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Bertrand Casteres (CEO de MUA) : «Le secteur des assurances est très résilient»

La MUA a récemment annoncé l’acquisition de Saham Assurance Company Kenya Limited. Qu’est-ce qui motive le renforcement de cette stratégie africaine ?

Lorsque nous avons fait l’acquisition, en 2014, du groupe Phoenix Assurance, en Afrique de l’Est, ses subsidiaires  ̶ au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie et au Rwanda  ̶ avaient chacune un profil et une maturité propres. En Tanzanie, en Ouganda et au Rwanda, nous avions une taille critique, c’est-à-dire une présence suffisante pour nous permettre de déployer notre stratégie. Au Kenya, qui est un marché extrêmement compétitif, nous étions assez petit, soit 34e sur 37. Il est important, dans le secteur de l’assurance, d’avoir une taille suffisante pour pouvoir réaliser des économies d’échelle. Le principe d’assurance reposant sur celui de la mutualisation, plus les risques assurés sont nombreux meilleure sera la prévision de sinistre. Le problème, quand est petit, c’est qu’il y a des coûts fixes et incompressibles qu’il faut pouvoir soutenir.

En 2017, lorsque j’ai repris la direction du groupe, nous avons établi un plan stratégique. Pour nos opérations au Kenya, nous avons défini ce que nous avons appelé une «turnaround strategy». Deux choix s’offraient à nous à l’issue de cet exercice : fermer les opérations au Kenya ou alors nous y développer afin d’atteindre une taille critique. Nous avons finalement opté pour la deuxième solution car les potentiels de croissance dans ce pays sont nombreux.

Nous avons donc commencé à prospecter le marché. Et Saham Kenya présentait la complémentarité qu’il nous fallait. Un partenariat avec cet assureur pouvait nous permettre de passer de 0,5 % de part de marché à presque 3 % de part de marché, et donc d’avoir la taille critique nécessaire pour déployer pleinement notre stratégie sur ce marché. Nous avons entamé les discussions autour de l’acquisition de Saham Kenya en 2019 et elles ont abouti à la signature d’un ‘share price agreement’ en janvier 2020.

 

L’annonce de cette acquisition intervient à l’heure où l’économie mondiale est affectée par la crise de la Covid-19. La crise n’a pas affecté vos projets ?

La crise est arrivée dans la foulée mais cela n’a pas changé grand-chose à la finalisation de l’acquisition. Avec la crise que nous traversons, nous nous attendons à ce que le retour sur investissement soit un peu plus long que celui qui avait été prévu, soit cinq ou six ans au lieu de quatre ans. Mais cela ne remet en rien notre approche puisque nous investissons à long terme et nous n’avons pas pour habitude de prendre des décisions hâtives durant les périodes de crise.

 

Comment appréhendez-vous la reprise des activités économiques ?

Notre activité n’a jamais cessé. Lorsqu’on est assureur, on est préparé à faire face à ce genre de crise, du fait que la gestion des risques reste le cœur de notre métier. Le secteur des assurances est un secteur très résilient et donc moins affecté que d’autres par cette crise, notamment par le transfert de certains risques à des réassureurs.

Cela dit, nous sommes impactés par une baisse d’activité, principalement en assurance-vie et dans nos revenus financiers impactés par la baisse des marchés financiers et la baisse des taux d’intérêt.

Bien qu’il soit encore un peu tôt pour faire un bilan, en Afrique de l’Est, nous percevons que la crise est encore à un stade moins avancé qu’ailleurs. Nos prévisions laissent à penser qu’il y aura un impact que nous ne pouvons pas encore chiffrer, en tout cas en ce qui concerne l’assurance-vie. Le gros avantage de notre Groupe reste sa diversification géographique, car la crise aura un impact différent selon les pays.

 

Vous êtes en Afrique depuis six ans. L’aventure africaine a-t-elle été à la hauteur de vos attentes ?

De manière globale, elle l’a été ; lorsqu’on investit dans plusieurs pays en même temps, il faut s’attendre à ce que cela ne soit pas parfait, partout. Mais nous avons tiré des leçons. Même si nos problématiques n’ont pas toutes été résolues, nous avons parcouru un sacré chemin ! Nous avons désormais une bonne connaissance des différents marchés où nous sommes et de leurs spécificités propres.

Dans un premier temps, nous avons déployé au maximum notre savoir-faire en développant par exemple nos systèmes informatiques et rendant autonomes chacune de nos entités sur le plan commercial. L’objectif était de mettre nos subsidiaires sur le même niveau opérationnel et fonctionnel. Nous avons pour cela mis en place une matrice de reporting afin que chaque fonction locale rende des comptes à sa contrepartie à Maurice. Ce faisant, nous avons eu, à Maurice, davantage de contrôle sur les opérations, de façon à avoir une approche beaucoup plus harmonisée entre les différents pays. Cela a été le cas plus particulièrement dans les fonctions de ‘risk management’, de l’investissement, de la réassurance, du reporting financier et, plus récemment, au niveau du marketing et des ressources humaines.

Ce processus nous a permis d’atteindre notre vitesse de croisière, grâce notamment au rebranding du groupe en 2018. Aujourd’hui, nos subsidiaires du groupe portent le nom MUA. Il y a un réel partage de connaissances et un sens d’appartenance beaucoup plus fort. Cela représente un véritable avantage notamment au niveau des partenariats internationaux puisque nos interlocuteurs étrangers nous perçoivent désormais comme un acteur régional et nous mettons ainsi en place des couvertures régionales.

 

Quelles ont été les principales difficultés auxquelles la MUA a dû faire face en s’implantant sur le continent africain ?

La principale qui me vient à l’esprit a été de comprendre les spécificités de chaque marché et pour avoir une relation de confiance avec les équipes locales. La distance nous a amenés à revoir notre façon de manager. Il nous a fallu renforcer davantage certains contrôles à distance et, dans le même temps – et c’est paradoxal – faire davantage confiance aux équipes sur place dans la limite des délégations accordées.

Nous avons, en même temps, voulu faire la part des choses entre les domaines dans lesquels nos équipes à Maurice ont une expertise reconnue et celles dans lesquels nos équipes locales ont leur expertise, notamment, dans la connaissance de leurs marchés. Il n’était nullement dans nos intentions de piloter les opérations commerciales depuis Maurice. Cette approche collégiale s’est révélée payante puisque, l’année dernière, nous avons multiplié par deux nos profits en Afrique.

 

Avez-vous pour projet de vous implanter dans d’autres pays africains à moyen terme ?

Notre priorité, pour l’heure, est de consolider notre présence dans les quatre pays dans lesquels nous sommes implantés sur le continent. S’adapter à quatre marchés différents, qui ont chacun leurs particularités, leurs réassureurs, leurs régulateurs, leur management n’a pas été une mince affaire. Nous allons donc poursuivre nos efforts dans ces mêmes pays pour atteindre notre objectif de 10 % de parts de marché et d’un return on equity supérieur à 15 %. Nous avons atteint cet objectif au Rwanda, sommes sur la bonne voie en Ouganda et en Tanzanie. En ce qui concerne le Kenya, notre acquisition de Saham nous permet de faire un pas important dans cet objectif. À plus long terme, nous resterons à l’écoute des opportunités qui pourraient se présenter dans la région afin d’offrir les services MUA au plus grand nombre.

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