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2022- 2023 Budget

État providence réforme de la pension : la pomme de discorde

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Réforme de la pension

Malgré les appels incessants des institutions internationales pour qu’on réforme le système des pensions, tous les gouvernements qui se sont succédé ont jusqu’ici fait machine arrière sur ce sujet politiquement sensible. Le ministre des Finances franchira-t-il le rubicon ?

Le fonds monétaire international (FMI) est catégorique sur le fait que la réforme du système des pensions reste une étape essentielle pour soutenir la viabilité budgétaire. Ainsi, tout plan d’assainissement budgétaire à moyen terme devra s’attaquer à la disparité entre les dépenses et les recettes liées à la pension.

Comme l’a également fait ressortir la Banque mondiale, notre filet de sécurité sociale est «effective but very inefficient». Une option de réforme consisterait à remplacer tous les transferts existants, y compris la Basic Retirement Pension (BRP), par une prestation de revenu universelle versée par le biais de la Mauritius Revenue Authority (MRA). Selon un observateur économique, tous les bénéficiaires de l’aide gouvernementale actuelle, y compris la BRP, dont le revenu familial est inférieur à Rs 100 000 mensuellement, recevraient une prestation par mois en espèces. En économisant sur l’inefficacité, la duplication et les frais généraux de programmes multiples et complexes, chaque bénéficiaire pourrait obtenir plus que ce qu’il reçoit aujourd’hui.

Le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus s’élevait à 239 041 en décembre 2020, soit 18,8 % de la population totale. Il devrait atteindre 23 % en 2027 et 35 % en 2057. Rs 29,6 milliards ont été consacrées au paiement de la pension de vieillesse en 2020, soit 6,9 % du PIB. Selon les observateurs, le système de retraite, dans sa forme actuelle, est une bombe à retardement à laquelle il faut s’attaquer. Et le Budget 2022-23 serait l’occasion pour le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, de s’attaquer à ce sujet politique sensible.

Jaya Patten Financier‘Rs 29,6 milliards consacrées au paiement de la pension de vieillesse en 2020’

«Le vieillissement est un processus naturel. Il n’y a que le diable qui ne vieillit pas, selon un dicton africain. L’augmentation de la longévité couplée à la baisse concomitante de la natalité produit l’inversion de la pyramide des âges. Cette tendance existe dans les économies développées et dans certaines économies en développement. Conséquemment. elle fait baisser le taux de dépendance, c’est-à-dire la cohorte des actifs payeurs s’amenuise et la cohorte des retraités receveurs augmente. C’est le fond du problème des systèmes de retraites publiques. Au niveau macroéconomique, il y a un impact supplémentaire sur l’épargne globale disponible suite à la transition de l’épargne vers la consommation accompagnant le vieillissement de la cohorte. Face à cette transition démographique, la réforme est incontournable», explique Jaya Patten, financier.

Alors qu’actuellement en Europe 3,4 personnes actives cotisent pour couvrir le coût de la retraite de chaque retraité de plus de 65 ans, ce ratio devrait tomber à seulement 2 d’ici 2050.

Le budget social d’un pays représente 20 % de son PIB selon OCDE

Selon des études de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le budget social d’un pays représente en moyenne environ 20 % du PIB. La France a le plus gros budget social soit près de 31%. Au sein de ce poste, les deux factures les plus importantes concernent les retraites, soit 7,8 % et la santé, 5,6 %.

Dans le cas de Maurice, la baisse est plus dramatique. En 2017, il était de 4,3, baissant à 2,4 en 2037 et 1,7 en 2057. Dans les marchés émergents, les retraites coûtent 6,2% du PIB en 2020 et devraient augmenter à 8,5% d’ici 2050 selon le FMI. Les chiffres comparatifs pour les économies avancées sont respectivement de 9,7 % et 11,9 %.

«Vieillir sans s’appauvrir est un problème global impliquant des choix de société et d’équité. Améliorer la viabilité des systèmes de retraites tout en garantissant un niveau de vie décent aux retraités, en particulier ceux issus des classes défavorisées, est non trivial», observe Jaya Patten.

Est-ce que le moment est venu d’entamer une réforme nationale de la pension et quelles pourraient être les options de Maurice sur le sujet ? À cela, Jaya Patten répond qu’il y a malheureusement des raisons parfaitement compréhensibles qui font que la réforme va vraisemblablement traîner. Deux rappels aident à contextualiser cet énoncé.

«D’abord, cela me rappelle le débat lors des négociations de sauvetage de la Grèce. Comme un membre du personnel du FMI a résumé la situation : «Cela dit, aucune réforme des retraites ne rendra la dette de la Grèce soutenable sans allègement de la dette, et aucun allègement de la dette ne rendra le système de retraite grec soutenable sans réforme des retraites. Les deux doivent se produire». Dans le cas de Maurice, la deuxième composante du binôme est le modèle de croissance économique sous-jacent. Autrement dit, la question des retraites fait partie d’un problème fondamental beaucoup plus ardu. Deuxièmement, je me souviens de la discussion avec le ministère des Finances en France au début des années 2000. C’était un pitch sur la gestion dynamique actif / passif pour les retraites que nous avions développé au Crédit Agricole. La réplique était catégorique et candide : «Le dossier des retraites est dans la corbeille trop difficile à aborder». Sans surprise, deux décennies plus tard, le président Macron peine toujours à mettre en œuvre son plan de réforme», fait ressortir Jaya Patten.

Courage politique

Étant donné la complexité connue de la tâche, est-il réaliste de s’attendre à ce que le gouvernement s’attaque au problème ? Jaya Patten indique qu’il faut du courage, de la détermination et surtout vouloir prendre le risque de confronter l’électorat. Le message brutal et inéluctable est que le médicament est amer, mais il n’y a pas d’alternative ; pas vendeur comme slogan électoral.

«Me focalisant sur les besoins en amont, les réformes des retraites devraient contribuer aux efforts d’assainissement budgétaire ; résoudre les problèmes d’équité et soutenir la croissance économique. L’objectif des pensions publiques est d’assurer la sécurité du revenu de retraite dans le contexte d’un cadre budgétaire viable ; qui exige une reconsidération de la fiscalité y compris les incitations fiscales à but social. L’importance d’assurer la sécurité du revenu, en particulier pour les groupes à faible revenu, suggère que la réforme des retraites doit également être équitable. En outre, la conception des pensions publiques affecte la croissance économique par son impact sur les marchés du travail et l’épargne nationale. L’épargne publique ne peut à elle seule supporter ce fardeau. L’épargne privée doit prendre le relais. La jeune génération devra sans doute épargner davantage et repousser le départ à la retraite», fait-il ressortir

Par ailleurs, le passif des retraites aggrave un déficit budgétaire chronique sans pour autant en être la cause principale. La réforme de la pension devrait faire partie d’une initiative stratégique plus large visant à instaurer une discipline fiscale. La stratégie doit activer simultanément les deux leviers : recettes et dépenses. Du côté des revenus, le gouvernement doit faire preuve de créativité pour augmenter ses sources de revenus en sus des impôts. La création d’un fonds souverain devrait faire partie de ce mixte. Côté dépenses, le coût et le financement du budget social et des retraites rélèvent in fine d’un choix de société.

Une solution multidimensionnelle

La réforme des retraites implique par définition une solution multidimensionnelle. Une approche progressive et pragmatique est préférable. Il s’agit avant tout de la politique et du social ; choix de société, taille du budget social et qui paye quoi. Il s’agit bien sûr d’économie ; marchés du travail, épargne et croissance. Il s’agit surtout de technicités financières ; la gestion dynamique actif / passif, la culture de l’épargne privée et l’aide aux actifs à mieux préparer leur retraite. Enfin, il faut une législation et une réglementation adéquates. En somme, Il faut une approche holistique et surtout équitable pour assurer qu’on vieillit sans pour autant s’appauvrir.

 

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