.

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