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Le Rwanda veut s’associer à Maurice pour conquérir l’Afrique

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Le Kigali International Financial Centre entend jouer dans la cour des grands et voit en Maurice un partenaire de choix pour concrétiser ses ambitions africaines.

DIX-HUIT ans après le triste épisode du génocide, le Rwanda se réveille. Il aspire à atteindre le statut de pays à revenu élevé d’ici à 2050. Sous le leadership ferme du président Paul Kagame et fort du soutien du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, le pays s’est engagé dans une série de réformes au cours de la dernière décennie. Avec la création du Kigali International Financial Centre (KIFC) en janvier 2020, l’objectif du Rwanda est clairement de se positionner comme une juridiction fiable pour attirer les investissements directs étrangers (IDE) à destination de l’Afrique.

Une délégation menée par le CEO du KIFC, Nick Barigye, était à Maurice la semaine dernière où elle a animé un forum d’affaires. Il ressort que c’est la première mission s’inscrivant dans le cadre d’une série de visites pour présenter aux opérateurs mauriciens la force de proposition du centre financier rwandais.

Il faut savoir que le Rwanda a connu un fort développement économique et humain suivant l’adoption de l’Economic Development and Power Reduction Strategies qui s’est étalé de 2008 à 2018. L’autre programme stratégique ayant accéléré le développement du Rwanda est le National Strategies for Transformation (2017-2024).

Ayant connu une croissance de 7,2 % en moyenne lors de la dernière décennie et ce, jusqu’en 2019, l’économie rwandaise a, dans le sillage de la crise, accusé un recul de son PIB de -3,4 % en 2020. La volonté du Rwanda de positionner son centre financier comme une plateforme en devenir pour structurer les IDE destinés à l’Afrique s’inscrit dans le cadre d’une vision globale.

Comme le souligne le National Strategies for Transformation, la vision est de «développer des compétences spécialisées et la mise en place de mécanismes d’incitation pour attirer les investisseurs dans le secteur financier».

LES FONDS D’INVESTISSEMENT CIBLÉS

Le KIFC cible notamment les fonds d’investissement grâce à son association avec l’Agaciro Development Fund et le marché des placements collectifs par le biais du Rwanda National Investment Trust (RNIT). À terme, le KIFC ambitionne de construire «un avenir brillant pour le Rwanda et pour l’Afrique en transformant le paysage de l’investissement sur notre continent».

En s’associant aux centres financiers du Casablanca, de Johannesburg et de Maurice, le KIFC, confie son CEO, Nick Barigye, projette de dépasser les limites de son enclavement en se forgeant un statut de centre financier régional et en desservant l’arrière-pays africain. Pour ce faire, il a conclu 24 nouveaux accords de non-double imposition : 13 avec l’Afrique, six avec l’Europe et le reste avec des juridictions comme la Chine, la Corée du Sud, Israël et les États-Unis.

Commentant la récente mission du KIFC à Maurice, Nick Barigye fait ressortir que l’objectif est «de présenter au secteur privé mauricien les opportunités d’investissement au Rwanda, principalement dans le secteur financier, mais aussi de montrer aux opérateurs qu’il s’agit d’un centre financier international onshore ayant une complémentarité avec l’IFC de Maurice. Je pense que le KIFC est en mesure de répondre efficacement aux besoins des clients utilisant la juridiction mauricienne. Nous nous attendons à ce qu’après chaque mission, il y ait plus d’élan de la part des investisseurs et entrepreneurs mauriciens, étant donné qu’il y a maintenant une meilleure compréhension de la proposition de valeur du Kigali IFC. D’ailleurs, les réunions que nous avons eues sont très prometteuses», a-t-il déclaré.

Faut-il voir le Rwanda comme un concurrent de Maurice étant donné que leurs centres financiers respectifs ciblent le même marché ? À cette question, Nick Barigye partage sa propre philosophie. Tous les centres financiers internationaux font partie d’une alliance globale, insiste-t-il. À l’instar des centres financiers européens, ceux de l’Afrique sont en concurrence. Or, une concurrence saine n’empêche en rien des possibilités de collaboration. Et de conclure : «Je crois dans la coopétition. Autrement dit, on peut collaborer tout en étant en concurrence».

COMMENT LES DEUX CENTRES FINANCIERS SE COMPARENT

Depuis sa création, le KIFC a conclu des engagements d’investissement d’un montant de 1,3 milliard de dollars. 70 % de ces structures sont des fonds et 15 % des holdings financières. «La majorité des investisseurs de l’IFC de Kigali vient d’Afrique, mais il y a aussi des investisseurs en provenance d’Amérique du Nord, des États-Unis, d’Asie, de Chine, de Singapour, du Moyen-Orient, du Qatar et de Dubaï. Ce qui démontre le caractère international du centre financier de Kigali car les investisseurs viennent du monde entier et le fait que la plupart d’entre eux viennent d’Afrique témoigne du fait que l’IFC de Kigali est un centre international panafricain et de l’unité africaine pour structurer les investissements pour le continent».

A contrario, le centre financier international de Maurice avait, à fin juin, attiré des IDE de 39,6 milliards de dollars à destination de l’Afrique.

Comment l’expérience de Maurice peut-elle aider le KIFC ? À cela, Nick Barigye déclare ceci : «Lorsque nous regardons Maurice, nous voyons très bien que ses compétences ont été construites au fil du temps. Nous pensons que les opérations nous permettront de construire plus de compétences au Rwanda. La collaboration avec Maurice nous aidera à construire un cadre juridique robuste, fondamental à tout IFC. De même, elle nous permettra d’éviter certaines erreurs, puisque nous sommes naissants. Il y a donc pas mal d’attentes dans notre collaboration avec l’IFC mauricien pour être en mesure d’assurer une croissance durable».

LA STRATÉGIE DU KIFC PENDANT LA CRISE

Sur la hausse combinée des flux mondiaux des IDE en 2021 (718 milliards de dollars), plus de 500 milliards de dollars ont été enregistrés dans les économies développées selon l’Investment Trends Monitor de la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement. Les économies en développement, notamment les pays les moins avancés, ont connu une croissance de reprise plus modeste.

Les flux entrant en Afrique ont également augmenté. La plupart des bénéficiaires du continent ont connu une hausse modérée des IDE ; le total pour la région a plus que doublé, gonflé par une seule transaction financière intraentreprise en Afrique du Sud au second semestre 2021.

Comme dans tous les autres pays et continents, la Covid-19 a eu un impact négatif sur les investissements entrant et sortant du Rwanda, créant un mouvement de prudence et d’attentisme. «Après la pandémie, il y a aujourd’hui la guerre en Ukraine et il est maintenant question d’une récession mondiale, et cela fait partie du business. Je crois que dans chaque crise, il y a de la place pour une opportunité. À l’IFC de Kigali, nous avons profité de cette crise pour jeter les bases de la croissance en initiant des réformes, notamment sur le plan fiscal. Nous espérons maintenant que nous sommes sortis du contexte lié à la Covid-19 et qu’il va y avoir un élan parce que cela a montré qu’il y a un besoin d’investir dans l’éducation. Cela dit, notre IFC est prêt à se joindre à d’autres IFC africains pour répondre aux besoins globaux de manière efficace et efficiente», argue Nick Barigye.

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