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Succession de Boris Johnson : les enjeux du mano a mano Sunak-Truss

Qui de Rishi Sunak ou de Liz Truss sera le prochain locataire du 10 downing street ? Qu’est-ce que cela implique sur le plan des relations entre le Royaume-Uni et Maurice ? Qu’en est-il de l’évolution de la livre sterling ? Décryptage.

C’EST la dernière ligne droite. D’ici la semaine prochaine, les 160 000 membres du Parti Conservateur voteront pour le successeur de Boris Johnson. Liz Truss, l’ex-ministre des Affaires étrangères, est la favorite. Mais Rishi Sunak, l’ancien ministre des Finances, ne part pas battu pour autant. Le départ de Boris Johnson, grand défenseur du Brexit, signifie-t-il un renouveau ? Faut-il s’attendre à un impact sur la valeur de la livre sterling ? Cette succession apportera-telle des changements dans les relations commerciales et économiques entre le Royaume-Uni et Maurice ?

Selon Paul Baker, Chairman de l’International Economics Consulting Group, le défi du leadership a eu un impact remarquablement faible sur la valeur de la livre sterling (par rapport à la roupie ou à l’euro), malgré les incertitudes et les perturbations. Toutefois, indique-t-il, la valeur de la livre sterling a connu une certaine volatilité au quotidien (avec un bond de 2 à 3 % certains jours). «Je ne vois pas de mouvement significatif de la livre sterling, car il faudra du temps pour que certaines politiques soient mises en œuvre par l’un des candidats. De plus, il n’y a pas de différence fondamentale dans l’orientation de la politique des candidats par rapport à Johnson. Si ce n’est que l’un est plus conservateur sur le plan fiscal (Sunak) et que l’autre propose d’emprunter davantage (Truss)», argue-t-il. Quel est le candidat que les Tories devraient plébisciter ?

De l’avis de Paul Baker, Liz Truss demeure la grande favorite. La situation reste la même, avec un populisme plus conservateur, plus de rhétorique anti-Union européenne, une poursuite de la lutte contre l’immigration, une pénurie continue de l’offre sur le marché du travail et une augmentation de la dette publique. Professionnel établi au Royaume-Uni, Dhinesh Dillum, Senior Consultant – Technology à RiverIsland, ne pense pas que la course pour le poste de Premier ministre aura un impact direct sur la livre sterling. Pour le moment, le Royaume-Uni est toujours gouverné par Boris Johnson. Mais il existe un risque de volatilité du marché à la fin de l’été ou au début de l’automne si un nouveau Premier ministre n’est pas nommé. Et de faire ressortir que «la hausse des prix de la nourriture, du carburant, de l’énergie, des frais de transport et l’effet de la guerre en Ukraine ont déjà un impact sévère sur le marché intérieur, entraînant une hausse des taux d’inflation. Ceux-ci ont déjà un impact sévère sur la livre sterling britannique».

RÉPERCUSSIONS SUR LE COMMERCE

Dhinesh Dillum rappelle que Rishi Sunak est un Brexiteer, ayant soutenu la campagne en faveur du Leave lors du référendum sur l’Union européenne. «Il pensait que cela rendrait le Royaume-Uni plus libre, plus juste et plus prospère. Il croyait au commerce ouvert et équitable maintenant que le Royaume-Uni est autonome, détaché de l’Union européenne», explique-t-il. Ainsi, si Rishi Sunak accède au poste de chef du gouvernement, son principal objectif sera de renforcer l’économie britannique en stimulant les investissements nationaux et internationaux tout en augmentant les échanges avec les principales économies et en établissant des liens entre le Royaume-Uni et les communautés internationales. Selon Dhinesh Dillum, la politique économique prônée par Rishi Sunak repose sur le commerce étranger avec une monnaie forte. À court terme, les hausses d’impôts auront un impact sur le commerce mondial et les importations, mais les bénéfices se feront sentir à long terme.

Pour sa part, Paul Baker estime que les chances de Rishi Sunak restent faibles, soit 32 % selon les derniers sondages. Tout en soutenant que la livre sterling ne devrait pas beaucoup bouger, il pense que les marchés financiers préféreront les politiques de Sunak qui, selon lui, sont «plus rassurantes d’un point de vue économique que celles de Truss. L’incertitude liée aux grèves et à l’inflation au Royaume-Uni affectera le commerce avec ce pays. Les problèmes se posent à travers la plupart des pays du G7, et nous ne devrions donc pas rencontrer plus de difficultés à exporter vers le Royaume-Uni que vers d’autres marchés». Sur le plan commercial, le Royaume-Uni représente environ 8,5 % de nos exportations. Mais, précise l’économiste, elles sont nettement plus élevées que le chiffre déclaré par les Britanniques.

«En 2021, Maurice a déclaré que ses exportations vers le Royaume-Uni s’élevaient à 155 millions de dollars, alors que le Royaume-Uni a déclaré n’avoir reçu que 114 millions de dollars ; un écart de 35 % ! Selon le Royaume-Uni, le marché mauricien est beaucoup moins important que ce que Maurice déclare», indique-t-il.

LES TORIES SOUTIENNENT MOYENNEMENT SUNAK

Brossant le parcours de Rishi Sunak, avec une éducation complète en philosophie, politique et économie à Oxford, Paul Baker estime que ces attributs pourraient être dans le champ de la politique britannique. Paul Baker explique que pendant son mandat en tant que chancelier, Rishi Sunak s’est montré pragmatique, ayant déjà fait des choix difficiles, mais réussis pendant la pandémie. Les choix de l’ex-ministre des Finances ont été populaires auprès de l’électorat, mais pas auprès des conservateurs (ses politiques ont été plutôt de centre gauche pendant la pandémie : redistribution, augmentation des impôts sur les riches et accroissement de la dette). Il souhaite poursuivre ces politiques «jusqu’à ce que le moment soit venu» de commencer à alléger les impôts et à réduire les investissements dans le secteur public. Cela semble raisonnable compte tenu de la fragilité de l’économie britannique, bien qu’une fois de plus, il ne bénéficie pas d’un soutien retentissant de l’électorat conservateur. Mais, fait remarquer Paul Baker, l’électorat conservateur votera pour le leadership conservateur. Ce qui donne un avantage à Liz Truss.

Quant à Dhinesh Dillum, il est d’opinion que Rishi Sunak est un socialiste en matière de politique économique. Pendant la pandémie et au début du confinement, il s’est retrouvé à diriger l’économie britannique et à la maintenir à flot. Il a prôné la voie de l’assouplissement quantitatif. Au total, près de 895 milliards de livres sterling ont été injectées pour soutenir les géants économiques. Aujourd’hui, la priorité, c’est l’inflation qui, selon les dernières prévisions, pourrait atteindre 11 % au Royaume-Uni. Et Rishi Sunak pourrait prendre des décisions s’il accède au pouvoir. «Rishi Sunak n’est pas favorable à une réduction des impôts personnels tant que l’inflation n’est pas maîtrisée. S’il est élu, il y a beaucoup plus de chances que l’impôt britannique sur les sociétés augmente», anticipe-t-il. Rishi Sunak et Liz Truss se rejoignent sur un point essentiel sur le plan de la politique économique : ils ne cherchent pas le protectionnisme et sont tous deux désireux de signer des accords commerciaux. Ainsi, les négociations commerciales se poursuivront en vue d’un accord commercial plus ambitieux et plus complet avec l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe, dont Maurice fait partie. Cet accord, une fois conclu, sera probablement ouvert et ambitieux dans le domaine du commerce numérique, mais aussi du développement durable.

Néanmoins, le Royaume-Uni donne la priorité à des accords commerciaux plus importants, avec les membres de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, le MERCOSUR et les États-Unis, par exemple. Le Chairman de l’International Economics Consulting Group ajoute qu’en ce qui concerne les normes d’exportation vers le Royaume-Uni, le pays promet de supprimer la législation britannique qui reflète celle de l’Union européenne. Il s’agit d’un scénario peu pragmatique et peu probable à court terme, mais certaines législations sont en cours de simplification. Cela augmentera le coût des affaires, car Maurice devra respecter les normes de certification de l’Union européenne et du Royaume-Uni, même si les normes britanniques peuvent être légèrement plus faciles à atteindre que celles de Bruxelles.

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