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Impôt minimum mondial : Maurice se prépare au Big Bang fiscal de 2023

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L’IMPÔT MINIMUM MONDIAL CIBLERA SURTOUT LES GAFA

L’OCDE a enclenché les manœuvres en vue d’accélérer la réforme de la fiscalité internationale qui culminera sur l’introduction d’un impôt minimum mondial. Résolu à adopter les meilleures pratiques en matière de lutte contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent, maurice a déjà donné son assentiment au pilier 2 du plan de réforme.

Dans deux ans, la boucle sera bouclée. Le secteur du global business opérera dans un nouvel environnement international où la transparence sur les transactions transfrontalières sera le maître mot. À Maurice, l’on est conscient qu’on n’a pas le choix. Déjà engagé dans un processus de réforme fiscale et réglementaire pour s’extirper au plus vite de la liste noire de l’Union européenne, le pays se prépare à une nouvelle transition : l’instauration d’un impôt minimum mondial de 15 %.

Il faut dire que depuis l’annonce du président américain Joe Biden concernant l’adoption de l’impôt minimum mondial, la machinerie implacable s’est rapidement mise en marche. D’abord, les pays du G7 (États-Unis, Canada, France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni et Japon) réunis à Londres se sont mis d’accord, le 5 juin dernier, sur un minimum mondial sur les bénéfices des sociétés d’au moins 15 %.

Ensuite, le 2 juillet, ce nouveau système de taxation a été approuvé par 131 pays, dont Maurice, faisant partie du Cadre inclusif de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour l’instauration d’un impôt minimum mondial de 15 %. Et le 10 juillet, les ministres des Finances du G20 se réunissant à Venise se sont retrouvés pour poursuivre leurs travaux et sur le plus long terme, le processus doit s’achever en octobre 2021 pour préparer un plan de mise en œuvre effective en 2023.

Mais, insiste François de Senneville, Head Africa Desk à Fieldfisher, il y a encore du chemin à faire avant que l’impôt minimum mondial ne devienne une réalité. «Le travail n’est pas terminé. D’abord, un petit nombre d’États doivent encore être convaincus. Si la Chine, l’Inde, la Russie et la Turquie ont signé, ce n’est pas le cas de la Hongrie et de l’Irlande. Sur ce point, les négociations vont donc se poursuivre. Paradoxalement, si un consensus entre 139 pays sous l’égide de l’OCDE semble possible, l’unanimité est encore loin entre les vingt-sept pays de l’Union européenne. Or, la mise en œuvre de la réforme nécessitera une directive européenne, qui requiert l’unanimité des Vingt-Sept. On peut donc penser que le taux de 15 % ne sera pas revu à la hausse, comme l’espèrent certains États membres comme la France pour éviter le veto de l’Irlande qui considère ce taux minimum trop élevé», souligne-t-il.

Les deux piliers de la réforme

De son côté, le Chief Executive de la Financial Services Commission (FSC), Dhanesswurnath Thakoor, rappelle que la réforme de la fiscalité internationale préconisée par l’OCDE ciblant les multinationales comporte deux axes ou piliers. «Il est prévu que le premier pilier soit ouvert à la signature en 2022 et entre en vigueur en 2023. Quant au second pilier, le processus d’ouverture à la signature ne sera pas disponible et sera en mode de transition en 2022 avant d’entrer en vigueur en 2023», indique-t-il. Il est rejoint par François de Senneville qui fait remarquer que le second pilier demeure le plus important pour Maurice, car il vient instaurer un impôt minimum mondial que les pays peuvent prélever pour protéger leur base d’imposition. Si celui-ci est fixé à au moins 15 %, il pourrait, prévient l’éminent légiste, «être revu à la hausse, au fur et à mesure des discussions. C’est, du moins, le souhait du gouvernement français». Et de faire ressortir : «L’excellente nouvelle est que Maurice a déjà un taux d’imposition de 15 % qui correspond donc au taux minimum autour duquel les États semblent s’accorder. S’il est confirmé, il nous sera facile de repousser d’un revers de la main le mauvais procès selon lequel nous serions un paradis fiscal».

L’impact sur les multinationales de la tech

 L’impôt minimum mondial devrait toucher surtout les multinationales de la tech, notamment les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Mais rien n’est moins sûr. Selon Dhanesswurnath Thakoor, l’impact sur le secteur du global business dépendra de la formulation des réformes. «Si les réformes sont dirigées et visent les multinationales du secteur technologique, alors l’impact peut ne pas être significatif sur le secteur du global business, comme il serait ailleurs. En revanche, si les réformes sont plus larges, l’impact peut être différent», fait-il remarquer.

De son côté, Shamin Sookia, Managing Director de Perigeum Capital, semble redouter l’impact de l’impôt minimum mondial. En effet, il fait ressortir que c’est un fait connu que ces géants de la technologie préfèrent s’enregistrer dans des juridictions où le taux d’imposition de la taxe est minimal. Il cite notamment le cas de l’Irlande (où le taux est fixé à 12,5 %) qui a réussi à attirer Google, Facebook et Apple. À Maurice, le secteur du global business étant aussi basé sur ce principe de taux d’impôt relativement minimal et concurrentiel, il craint que l’impôt minimum mondial «ait un impact négatif sur les sociétés qui ont choisi Maurice uniquement par rapport au taux d’imposition, et non par rapport aux ressources humaines professionnelles»

“L’IMPÔT MINIMUM MONDIAL CIBLERA SURTOUT LES GAFA”

Du côté de Sunibel Corporate Services, l’on préfère jouer la carte de la prudence. Pour cause, Alan Rungassamy, le Head of Private Equity, opine qu’il est «encore trop tôt pour évaluer l’impact de cette réforme sur le secteur, car il se pourrait que ce taux minimum de 15 % soit revu à la hausse».

Il explique que l’impôt sur les sociétés domestiques et celles du global business, l’impôt sur les revenus des particuliers ainsi que la TVA sont harmonisés à hauteur de 15 %, bien que cela ne soit pas le cas pour les entreprises détenant des licences spéciales en raison des exigences de substance. Avec l’impôt minimum mondial de 15 %, la notion de paradis fiscal sera ainsi éliminée une fois pour toutes et cela devrait renforcer la réputation de la juridiction mauricienne, ce qui demeure un point positif, selon Alan Rungassamy.

FRANÇOIS DE SENNEVILLE (HEAD AFRICA DESK À FIELDFISHER)

FRANÇOIS DE SENNEVILLE
(HEAD AFRICA DESK À
FIELDFISHER)

SHAMIN SOOKIA (MANAGING DIRECTOR DE PERIGEUM CAPITAL)

SHAMIN SOOKIA
(MANAGING DIRECTOR DE
PERIGEUM CAPITAL)

ALAN RUNGASSAMY (HEAD OF PRIVATE EQUITY DE SUNIBEL CORPORATE SERVICES)

ALAN RUNGASSAMY
(HEAD OF PRIVATE
EQUITY DE SUNIBEL
CORPORATE SERVICES)

DHANESSWURNATH THAKOOR (CHIEF EXECUTIVE DE LA FSC)

       DHANESSWURNATH
        THAKOOR (CHIEF
    EXECUTIVE DE LA FSC)

 

Quelle compétitivité ?

Avec la finalisation des réformes pour sortir de la liste grise du GAFI et l’introduction de l’impôt minimum mondial, la question se pose aussi au niveau de la compétitivité de la plateforme financière mauricienne. Pour Alan Rungassamy, Maurice possède également des avantages non fiscaux tels que sa localisation stratégique ainsi que la facilité de faire des affaires. Car le pays est en mesure s’appuyer sur «une main-d’œuvre professionnelle bilingue, qualifiée et polyvalente, une gamme complète de services bancaires avec la présence de banques internationales, un fuseau horaire idéal pour les transactions internationales et un cadre juridique solide». Ainsi, nous sommes une plateforme idéale pour investir en Afrique et en Asie. Hormis des coûts de création d’entreprise et d’installation de locaux abordables, le Head of Private Equity ajoute que le statut de membre de Maurice à des organisations africaines (telles que l’Union africaine, la Communauté de développement de l’Afrique australe et le Marché commun de l’Afrique orientale et australe), de même que les accords de libreéchange avec de nombreux pays, constitue un atout non négligeable aux yeux des investisseurs.

Interrogé à ce sujet, Shamin Sookia est plutôt en faveur d’une réinvention du secteur du global business à Maurice. «Face à la concurrence grandissante de la part des juridictions émergentes en Afrique, de la pression exercée par les instances internationales en matière d’uniformisation de l’échange des données et l’imposition d’une taxe minimum globale, Maurice ne peut se permettre de rester sur le banc de touche», insiste-t-il. Dans ce contexte, la juridiction mauricienne n’a d’autre choix que de rejoindre la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et de montrer qu’elle est solidaire de ces actions menées par les nations les plus riches et les plus influentes. Et de rappeler que dans le nouvel ordre mondial qui se dessine, la bataille de la concurrence s’obtiendra plus que jamais par «la démonstration sans équivoque de toute une nation, de ceux aux commandes du pays à ceux se trouvant au bas de l’échelle, de souscrire à une volonté de fer en matière de justice, d’équité et de responsabilités avec des structures adéquates mises en place pour promouvoir la création, l’innovation et le professionnalisme à tous les niveaux».

 

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