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Inflation : la grande incertitude

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Il est difficile de prévoir comment l’inflation va évoluer cette année. D’une part, l’on note un relâchement de la pression sur les prix de nombreux produits de base et la baisse des coûts du fret. Alors que d’autre part, une série de facteurs font monter la pression : les prix inchangés des carburants, la nouvelle grille tarifaire pour l’électricité ou encore le paiement de la compensation salariale.

D’après l’édition de janvier 2023 de Global Economic Prospects, les perspectives de reprise économique en ce début d’année sont moins bonnes que celles qui avaient été estimées pour 2023. Toute nouvelle évolution défavorable, à l’instar d’une courbe inflationniste plus élevée que prévu, de hausses brutales de taux d’intérêt pour la contenir, d’une résurgence de la pandémie de Covid-19 ou d’une escalade des tensions géopolitiques, pourrait faire basculer l’économie mondiale dans une récession.

Si ce scénario s’avérait, fait-on remarquer au niveau du groupe de la Banque mondiale, il constituerait un inédit en plus de 80 ans : deux récessions mondiales se produisant au gré de la même décennie. En contraste avec les projections précédentes, un cycle d’inflation mondiale plus élevée devrait se pérenniser. De l’avis des économistes et consultants financiers interrogés, la courbe inflationniste descendante, et prévue pour certains dès le premier trimestre de 2023, concernera l’inflation importée, bien qu’une baisse des prix soit prévue. Avec le maintien du prix des carburants et une nouvelle grille tarifaire pour l’électricité, l’inflation locale continuera à rogner le pouvoir d’achat des ménages et mettra sous pression les agents économiques.

La plupart des économies ont fait face à l’augmentation graduelle du taux d’inflation au cours de 2022. L’inflation globale médiane, indique le Global Economic Prospects, a dépassé 9 % au second semestre de 2022, soit son niveau le plus élevé depuis 1995. Dans les économies de marché émergentes et en développement, l’inflation a franchi près de 10 %, le niveau le plus élevé depuis 2008, et légèrement plus de 9 % dans les économies avancées, son niveau le plus élevé depuis 1982. L’inflation était supérieure à l’objectif dans pratiquement tous les pays qui ont adopté des cibles d’inflation à Maurice, l’inflation globale avait atteint 10,8 % en décembre. Alors que le taux en glissement annuel était de 12,2 %.

Selon Global Economic Prospects, le scénario de décélération de l’inflation globale en 2023 à l’échelle globale devrait être principalement le fruit de la modération des prix de nombreux produits de base. Après avoir touché un pic de 7,6 % en 2022, le Consumer Price Index (CPI) devrait rester élevé, à 5,2 % en 2023, avant de s’atténuer à 3,2 % en 2024, ce qui est supérieur à sa moyenne de 2,3 % pour la période 2015-2019.

Revenant sur les facteurs qui sont à l’origine des pressions inflationnistes, l’économiste et conseillère en investissements, Manisha Dookhony, rappelle que «les cycles d’expansion et de réduction des prix des produits de base ont été particulièrement intenses au cours des deux dernières années, lorsque les prix des matières premières se sont effondrés avec l’arrivée de la Covid-19, puis ont bondi, dans certains cas pour atteindre des sommets historiques l’année dernière. Les évolutions macroéconomiques mondiales en 2023 et les facteurs liés à l’offre de matières premières entraîneront probablement la poursuite des cycles d’expansion et de récession sur les marchés des matières premières».

Les analystes à l’échelle locale estiment, pour la plupart, que l’inflation demeurera élevée au premier semestre avant d’amorcer une courbe descendante au second semestre, et avoisiner la barre de 5-6 % en 2023. «cela nous semble logique et ces prévisions sont en accord avec le modèle de perigeum capital. Nous nous attendons à une hausse record en février, quand le taux grimpera à plus de 11,3 %, puis descendra en dessous de 10 % d’ici juillet, passant à 6 % en décembre 2023», note Bhavik Desai, Assistant Director à Perigeum Capital.

D’après les conjonctures à l’œuvre, ibrahim malleck, directeur à Ebonia Capital Ltée, s’attend aussi à une tendance baissière pour l’inflation dès le deuxième trimestre. «La majeure partie de notre inflation actuelle est importée et non liée à la demande, et avec la récente baisse de l’inflation dans un certain nombre de nos pays partenaires commerciaux, un effet de décalage devrait entraîner une tendance à la baisse au niveau local au deuxième/troisième trimestre», observe-t-il. Cependant, nuance notre interlocuteur, étant donné le niveau d’incertitude, notamment en ce qui concerne les prix de l’énergie et la possibilité d’un resserrement de la politique monétaire sur le plan local, aussi bien qu’au niveau des marchés développés, toute réduction sera limitée et, au mieux, progressive dans le meilleur des cas.

La courbe descendante de l’inflation, qui pourrait se concrétiser dès le premier quart de 2023, soutient pour sa part le Dr Takesh Luckho, économiste, ne signifie pas pour autant que les prix dans le pays vont baisser et que les consommateurs auront un plus fort pouvoir d’achat. C’est plutôt que l’écart des prix de 2023 ne sera pas aussi conséquent qu’en 2022.

RECUL ATTENDU DE L’INFLATION IMPORTÉE

Les banques centrales du monde ont procédé à des resserrements monétaires pour calmer la demande et maîtriser l’inflation, constate Manisha Dookhony. D’ici à la fin de 2023, le Fonds monétaire international (fmi) s’attend à ce que l’inflation mondiale retombe à 4,7 %, soit un peu moins de la moitié de son niveau actuel, détaille l’économiste.

«Les banques centrales sont donc en train de mettre en place un système pour atténuer de façon progressive les tenants de l’inflation pour un atterrissage en douceur. Ainsi, ils espèrent ne pas produire un refroidissement rapide qui pourrait amener à l’effondrement des marchés ou causer des faillites d’entreprises ou encore provoquer un taux de chômage croissant. Donc, nous devrons aussi nous attendre à une inflation descendante, du moins s’agissant de l’inflation importée, c’est-à-dire l’inflation causée par l’augmentation des prix à l’international», explique Manisha Dookhony.

Alors que le taux d’inflation élevé a été importé au début de la pandémie et du conflit russo-ukrainien, l’économie mauricienne subit présentement les contrecoups de l’inflation locale, corrobore le Dr Bhavish Jugurnauth, économiste et expert-comptable. Avec des coûts toujours en hausse et une hausse des tarifs d’électricité, il faut composer avec une inflation plus élevée et la faire baisser progressivement, constate notre interlocuteur.

La Banque centrale anticipe, pour sa part, une inflation autour de 6 % en 2023. Un objectif à portée de main, soulignent les économistes et analystes financiers interrogés, bien que son atteinte soit assujettie à des conditions. Effectivement, comme le fait ressortir le Dr Takesh Luckho, la banque de Maurice a modifié son cadre de politique monétaire afin d’améliorer l’efficacité de ses diverses mesures et interventions. L’une des mesures les plus importantes de ce nouveau système est l’adoption d’un mécanisme de ciblage pour l’inflation. Au lieu d’intervenir a posteriori pour contrôler l’impact d’inflation dans le pays, la Banque de Maurice annoncera le taux d’inflation désiré et ainsi utiliser ses mesures/interventions plus librement pour arriver à ce taux mentionné. Lors de la présentation de ce nouveau cadre stratégique, il a été annoncé que le medium term rate doit être de 2 % à 5 %.

«En théorie, l’adoption d’un système basé sur des énoncés prévisionnels requiert que les agents monétaires voient les déclarations de la banque comme étant crédibles et réalistes. Alors, je pense que la Banque De Maurice va opérer afin de réaliser ses objectifs. Concevons un scénario basé sur les données des deux dernières années : l’indice des prix de janvier à décembre 2022 a augmenté de 13,8 points tandis que celui de 2021 était à 6,26 points. Si pour l’année 2023, on suppose que la récession mondiale ainsi qu’une baisse du fret et des produits pétroliers font grimper l’indice des prix d’autour de 8-8,5 points, l’inflation en glissement annuel devrait toucher les 6,5 % – 7 %», anticipe le Dr Takesh Luckho.

L’EFFET DU NOUVEAU TAUX DIRECTEUR

La lecture du Dr Bhavish Jugurnauth est que la Banque centrale pourrait, dans un premier temps, après avoir été recapitalisée, commencer par viser une inflation de 7 % et stabiliser le taux d’inflation autour de 6 à 7 % avec le nouveau taux directeur qui a été introduit.

«Lorsque l’économie mondiale se stabilisera et que nous aurons un meilleur contrôle de l’inflation en 2024, nous pourrons alors viser un objectif d’inflation plus faible, comme 5 %, puis le ramener à 4 %. Dans le même temps, il sera nécessaire d’assainir les finances publiques et d’avoir une approche ciblée», avance-t-il.

Avec le paiement de la compensation salariale et l’application des nouveaux tarifs d’électricité au cours du premier trimestre de 2023, rien n’est moins sûr quant à l’atténuation de l’inflation locale.

«Plus d’argent dans l’économie sans augmentation de la productivité ne peut qu’exercer de nouvelles pressions à la hausse sur les prix», fait valoir Ibrahim Malleck.

D’un autre côté, si le Petroleum Pricing Committee (ppc) décide de ne pas réduire le coût de l’essence dans l’année, ajoute Manisha Dookhony – et ce dans un contexte où le prix est supposé retomber – il est probable que l’on va rester avec un taux d’inflation fort, observe notre interlocutrice. «le fait que le prix de l’essence reste élevé et inchangé veut dire que cela continuera à avoir un impact sur les prix de production et de distribution au niveau local. L’augmentation du prix de l’électricité va aussi exercer une influence sur le coût de vente des produits», ajoute-t-elle.

En ce début d’année, il y a encore beaucoup d’incertitudes. Ce qui rend les prévisions sur l’inflation très aléatoires.

 

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