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Pouvoir d’achat : La courbe baissière du brent pousse la stc à revoir le prix des carburants

Depuis ces dernières semaines, le cours du Brent fluctue autour de $ 90 dollars le baril. Ayant moins de pression sur ses finances, la state trading corporation est en mesure de procéder à une baisse du prix des carburants.

Après avoir frôlé les $ 140 dollars au plus fort de la guerre en Ukraine au mois de mars, le Brent subit une correction. Depuis la semaine dernière, sa valeur oscille entre $ 88 et $ 93 dollars le baril.

Pour les automobilistes, c’est évidemment une bonne nouvelle. D’autant plus qu’entre décembre 2021 et mai dernier, ils ont fait les frais de quatre hausses successives du prix des carburants, avec l’essence se vendant à Rs 74,10 le litre et le diesel coûtant Rs 54,55 le litre.

Au vu de la courbe actuelle des prix pétroliers, la State Trading Corporation (STC) a désormais la capacité financière de procéder à une baisse maximale de 10 % des prix des carburants. C’est d’ailleurs la décision que devrait prendre le Petroleum Pricing Committee (PPC) qui s’est réuni dans l’après-midi de mardi (à l’heure où nous mettions sous presse, la décision du PPC n’était pas encore connue).

Vu le poids relativement lourd de la taxation dans la structure actuelle du prix à Maurice, il est certainement dans l’intérêt de l’économie que nos prix reflètent les tendances baissières sur le pétrole depuis la hausse subite de mars 2022 suivant l’invasion de l’Ukraine, insiste Megh Pillay, ancien directeur général de la STC. Ne pas ajuster les prix quand il le faut risquerait d’accentuer l’inflation en impactant le pouvoir d’achat des consommateurs, les marges des entreprises et même leur compétitivité. Somme toute, une telle posture risquerait de créer des distorsions indésirables et difficiles à gérer à terme.

De son côté, l’ancien ministre du Commerce, Cader Sayed Hossen, fait remarquer que le cours du Brent est actuellement inférieur d’environ 20 % par rapport au mois de mai. Ce qui l’amène à dire qu’il est dans l’intérêt des consommateurs que les prix à la pompe soient révisés à la baisse au plus vite en dépit de la dépréciation continue de la roupie par rapport au dollar. Au passage, il précise que le montant des droits d’accise (Rs 12,20/litre d’essence) est trop élevé et que la ponction de Rs 3 pour la lutte contre la Covid-19 n’a plus de raison d’être.

Pour le Dr Khalil Elahee, professeur à la faculté d’ingénierie de l’Université de Maurice, le prix du carburant localement ne relève plus uniquement du cours du Brent. «Comme nous le savons tous, l’essence et à un degré moindre le diesel sert comme une vache à traire afin de renflouer la caisse publique. Plus le prix du baril augmente, plus il y a de revenus. Mais nous ne réalisons pas que c’est surtout au plan psychologique que l’impact des hausses, comme des rares baisses, à la pompe finit par agir. Aujourd’hui, cela risque d’entraîner davantage un sentiment de morosité économique, d’une situation insoutenable tant au niveau des foyers domestiques qu’au niveau des entreprises. Pour cette raison, afin de ne plus être l’otage de la volatilité du prix des carburants, je propose de repenser le mécanisme de fixation des prix localement. Un des objectifs doit être de permettre la transition vers des énergies vertes, y compris dans l’électrification du secteur du transport. Certes, il faut donner confiance aux consommateurs, pas de manière artificielle car c’est le long terme qui compte», argue-t-il.

L’impact de la récession sur les cours pétroliers

Comment devraient évoluer les cours pétroliers dans les mois à venir ? À cette question, Cader Sayed-Hossen rappelle que la référence pour nos achats de produits pétroliers est le Brent et que «la plupart des experts s’accordent à dire que la moyenne du Brent pour 2022 sera de l’ordre de $95 par baril et baissera probablement à $ 72 par baril en 2023 et pouvant atteindre même $45-50 à fin 2023. Cela à condition que la tendance à la baisse de la demande se maintienne et que les pays de l’OPEP ne réduisent pas leur production pour maintenir des cours artificiellement gonflés».

Par ailleurs, Cader Sayed Hossen fait ressortir qu’il existe des signes palpables d’une récession dans les pays gros consommateurs de produits pétroliers, dont principalement les États-Unis et la Chine. Dans cette éventualité, il est très probable que les cours pétroliers vont chuter davantage pour atteindre la moyenne de $ 72 par baril en 2023.

Il est rejoint par Khalil Elahee qui constate qu’avec une reprise moins importante, surtout en Chine, et l’apport des réserves stratégiques des États-Unis, la tendance actuelle est à la baisse. Mais il faudra remplir ces réserves fin novembre 2022 et aussi la reprise en Chine se fera tôt ou tard. Donc il est possible de voir le Brent s’envoler à nouveau. En parallèle, il y a la fourniture du gaz russe, et aussi de son pétrole, qui s’arrête vers l’Europe mais peut continuer à des prix forts vers d’autres destinations. Ainsi, au vu de la volatilité des cours pétroliers, Maurice doit développer un mécanisme local résilient qui nous mène vers plus d’indépendance énergétique, par exemple, en permettant la substitution partielle de l’essence par le bioéthanol mauricien.

LA DÉCISION DE L’OPEP PEUT TOUJOURS AFFECTER LE PRIX

Les pays de l’Opep+ ont décidé le lundi 5 septembre de réduire leur production pour soutenir les prix face aux craintes de récession. Réagissant à cette décision, Megh Pillay indique que les exportateurs de l’OPEP ont réagi assez timidement face à leur crainte d’une baisse anticipée de la demande suite à l’annonce du Fonds monétaire international sur les risques d’une récession mondiale. «Au fur et à mesure que cette dégradation se précise, on peut s’attendre à une baisse de la consomma[1]tion mondiale.

Comme le prix d’équilibre du pétrole correspond au point où la demande égalise l’offre, l’OPEP tente d’amortir la chute de prix en réduisant sa production. Il y a peu de chance qu’elle atteigne ce but avec sa baisse modeste de 100 000 barils par jour en octobre. Mais elle aurait démontré sa détermination à contrôler l’offre mondiale. Donc, on peut s’attendre à ce que le prix continue sur cette tendance à la baisse au-delà de 2022. C’est du moins le consensus des observateurs avisés», explique-t-il. Pour sa part, Khalil Elahee estime que la baisse de production de l’OPEP est insuffi sante face à l’impact de la hausse des taux d’intérêt et du ralentissement chinois, mais aussi à la spéculation quant à un retour de l’Iran avec un nouveau deal et la levée des sanctions de ce pays. Mais, fait-il remarquer, cette chute est temporaire car tout peut arriver dans la durée. «Le fait est qu’à Maurice, l’essence est plus chère que dans la plupart des pays au monde, comparable aux pays développés comme le Luxembourg ou la Nouvelle-Zélande où les revenus par tête d’habitant sont plus élevés. C’est pourquoi il faut repenser tout le mécanisme», soutient-il

LA STC CONTRAINTE DE BAISSER LES PRIX

Au vu de la courbe baissière des cours pétroliers, la question se pose : est-ce que la STC s’approvisionne déjà à meilleur prix ? Selon Cader Sayed-Hossen, il y a un manque de clarté sur le processus d’approvisionnement de carburant. Il est d’avis qu’il est très probable que depuis le mois de mai, la STC a acheté des produits pétroliers à moins cher que les prix de référence qu’elle a utilisé lors de la dernière augmentation des prix. Donc il est tout aussi probable que les caisses de la STC se soient remplies de manière assez substantielle pendant les trois derniers mois, estime-t-il. Pour lui, au regard de la loi, la STC n’a d’autre choix que de procéder à une baisse du prix du carburant. «Les dispositions du Consumer Protection (Price and Supplies control) Act et celles des Regulations dites Consumer Protection (Control of Price of Petroleum Products) Regulations 2011 sont très claires. Les prix de vente des produits pétroliers (essence et diesel) doivent être ajustés sous certaines conditions qui touchent à la baisse du prix de revient desdits produits pétroliers, conditions sur lesquelles nous ne nous étalerons pas ici. Ce que cela veut dire, c’est que si les prix de revient des produits pétroliers diminuent dans ces conditions, la STC est obligée de baisser les prix de vente au détail de ces produits. Cela n’a rien à voir avec l’état du Price Stabilisation Account», soutient-il

 

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