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Politique monétaire : Les pressions inflationnistes se relâchent dans un contexte d’affaiblissement de la demande

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La banque de maurice a relevé le taux directeur de 75 points de base, pour le porter à 3,00 %, estimant qu’il faut rapidement casser la spirale inflationniste. Un resserrement des taux est conseillé depuis un certain temps déjà, mais nous ne sommes pas encore au niveau de 2019. Donc, on parle toujours de normalisation de la politique monétaire et non de resserrement excessif.

LA Banque centrale s’est engagée dans un processus de normalisation depuis le début de cette année. Ce processus sera intensifié jusqu’à ce qu’un taux neutre soit atteint. Bien que le comité de politique monétaire (MPC) ait été prudent dans ses décisions depuis le début de l’année, les indicateurs avancés indiquent maintenant que la dynamique économique est de nouveau sur les rails. À la lumière de la reprise économique post-Covid-19, et sur la base de divers scénarios de croissance, la Banque de Maurice (BoM) estime que le pays a déjà fait des progrès significatifs vers la normalisation des activités économiques. Même si nous assistons à des augmentations de taux – le taux repo a été relevé de 75 points de base mercredi dernier, passant à 3 % –, le taux directeur est encore loin de celui de l’époque pré-pandémique, à savoir un taux de 3,35 %.

Le CEO et fondateur d’Anneau, Amit Bakhirta, accueille positivement la décision du MPC et s’attend à ce que le rythme du resserrement s’accélère au cours des prochains mois. Il pense qu’en ce faisant, nous nous attaquerons principalement à la faiblesse de notre monnaie et aux problèmes inflationnistes tout en résolvant les inadéquations des politiques monétaires et macro-économiques soulevées par le Fonds monétaire international (FMI) et Moody’s.

De l’avis de l’économiste Manisha Dookhony, nous sommes arrivés à un moment où il est nécessaire d’utiliser l’arme du taux directeur pour essayer de combattre l’inflation. «Je serais personnellement beaucoup plus sereine si nous n’étions pas arrivés à ce stade ; malheureusement, cela devient un mal nécessaire. Le taux d’inflation est assez élevé et ce n’est pas que de l’inflation importée», soutient-elle. Toutefois, elle précise que des signes à l’international montrent que l’économie mondiale est en train de ralentir avec des problèmes en Chine, en Angleterre ou encore en Europe. Tout cela va permettre une diminution de cet élan inflationniste à travers le monde. Donc, potentiellement, nous pouvons nous attendre à ce que le taux d’inflation commence à diminuer sur le plan local.

Même constat pour l’économiste Kevin Teeroovengadum. Il estime que nous devons nous attaquer à la véritable cause de l’inflation. La réalité est que l’inflation était déjà en forte hausse en 2021 et atteignait près de 10 % avant la crise ukrainienne. La raison en est que la Banque de Maurice et le gouvernement ont injecté des sommes considérables dans l’économie. Il rappelle que le ministre des Finances avait déclaré que 30 % du PIB a été injecté pour soutenir l’économie pendant la crise de 2020-21. Cela a conduit à un excès de liquidité alors que l’offre était affectée par de multiples confinements à Maurice et dans le monde.

TAUX DIRECTEUR VERSUS CROISSANCE

«C’est ce que j’appelle une ‘inflation à double tranchant’. Ainsi, depuis l’année dernière, la BoM aurait dû augmenter le taux d’intérêt pour contrer l’inflation, mais elle a attendu trop longtemps. Et maintenant, avec l’augmentation actuelle de 75 points de base, c’est trop peu et trop tard. L’écart entre le taux directeur et le taux d’inflation est très important, près de 8 %. C’est un sommet historique. La réalité est que la BoM est coincée entre l’inflation et le ralentissement de la croissance économique. Et il semble qu’elle ait choisi l’option de laisser l’inflation à des taux élevés avec un taux directeur très bas. Le taux actuel de 3 % est même inférieur à ce qu’il était au début de 2020, avant que la crise ne frappe Maurice», explique Kevin Teeroovengadum.

En parlant de la croissance, elle a été calculée autour de 7,4 % cette année par la Banque centrale. Selon certains observateurs, quoique nécessaire, la hausse des taux d’intérêt aura une incidence sur la croissance. Le CEO d’Anneau est d’avis que l’impact ne sera pas conséquent. Il en donne les raisons : «Compte tenu du contexte inflationniste galopant, nous ne pensons pas que ce maigre resserrement impactera considérablement la croissance du PIB réel (surtout du fait de la faible base mathématique de la contribution du tourisme de 2021). Cependant, ce dont il faut être conscient, c’est que les projections de +7,4 % étaient déjà très optimistes en premier lieu. Cela, compte tenu du contexte international et national et du fait que le FMI n’a cessé de dégrader la croissance du PIB mondial depuis février 2022 (alors que nous avons augmenté les attentes du PIB de Maurice)».

De l’avis d’Amit Bakhirta, à Maurice, on peut parler d’une nette déconnexion – comme l’ont souligné Moody’s et le FMI – avec la croissance réelle, qui ne sera publiée qu’au milieu de l’année prochaine. Il précise que d’ici, les gens auront déjà passé aux attentes de 2023 et ‘oublieront’ ces chiffres ‘irréalistes’ de 2022. À ce moment-là – mi-2023 –, les chiffres réels seront très probablement plus faibles que les projections. Le point important ici est que, ajustée à inflation, la croissance économique serait toujours en territoire de croissance réelle négatif d’environ -4 %.

De son côté, Manisha Dookhony rappelle que pour Paul Volcker, l’ancien chairman de la Réserve fédérale, la meilleure façon de tuer l’inflation, c’est de créer une récession. Effectivement, au début des années 80, Paul Volcker a adopté une politique de désinflation. Ainsi, il a maîtrisé l’inflation grâce à l’équivalent économique d’une chimiothérapie : il a provoqué deux récessions massives, mais brèves, pour réduire les dépenses et faire baisser l’inflation.

«La diminution de la croissance d’un pays réduit la vapeur autour de l’économie ; ce qui fait que cela diminue tous les effets qui influencent une augmentation de l’inflation. Le revers de la médaille, c’est que l’augmentation du taux directeur a une incidence directe sur la croissance du pays», fait ressortir Manisha Dookhony. Avec un taux d’intérêt élevé, cela devient plus coûteux d’emprunter pour des projets de développement dont l’immobilier ou l’infrastructure.

«Ces projets de construction, qui étaient la base de notre croissance, vont peut-être être stoppés ou seront diminués ou n’auront pas l’envergure que cela éventuellement aurait dû avoir. Si cela arrive, nous nous retrouverons avec une grosse contraction. Et d’une façon, cette contraction économique aide à diminuer les élans inflationnistes dans le pays», observe-t-elle

S’agissant des prévisions de croissance de la Banque centrale, Kevin Teeroovengadum ajoute qu’au cours des quatre dernières années, la BoM a été trop optimiste dans ses prévisions. Toutes les prévisions faites par elle ne se sont pas matérialisées. Quant à cette année, il pense qu’il sera difficile d’obtenir plus de 5 % de croissance. D’autant plus que nous voyons les pressions de la récession en Europe, au Royaume-Uni, aux États-Unis et le ralentissement de l’économie chinoise.

UNE INFLATION ÉLEVÉE À 10,6 %

D’après les dernières estimations de la Banque centrale, l’inflation sera de 10,6 % en 2022. La question est de savoir à terme, quel sera techniquement l’impact de l’augmentation du taux directeur sur l’inflation ? Pour Amit Bakhirta, ce resserrement – et surtout, le fait que la Banque centrale ait indiqué que le rythme du resserrement devrait s’accélérer à court terme – commencera probablement à augmenter les taux d’intérêt et donc à resserrer les conditions monétaires dans le pays de sorte que toute pression inflationniste tirée par la demande soit contenue.

«Ce resserrement stabilisera dans une certaine mesure seulement – n’oublions pas que nous sommes encore très loin et donc en retard sur la courbe car nous devrions déjà être autour d’un taux directeur de 4,25 % maintenant – la tendance à la dépréciation de la roupie, qui aura un impact positif sur les prix à l’importation et ainsi apprivoisera l’inflation importée et donc l’inflation des coûts. Outre le recul moyen de -29 % des prix mondiaux des matières premières et la chute de -60 % des prix mon[1]diaux du fret, nous nous attendons, ceteris paribus, à ce que les pressions inflationnistes commencent à s’atténuer au cours des prochains mois ; à condition que l’exercice de resserrement s’accélère, bien sûr», explique Amit Bakhirta

Il est rejoint par Kevin Teeroovengadum qui précise que le relèvement du taux repo aura un certain impact sur l’inflation, car le crédit devient plus cher, et un certain nombre de personnes déjà endettées réfléchiront à deux fois avant de dépenser de l’argent. Cela devrait entraîner une réduction de la demande et donc s’attaquer à l’inflation du côté de la demande avec un tel excès de liquidité sur le marché. Cependant, nous avons toujours le côté de l’offre, mais lorsque nous regardons ce qui se passe au niveau international, nous constatons que les prix des denrées alimentaires, des produits de base, du pétrole, du gaz, des frais de transport, des denrées alimentaires sont en baisse par rapport au pic du début de 2022.

Pour ce qui est de la stabilisation de la roupie, la question est très simplement basée sur la force ou la faiblesse de l’économie mauricienne, selon Kevin Teeroovengadum. Si l’économie n’est pas capable de générer plus de revenus en devises que de dépenses en devises, alors la roupie continuera à se déprécier. La réalité est que nos importations continuent d’augmenter, presque trois fois plus que nos exportations, et que les revenus du tourisme, des exportations (manufacturières/sucre) et même des IDE seront moindres étant donné la faiblesse structurelle de nos principaux marchés, le Royaume-Uni et l’Europe, et la perte de valeur de l’euro et de la livre sterling au niveau international. Cela signifie que la situation de l’économie mauricienne devient plus problématique car nos principaux revenus sont en euro/ livre sterling, alors que nos principales dépenses sont en dollar.

LA PROBLÉMATIQUE DES ENTREPRISES ENDETTÉES

Qu’en est-il des entreprises et des PME qui sont lourdement endettées ? De facto, avec une augmentation du taux directeur et surtout sur des emprunts à taux variable, leurs prêts deviendront beaucoup plus chers. De l’avis de Kevin Teeroovengadum, nous devons examiner la situation dans un contexte plus large. Comment les PME et les entreprises du secteur privé faisaient-elles des affaires il y a 5 ou 10 ans, lorsque le taux directeur était supérieur à 5 % et même à 10 % en 2007 ? se demande-t-il.

«Le problème, c’est qu’au cours des dix dernières années, le taux repo a baissé mais, en général, les PME et les entreprises n’ont pas profité de cette occasion pour restructurer leurs activités afin de générer des liquidités et de rembourser leurs dettes. Elles sont restées coincées dans une spirale d’endettement, en s’endettant davantage et en pensant que le taux d’intérêt resterait bas ad vitam aeternam. Et maintenant que les taux augmentent, elles ont des difficultés à rembourser leurs dettes. En résumé, les entreprises et les PME sont trop lourdement endettées, tout comme le pays l’est aussi», explique Kevin Teeroovengadum.

Amit Bakhirta renchérit et soutient que les taux de défaut dans l’économie, à ce stade, resteront inférieurs à la moyenne pour ce cycle économique, en raison des divers renflouements. Ainsi, alors que le resserrement conduit naturellement à des conditions monétaires et économiques plus difficiles et à des flux de trésorerie plus serrés pour les entreprises endettées, à ce stade, les augmentations sont marginales.

«Au cours des prochains mois, nous nous attendons certainement à ce que les taux de défaut augmentent. Bien qu’à un niveau raisonnable, car même avec plus de 4,25 %, la plupart des PME et des grandes entreprises devraient être en mesure de contenir des coûts de financement plus élevés avec des revenus plus élevés et une croissance organique (en particulier dans le contexte inflationniste actuel). Par conséquent, bien que cette augmentation ne le soit pas singulièrement, l’agressivité future du resserrement et de la normalisation des politiques pourrait, en effet, éventuellement, oui, impacter les plans de recrutement et les investissements, entre autres, mais pas à ce stade», souligne Amit Bakhirta.

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