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2022- 2023 Budget

Finances publiques la difficile équation de Padayachy

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Finances Publiques

Le ministre des finances devra jouer au funambule. D’une part, il devra proposer un budget audacieux pour relancer l’économie. D’autre part, il aura à composer avec des recettes fiscales limitées et surveiller le niveau de la dette publique comme le lait sur le feu.

MALGRÉ la situation de morosité économique, tout porte à croire que le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, viendra de l’avant avec un budget audacieux qui ne manquera pas de grever les finances de l’État. Avec le redémarrage de l’industrie touristique, sa marge de manœuvre sera moins étroite que l’année dernière. Pour rappel, lors de la présentation de la loi de finances 2021-22, le Grand argentier avait annoncé des dépenses de Rs 162,6 milliards contre des revenus de Rs 137,7 milliards (sous forme de taxes principalement, mais aussi de dons).

Qu’en sera-t-il pour le Budget 2022-23 ? Faut-il s’attendre à une hausse significative en termes de recettes fiscales surtout que nous sommes dans un cycle d’inflation forte et que la roupie s’est fortement dépréciée face aux principales devises ? Qu’en sera-t-il de la dette publique ? Est-ce qu’on peut se permettre d’emprunter davantage, sachant que la dette publique était calculée à 88,6 % au premier trimestre ?

Abordant la question de la collecte des impôts, le Managing Partner d’EY à Maurice, Gérald Lincoln, soutient que c’est en termes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) que l’État obtiendra une manne conséquente. «La TVA va certainement rapporter beaucoup plus aux caisses de l’État cette année, grâce à la hausse générale des prix. Pour rappel, la TVA se calcule à 15 % de la valeur des produits et services imposables. Donc, avec la hausse des prix, le montant de la TVA augmente automatiquement. Le taux de change ne fait que contribuer à cette augmentation des prix, car nous importons nos produits et le coût de revient en roupies est forcément plus élevé quand la roupie se déprécie. C’est le même effet pour les autres taxes indirectes comme les Import duties, les Customs duties et la Land transfer tax», explique-t-il.

Même constat pour Clensy Appavoo, CEO et Senior Partner de HLB Mauritius. Il ajoute que la dépréciation de la roupie face au billet vert fait finalement les affaires de l’État qui a pu renflouer ses caisses. «Il ne fait pas de doute que la dépréciation quotidienne de la roupie vis-à-vis des devises étrangères, mais surtout du dollar américain sur une période de presque deux ans, a gonflé de façon significative les recettes de l’État. Cette dépréciation, qui était de 8 % en 2020, a continué de grossir pour atteindre 12 % cette année. Notre dépendance sur l’importation des produits alimentaires et les intrants au niveau industriel qui sont payés en dollars américains a fait naître une augmentation des prix et une situation d’inflation galopante. L’assiette d’imposition pour les taxes douanières et la TVA a augmenté crescendo et c’est le consommateur qui a payé la note», observe-t-il.

Des recettes fiscales en deçà de Rs 100 milliards ?

Il faut savoir que sur les Rs 137,7 milliards prévues pour l’exercice 2021-2022, quelque Rs 110,1 milliards devaient être sous forme de taxes. C’était la première fois depuis l’éclatement de la pandémie que le gouvernement espérait des recettes fiscales supérieures à Rs 100 milliards. Ainsi, pour les périodes 2019-2020 et 2020-2021, elles se sont élevées respectivement à Rs 99,6 milliards et Rs 82,6 milliards.

Commentant les prévisions du ministère des Finances pour l’année financière 2021-2022, Clensy Appavoo estime que malgré une nette amélioration du contexte économique avec la réouverture des frontières, «on ne dépassera pas la barre des Rs 100 milliards pour l’exercice fiscal courant». Pour cause, il fait ressortir que «l’objectif du ministre des Finances était trop ambitieux étant donné que nous étions toujours sous l’emprise de la pandémie et que différents secteurs comme le tourisme, ont pris du temps pour retrouver leur vitesse de croisière»

Sur la question de la dette publique, la plus grande prudence est de mise. La question qui se pose est : est-ce que le gouvernement peut se permettre de laisser filer davantage la dette publique, qui est calculée à Rs 426 milliards à la fin du premier trimestre, soit l’équivalent de 88,6 % du PIB ? Un chiffre qui tend à se rapprocher des objectifs du gouvernement qui était d’atteindre les «80 % du PIB d’ici fin juin 2025 et 70 % d’ici fin juin 2030», comme le prévoyait le ministre des Finances dans le dernier Budget.

Gérald Lincoln (Managing Partner D'EY)Ce taux est-il acceptable dans la conjoncture actuelle ? «Nous sommes toujours dans le rouge avec ce niveau de dettes», observe Gérald Lincoln. Avant de nuancer quelque peu ses propos en soutenant que «par chance, nous avons toujours accès aux capitaux à des taux plutôt bas. Moody’s a gardé le même ‘credit rating’ pour le pays. La tendance du prix de l’argent est à la hausse à travers le monde, donc notre facture d’intérêts va augmenter»

Clensy AppavooQuant à Clensy Appavoo, il est plus catégorique sur l’endettement de Maurice. «Je pense que le dernier rapport du FMI suivant l’Article IV Consultation a déjà sonné l’alarme sur la dette publique. Il est clair que le pays est trop endetté et il est urgent de ramener le niveau de la dette nationale à un taux raisonnable pour ne pas suivre l’exemple du Sri Lanka. Le gouvernement doit revoir sa politique d’investissement dans des projets d’infrastructures et autres, et prioriser les projets les plus urgents et mettre en veilleuse les projets qui sont considérés ‘importants’ mais ‘pas essentiels’».

Le Budget 2022-23 sera l’occasion pour le Grand argentier d’assainir les finances publiques. Mais il y a un équilibre à trouver. Une politique d’austérité pourrait impacter la croissance.

 

La problématique du service de la dette

Selon Moody’s, la dette du gouvernement central (sans les corps parapublics) devrait chuter à 78 % du PIB en 2022 et à 75-76 % en 2023. De l’avis de Gérald Lincoln, la prudence est de mise pour l’État. À son avis, Maurice doit arriver à gérer ses emprunts et ses remboursements à travers notre service de la dette. «Le service de la dette dépend des taux d’intérêt et du mixte roupie – monnaies étrangères. Face à la dépréciation, la dette non-roupies devient automatiquement plus lourde et plus cher à financer, car nos taux d’intérêt sont généralement variables et les emprunts à long terme. Donc, dans un contexte où les intérêts remontent, la charge sur le pays s’alourdit», soutient-il. Pour sa part, Clensy Appavoo, pense qu’il faut «se donner les moyens de payer les intérêts sur les dettes contractées par le pays, notamment s’agissant des dettes à court terme». Or, il reste tout de même confiant car, fait-il ressortir «du point de vue du FMI, Maurice a un ‘Sustainable debt profile’».

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