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Finances publiques: Le trésor public va-t-il mettre bon ordre dans les SPV ?

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Metro Express

Le gouvernement va-t-il suivre les recommandations de la Banque Mondiale et ne plus recourir aux fonds communs de créances (SPV) pour financer des projets d’envergure ? La question est d’actualité depuis les récentes observations de la Banque Mondiale.

Après s’être tourné vers des instruments non conventionnels pour financer le dernier Budget, le ministre des Finances devra cette fois-ci être plus traditionnel dans son approche. D’ailleurs, dans son dernier Country Economic Memorandum, la Banque mondiale recommande à l’État de revoir de fond en comble le processus budgétaire et d’éviter de recourir aux fonds communs de créances ou Special purpose vehicles (SPV) pour l’exécution de projets spécifiques.

Dans un récent passé, l’État a utilisé ce type de montage financier pour le projet Metro Express, le financement de zones économiques spéciales (au Sénégal, au Ghana, en Côte d’Ivoire et à Madagascar) et, plus récemment, pour la création de la Mauritius Investment Corporation (MIC). Si les SPV sont décriés, c’est parce qu’ils sont considérés comme des dépenses extrabudgétaires et ne sont pas comptabilisés dans le Consolidated Fund. Ce qui donne une indication un peu biaisée de l’état des finances publiques.

Dans le concret, comment fonctionne un SPV et pourquoi y a-t-on recours ? Selon Amit Bakhirta, CEO d’Anneau, le processus de structuration d’un SPV est «raisonnablement simple par rapport à son type spécifique». En fonction de l’objectif du SPV, celui-ci peut «être structuré en tant que compagnie domestique pour un investissement offshore». Dépendant de la nature du projet, le SPV peut «ainsi être agréé par la Financial Services Commission en tant que fonds à usage unique (Special purpose fund) ou en tant que société GBL pour les projets offshore à collaboration de capital externe», explique Amit Bakhirta.

De son côté, l’économiste Rajeev Hasnah fait ressortir qu’un SPV est une «société orpheline créée pour désagréger et isoler les risques des actifs, avec ses propres obligations, actifs et passifs, qui ne figurent pas dans les comptes du gouvernement».

Amit Bakhirta

Amit Bakhirta (CEO d’Anneau)

Rajeev hasnah 2

Rajeev hasnah (ÉCONOMISTE)

Dans le cadre actuel, ce genre de transaction off-balance sheet permet à l’entité mère, à savoir le gouvernement, de créer une autre entité légale qui générera son propre financement sans que cela n’impacte sur le bilan du gouvernement. Et Amit Bakhirta de renchérir que c’est le conseil d’administration du SPV qui désigne les prestataires de services compétents et utilise divers instruments financiers pour atteindre ses objectifs. Ainsi, les «avantages et pertes encourues par le SPV reviennent directement à ses propriétaires ou actionnaires». Donc, une mauvaise gestion sur le long terme peut affecter la solvabilité du gouvernement et réduire sa notation de crédit, entraînant ainsi une forme de responsabilité indirecte.

UN OBJECTIF UNIQUE

Une fois l’objectif du SPV atteint, celui-ci devrait être fermé, ce qui explique aussi sa caractéristique d’être un véhicule à but spécial, car ce genre ’instrument financier ne doit pas être permanent sous la forme d’une structure à long terme.

Pour revenir aux recommandations émises par la Banque mondiale concernant l’utilisation des SPV par l’État mauricien, les deux experts sont d’accord avec cette mise en garde. Pour Amit Bakhirta, l’utilisation des SPV doit être optimisée et disciplinée selon la nature des projets entrepris. Même s’il reconnaît que les SPV peuvent être requis pour financer des projets sur les court et moyen termes figurant hors bilan, pour ne pas déformer le ratio dettes/PIB, il insiste que tel ne doit pas être le cas pour les projets d’infrastructures nécessitant un investissement à long terme. Pour cause, ces projets d’envergure «cacheraient alors le véritable endettement de notre pays» étant donné que les SPV sont exclus du bilan.

Rajeev Hasnah se montre également prudent en faisant ressortir que l’écroulement d’Enron en 2001 résulte notamment d’un abus dans l’utilisation des SPV, qui avait permis à la société de cacher son niveau d’endettement réel pendant plusieurs années. Selon l’économiste, le système actuel «limite la capacité du gouvernement à allouer des ressources aux objectifs stratégiques prioritaires du gouvernement». Avec peu de transparence au niveau de la performance budgétaire présentée à l’Assemblée nationale, il estime qu’il serait bien de suivre la recommandation de la Banque mondiale et de repasser au Programme-Based Budgeting dans le but d’avoir une meilleure visibilité sur la situation financière du pays.

BOM

LA MAURITIUS INVESTMENT CORPORATION EST LE DERNIER SPV CRÉÉ PAR LE GOUVERNEMENT
POUR SOUTENIR LES  ENTREPRISES.

DES CHIFFRES INCOMPLETS

Cette opacité sur l’état des finances publiques, surtout au niveau de la dette publique et du déficit budgétaire, constitue la principale faiblesse des SPV. Rajeev Hasnah fait remarquer que l’utilisation des SPV limite l’efficacité du processus budgétaire, le contrôle nécessaire sur les dépenses ainsi que les risques liés à une bonne gestion de la politique fiscale. Pour cause, il estime que ce processus ne permet pas de «jauger comme il se doit les risques réels que le gouvernement a pris dans plusieurs projets»

Quant à Amit Bakhirta, il soutient que la problématique ne se situe pas au niveau de la comptabilisation au passif des fonds propres et dettes en tant que dépenses extrabudgétaires. Là où le bât blesse demeure les garanties données par le gouvernement.

En effet, dans la majorité des cas, le SPV lève des fonds grâce à une certaine forme de garantie gouvernementale donnée de manière officielle ou non officielle, où le gouvernement mauricien est considéré comme le débiteur ultime. Comme cela n’est pas inclus dans la dette officielle du pays, cette pratique peut donner lieu à des abus jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Rajeev Hasnah tire également la sonnette d’alarme sur «ces garanties de financement qui ne sont malheureusement pas comptabilisées dans l’estimation de la dette».

En d’autres termes, malgré le fait que les risques et engagements pris par le gouvernement soient bel et bien réels, les engagements ne sont pas chiffrés dans les comptes publics, ce qui donne lieu à une estimation incomplète de la dette publique et du déficit budgétaire.

Commentant la stratégie de l’État de créer plusieurs SPV pour investir dans Metro Express, la MIC ou encore dans la création de zones économiques spéciales, Amit Bakhirta est d’avis que ce n’est pas la solution à adopter. Étant tous les trois des projets à long terme nécessitant un engagement gouvernemental qui dépasse le mandat électoral actuel, le gouvernement aurait dû privilégier «un cadre institutionnel typique entièrement gouvernemental et non un SPV». Vu qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une licence SPF ou de créer un SPV, ces projets auraient pu être exonérés d’impôts sous la forme d’institutions gouvernementales. Pour sa part, Rajeev Hasnah est d’avis que la stratégie des SPV pour ces projets n’a pas été la bonne de par l’absence «de responsabilité (accountability) et d’une bonne estimation des risques pris par le gouvernement».

Reste à savoir si dans le prochain Budget, le gouvernement va continuer avec la même stratégie de gestion des finances publiques en utilisant le mécanisme du SPV.

 

Projet de Côte d’Or : peut-on recourir à un SPV ?
Le projet de construction d’un immeuble de 50 étages à Côte d’Or pourrait être financé par un Special purpose
vehicle. Interrogés à ce sujet, les deux experts s’accordent à dire que ce n’est pas la stratégie à suivre. Outre le fait
que l’offre de bureaux et d’espaces commerciaux dépasse largement la demande, comme c’est le cas notamment à
Ébène, Amit Bakhirta insiste une nouvelle fois en déclarant qu’il «réitère humblement que les projets gouvernementaux à long terme ne devraient pas être structurés en tant que SPV ou SPF». Avec la dette publique qui ne cesse d’augmenter et le secteur touristique en berne, Rajeev Hasnah tient à faire ressortir que «l’on n’a pas de visibilité sur une reprise économique réelle et durable dans le temps». C’est dans cette optique qu’il lance un appel pour «reconsidérer la pertinence et l’importance de lancer de grands chantiers de construction de bâtiments» pendant cette période économique et sociale éprouvante pour tous. Selon l’économiste, Maurice se portera mieux si l’on privilégie des «financements qui vont générer des retours sur investissement permettant de créer un effet multiplicateur positif sur les activités économiques locales».

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