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Sangeetha Ramkelawon: «Très souvent, ce plafond de verre, on se l’impose soi-même»

Cette barrière invisible est toujours une réalité très forte pour les femmes en entreprise. Bien que diplômées et compétentes, elles sont moins nombreuses aux postes à responsabilité. La Deputy CEO de BCP Bank démystifie cette problématique. Pour elle, une femme peut créer sa place et viser le sommet aussi longtemps qu’elle adhère aux valeurs et à la culture de la société.

Vous disiez récemment qu’être une femme qui réussit professionnellement fait partie de la normalité. Et que la question de savoir comment gérer vie professionnelle et familiale ne se pose plus aujourd’hui. Pourriez-vous nous en dire plus?

Je suis toujours de cet avis et j’estime que de nos jours, on ne devrait même plus avoir à se poser cette question. La réussite professionnelle d’un individu dépend de ses ambitions personnelles, de ses compétences et de la méritocratie présente au sein de l’environnement dans lequel cette personne évolue, tout cela indépendamment de son genre. Les femmes comme les hommes ont accès aux mêmes opportunités dès le plus jeune âge, et je pense qu’il suffit avant tout de croire en soi et d’avoir de l’ambition personnelle pour réussir sa carrière.

Tout comme sur notre lieu de travail où nous travaillons en équipe avec nos collègues hommes et femmes, la vie familiale peut tout à fait être organisée de la même manière, avec le partage des tâches et des responsabilités familiales autant que son temps au sein de la famille.

Pourtant, il subsiste toujours des inégalités dans la structure organisationnelle. Comment voyez-vous la situation à Maurice ?

À Maurice, les choses bougent. Nous avons encore du chemin à parcourir, comme c’est le cas un peu partout. D’un côté, nous devons l’admettre, nous évoluons à Maurice dans une société encore fortement patriarcale, où les préjugés et les idées reçues subsistent malgré notre ouverture importante vers l’international et vers d’autres cultures. Il suffit de regarder les rapports annuels des Top 100 Companies à Maurice pour compter le nombre de femmes au sein des conseils d’administration.

Et d’un autre côté, et je dirai que c’est peut-être la résultante de mon premier constat, les femmes qui évoluent dans leur carrière ont tendance à se mettre elles-mêmes des freins avec ce que nous connaissons tous, le fameux plafond de verre. Notre société a tellement cultivé les différences hommes/ femmes depuis des générations que ce malaise est ancré sans le vouloir, en certaines d’entre nous.

Je pense qu’il est important de se délester de ce poids historique pour laisser la place aux valeurs citées plus haut et aux – quelles je crois fermement dans le milieu professionnel : ambitions personnelles, compétences et méritocratie. Il suffit aussi que, collectivement, nous nous motivions mutuellement et le plus important serait que les femmes soient sollicitées et viennent en renfort dans ce processus. Nous avons la chance, heureusement, d’avoir des institutions et forums tels que le MIoD et le Women’s Directors Forum qui s’engagement fortement à promouvoir cette méritocratie et la diversité aussi bien au niveau du management et ce jusqu’au niveau des membres de conseils d’administration.

Dans notre société patriarcale, quels sont les défis qui se présentent aux femmes aux postes de pouvoir ?

Il est important pour chaque professionnel de se faire entendre et de se faire écouter. Si vous voulez que l’on vous remarque au sein de votre organisation, il est, selon moi, nécessaire de pouvoir partager de manière fluide ses idées avec ses collègues, indépendamment de son genre. Vos compétences seront ainsi remarquées et vous pourrez ainsi gagner la confiance de vos dirigeants qui vous respecteront pour la valeur ajoutée que vous apportez et l’atout que vous représentez pour l’entreprise.

Chaque professionnel peut se créer sa place et viser le sommet pour sa carrière aussi longtemps qu’il ou qu’elle adhère aux valeurs d’éthique et à la culture de l’organisation pour laquelle il/elle travaille.

Les femmes ont quand même besoin d’apprendre du sexe opposé et vice versa…

Les femmes, tout comme les hommes, ont besoin d’apprendre de l’expérience de chacun aussi bien professionnellement que personnellement. Ce n’est pas une question de sexe opposé (uniquement) mais d’échanges entre des êtres humains qui évoluent dans un environnement commun à un instant précis. L’expérience de chacun, dans une entreprise ou dans la vie familiale, le partage ainsi que l’écoute enrichissent les échanges et aboutissent souvent à des idées innovantes. Je crois fermement dans les échanges en réseau et des opportunités que nous pouvons en tirer.

Les femmes, tout comme les hommes, ont besoin d’apprendre de l’expérience de chacun aussi bien professionnellement que personnellement. Ce n’est pas une question de sexe opposé (uniquement) mais d’échanges entre des êtres humains qui évoluent dans un environnement commun à un instant précis. L’expérience de chacun, dans une entreprise ou dans la vie familiale, le partage ainsi que l’écoute enrichissent les échanges et aboutissent souvent à des idées innovantes. Je crois fermement dans les échanges en réseau et des opportunités que nous pouvons en tirer.

«Nous avons la chance d’avoir des institutions et forums tels que le MIOD et le Women’s Directors forum qui s’engagement fortement à promouvoir cette méritocratie»

La société, les entreprises, les éducateurs et les pouvoirs publics continuent d’inciter les femmes à n’envisager qu’un éventail limité de métiers. Vos commentaires.

En 2022, il serait temps que les mentalités évoluent. L’accès aux études supérieures est ouvert à tous et chacun doit être libre et égal devant le choix de sa ligne de métier. Cependant, je pense qu’avec l’émergence des nouvelles technologies/des réseaux sociaux et d’une ère où nous sommes appelés à nous adapter au contexte, un homme et une femme sont de plus en plus égaux, et cela devrait se ressentir sur les plus jeunes générations.

Pour finir, que peuvent faire les entreprises pour aider à briser le plafond de verre qui reste l’un des principaux obstacles à l’égalité entre femmes et hommes?

Comme je l’ai dit plus tôt, très souvent, ce plafond de verre, on se l’impose soi-même… Mais il n’existe pas. De plus, c’est avant tout une question de culture d’entreprise. Toute entreprise devrait avoir une vraie politique de diversité (genre, génération, culture, etc.) et de promotion des talents. Accueillir, retenir et intégrer les talents est l’un des enjeux essentiels. Nous le voyons bien dans le secteur financier à Maurice. Continuer à catégoriser les salariés en ‘homme et femme’ est une erreur quand il s’agit d’évolution de carrière.

Un collaborateur compétent et qui mérite d’avoir un poste à responsabilité devrait tout simplement évoluer selon un plan de carrière défini indépendamment de son genre. Le développement au sein d’une entreprise est la responsabilité en premier lieu de soi-même. Nous nous devons d’en être le garant et avec le soutien de l’entreprise, nous serons en mesure de grandir ensemble. Pour être véritablement efficaces, les politiques de mixité doivent être promues d’en haut, notamment au niveau des conseils d’administration.

Il est aussi indispensable que des femmes qui ont gravi les échelons donnent envie et permettent aux plus jeunes d’évoluer. Plus une femme réussit, plus elle devrait se battre pour accompagner et promouvoir d’autres femmes. Elle a quelque part une responsabilité de ’give back’ aux plus jeunes qui ont le désir de réussir et d’agir ainsi comme ‘role mode !’

Les échelons, elle les a gravis un à un

«L’univers de la finance m’a toujours attirée et au moment de choisir ma filière académique, le régime du Global business venait de se mettre en place. C’était une opportunité pour me spécialiser dans un domaine nouveau et qui semblait à l’époque pouvoir déboucher sur beaucoup d’opportunités. C’est avec confiance que j’ai choisi la finance internationale… Je suis toujours aussi passionnée par mon métier», confie Sangeetha Ramkelawon. Ainsi, avec plus de 20 ans d’expérience dans le secteur financier, elle démarre sa carrière dans une management company en 2000. Elle rejoint ensuite la Deutsche Bank en 2003 où elle devient Business and Market Development Officer.

«J’ai pu gravir les échelons pendant mes 13 ans dans cette institution globale. J’ai saisi la plupart des opportunités qui se sont présentées à moi et j’ai pu créer mon identité au sein de ce groupe», poursuit Sangeetha Ramkelawon qui a été la Global Diversity Champion de Maurice et siégé sur le Regional Diversity Committee qui regroupait 16 pays. «Ce comité avait pour but de promouvoir la diversité des genres, de générations, parmi d’autres thèmes en échangeant nos idées», raconte la mère de deux enfants qui a rejoint, en 2016, la Banque des Mascareignes, aujourd’hui connue comme la BCP Bank (Mauritius) Ltd en tant que Directrice des grands comptes (Corporate, Global Business and International Banking). «J’en suis la directrice générale déléguée depuis novembre 2018

Pour la Deputy CEO, faire partie d’un groupe panafricain d’envergure comme le groupe BCP est très motivant et apporte chaque jour son lot de challenges. «J’aime travailler en synergie et encourager mes équipes à toujours repousser leurs limites. Je suis une personne enthousiaste et déterminée, avec un côté perfectionniste qui peut parfois être perçu comme pesant», livre l’enthousiaste. Elle essaie à travers le Women’s Directors Forum, pour n’en citer qu’un, de promouvoir le secteur. «Le but est aussi de voir dans quelle mesure nous pouvons faire de notre place financière un secteur attrayant pour les jeunes à Maurice, comme ceux venus d’ailleurs tout en s’assurant que nous donnons la chance aux plus méritants

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