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Défaillance structurelle : les clefs pour débloquer l’investissement et la croissance

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C’est un fait : Maurice n’attire pas assez d’investissements dans les secteurs productifs, souligne la banque mondiale dans son dernier Country Economic Memorandum. Alors que l’on envisage de reconstruire le pays sur des bases plus solides, il est essentiel de corriger cette défaillance surtout quand on connaît la correlation entre l’investissement et la croissance.

En cette période de crise, l’investissement est en berne. Il s’est pratiquement arrêté au deuxième trimestre de 2020 et a progressivement repris après le premier confinement. Cela se ressent sur la formation brute de capital fixe, qui a chuté de 16 % au premier trimestre et de 65 % au deuxième trimestre de 2020. Sur l’ensemble de l’année, l’investissement a reculé de 26,7 %, notamment avec l’investissement public (-33 %) diminuant encore plus fortement que l’investissement privé (-24,3 %). Alors que l’effet le plus immédiat de la Covid-19 sur l’investissement a été enregistré par la fermeture des chantiers de construction lors du premier confinement.

D’un point de vue macroé[1]conomique, il y a une corrélation entre l’investissement et la croissance. Au début des années 2000, les experts estimaient que Maurice avait besoin d’un taux d’investissement équivalent à 28% du PIB pour réaliser une croissance d’au moins 6 %. Selon Jaya Patten, directeur de Jaya Advisory Financial Markets, Risks and Governance, c’est plus qu’une corrélation qui existe entre l’investissement et la croissance. L’identité dénotant la production comme la somme des principaux agrégats, notamment la consommation, l’investissement, les dépenses publiques et le commerce extérieur, est une des pierres angulaires de l’analyse économique. La corrélation positive entre l’investissement et la production est également intuitive. Une augmentation des investissements conduit à la croissance sauf dans les cas flagrants de corruption et de fraude.

«Dans le cas de l’économie mauricienne, il ne fait aucun doute, à mon avis, que la croissance doit être tirée par l’investissement. Nous n’avons pas atteint une maturité économique où nous pouvons compter sur la consommation, compte tenu surtout de la précarité de la balance des paiements. Le coefficient de corrélation évolue dans le temps. Les variables explicatives sont liées à la productivité, l’innovation technologique et la loi des rendements décroissants. À ce sujet, j’ai trouvé le titre du dernier chapitre du rapport de la Banque mondiale sur Maurice très pertinent et inspirant : ‘Faire plus avec moins’. Ainsi, maximiser l’impact de l’investissement sur la croissance est au cœur de la conception d’une stratégie de développement économique», observe Jaya Patten.

L’investissement est donc un facteur crucial pour tout pays et peut être le facteur de différenciation pour savoir si une économie connaît ou non un taux de croissance sain ou un taux de croissance anémique. Le Dr Bhavish Jugurnath, économiste, estime que sans investissement, l’innovation n’est pas possible. Il fait ressortir qu’en 2000, Maurice était un pays à revenu intermédiaire. Le pays s’était fixé comme objectif d’atteindre le statut de pays à revenu élevé d’ici à 2025. Désormais, Maurice fait partie d’un groupe restreint de pays qui sont sortis de la pauvreté en moins de trente ans. Avec un revenu national brut par habitant de 12 740 dollars en 2019, en hausse de 3,5 % par rapport à 2018, il a atteint le seuil des économies à revenu élevé pour la première fois de son histoire. Cet indicateur mis à jour annuellement par la Banque mondiale a été fixé à 12 535 dollars pour l’année 2019. Intégrer la ligue des pays à revenu élevé a été rendu possible avec une forte croissance annuelle légèrement en dessous des 4 %. Cependant, une croissance du PIB de 6 % aurait permis à Maurice d’atteindre ce statut plus tôt, estime le Dr Bhavish Jugurnath. Alors que Maurice planifie sa reprise économique il est essentiel qu’on débloque dadvantage de capitaux dans des secteurs productifs, comme le souligne la Banque mondiale dans son dernier Country Economic Memorandum. «Le FMI prévoit que la croissance de Maurice se stabilisera autour de 5,2 % en 2022. Cependant, pour atteindre cette croissance, comme le souligne le dernier rapport de la Banque mondiale, des investissements privés seront nécessaires. Selon mon interpolation économique, pour atteindre un revenu par habitant de plus de 12 000 dollars, il faudra une croissance économique de plus de 6 % et avec les 15 secteurs actuellement touchés par la Covid-19, nous aurons besoin d’un investissement privé équivalent à environ 43 % du PIB. C’est à mon avis une tâche très difficile», analyse le Dr Bhavish Jugurnath.

Les secteurs à fort potentiel de croissance n’attirent qu’une fraction des investissements

REVOIR LA STRATÉGIE D’IDE

S’agissant des investissements directs étrangers, la Banque mondiale insiste sur le fait qu’il est impératif que Maurice développe une stratégie pour attirer des investissements directs étrangers (IDE) claire et ciblée. Pour Jaya Patten, le rapport de la Banque mondiale remarque sans équivoque l’absence et la nécessité d’une telle stratégie. «La critique s’applique à la classe politique et l’administration. C’est une constatation fort utile qui, j’espère, peut changer la donne. Il y a souvent un ensemble de biais cognitifs qui empêche l’intendance de reconnaître le fait qu’il n’y a pas de stratégie. Souvent, la législation et la stratégie sont confondues. Les pays n’attirent pas les IDE par défaut ; la compétition est rude. Cela nécessite une stratégie bien conçue associée à un plan de mise en œuvre rigoureux. Je crois également que le succès du global business a créé des angles morts, tant pour les gouvernements successifs que pour le secteur privé, qui ont éclipsé la nécessité d’une véritable stratégie d’IDE», observe-t-il.

La solution, selon Jaya Patten, est loin d’être simple. Il explique que toute réforme transformationnelle est par définition complexe à concevoir et surtout à mettre en œuvre avec efficacité. Cependant, il est d’avis que la création d’une famille de fonds souverains peut être un atout majeur. Avec des mandats dédiés ciblant des secteurs spécifiques tels que la Fintech, l’EdTech et la HealthTec, ils aideront à poser les jalons d’une stratégie d’IDE ciblée. Les véritables facteurs d’attraction sont la veille technologique et l’accès aux principaux acteurs de cet écosystème, tels que les fonds de capital-risque, de capital-investissement et les fonds marchés émergents. Pour que la stratégie d’IDE soit couronnée de succès, elle doit disposer d’un bon mixte de capacité financière et d’intelligence de marché pour identifier les principales industries et les pionniers. Cette voie peut considérablement améliorer le couple risque/rendement. Elle a été utilisée très intelligemment par des pays tels que Singapour et certains États du Golfe.

Par ailleurs, si la tendance vers les services a été une réussite, avec le développement de plusieurs secteurs basés sur des services à plus forte valeur ajoutée, le secteur des biens est à la traîne, toujours fortement tributaire des préférences et manquant d’innovation. Cette économie axée sur les services a été soutenue par une augmentation des entrées d’IDE, ciblant principalement le secteur improductif, à forte intensité de capital et à faible emploi.

De l’avis du Dr Bhavish Jugurnath, il est grand temps que l’on rectifie le tir. Il étaye ses propos : «Des secteurs importants tels que le tourisme, la finance et la santé ont également subi des réductions importantes. Les IDE dans le tourisme ont diminué de Rs 2,5 milliards, ce qui équivaut à 76 % des IDE reçus pour ce secteur en 2014. Une situation critique a été rencontrée dans le secteur de la santé, où les IDE ont été réduits de 99 %, passant de Rs 532 millions à Rs 4 millions.

JAYA PATTEN (DIRECTEUR DE JAYA ADVISORY
FINANCIAL MARKETS, RISKS AND GOVERNANCE)

DR BHAVISH JUGURNATH
(ÉCONOMISTE)

 

Le ratio investissement/ PIB recule à 21 %

La part de l’investissement dans le PIB – en particulier l’investissement privé – a diminué au cours de la dernière décennie. Dans le même temps, le ratio investissement/PIB est passé de 25 % à 21 % et l’investissement privé a chuté d’un cinquième, soit à 15 % du PIB. D’un autre côté, l’investissement direct étranger a fluctué autour de 3 – 5 % du PIB ces dernières années, et la plupart des IDE sont allés dans le secteur de l’immobilier.

 

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