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Secteur financier : Les opérateurs restent sur leur faim

Bien que les opérateurs apprécient certaines annonces ayant trait à la conformité de notre juridiction, ils se désolent du fait que les mesures s’adressent davantage aux problématiques qui sont posées sur le long terme.

L’objectif pour le secteur financier est clair : le gouvernement cherche à consolider les acquis de notre juridiction. Après deux années éprouvantes, notre centre financier a dû surmonter les impacts liés à la pandémie de la Covid-19 tout en jugulant avec son inclusion sur les listes du GAFI et de l’Union européenne. Et pour couronner le tout, il doit aujourd’hui surmonter les impacts engendrés par le conflit russo-ukrainien.

En dépit de ces événements défavorables au rayonnement du centre financier mauricien, le secteur a pu tout de même réaliser des performances convaincantes qui démontrent sa résilience. En 2020, lors des débuts des impacts de la pandémie, notre secteur financier a contribué à hauteur de 13 % au PIB avec une croissance de 1 %. En 2021, alors qu’il œuvrait à se conformer aux normes internationales tout en évoluant avec les restrictions sanitaires, il enregistre une croissance de 4,2 % pour une participation au PIB à hauteur de 12,3 %. S’agissant de la performance pour 2022, les chiffres officiels seront publiés à la fin de juin dans le rapport annuel du National Accounts de Statistics Mauritius.

Pour en revenir au Budget, les mesures annoncées par le Grand argentier s’inscrivent dans la continuité pour renforcer la résilience et la conformité du secteur financier. Les opérateurs se disent tout de même partagés par l’oral du Grand argentier. Dans le concret, Renganaden Padayachy a annoncé la création d’une Financial Crime Commission pour lutter contre les crimes financiers, des mesures concernant la formation et pour favoriser l’employabilité, mais aussi la conformité par rapport aux recommandations des instances internationales. Thierry Valet, General Manager d’AfrAsia Bank, se dit mitigé par les mesures annoncées. «Je reconnais que le Budget s’inscrit dans la continuité stratégique du gouvernement d’être conforme aux normes internationales, notamment avec la création de la Financial Crime Commission (FCC). Et cela est à notre avantage en tant que juridiction internationale. Toutefois, les mesures annoncées comme la formation des jeunes diplômés dans le segment d’AML/CFT s’inscrivent dans une vision à long terme qui ne répond pas forcément à l’immédiateté des problématiques d’emplois que nous rencontrons», explique-t-il.

Même constat pour Vikash Chumun, Managing Director de Sunibel. Il y a, dit-il, une différence entre la réalité du terrain et la théorie : «Sur le long terme, il est vrai que c’est encourageant pour nos jeunes qui pourront se professionnaliser dans le secteur à Maurice. Par ailleurs, il faut au moins sept ans d’expérience sur le terrain pour être considéré comme un profil intéressant pour les management companies», ajoutant que la mesure sur la création de la FCC et la taxe de 15 % pour les multinationales sont des recommandations faites par les instances internationales. «La demande de création de la FCC a été faite depuis quelque temps par ESAAMLG ; nous venons donc répondre à cette recommandation. S’agissant de la taxe à 15 %, c’est une imposition prescrite par l’OCDE. En haussant cette taxe de 3 % à 15 %, nous adressons une réponse réactive aux normes internationales». À noter que ce prélèvement concerne les entreprises avec un chiffre d’affaires annuel de 750 millions d’euros.

Shahed Hoolash, Managing Director de Vistra, se dit ravi de la réalisation des recommandations faites au ministre. «Nous sommes dans l’impatience de voir comment nous allons travailler avec le gouvernement et les autorités pour faire de ces annonces une réalité.» Avant d’ajouter qu’il s’attendait aussi à des actions proactives concernant la promotion du centre financier mauricien.

Shahed Hoolash (Managing Director de Vistra)

 

Thierry Vallet (General Manager d’AfrAsia)

Vikash Chumun (Managing Director de Sunibel)


Des mesures supplémentaires dans l’annexe du Budget

L’annexe du Budget énumère des mesures sur la création d’un cadre légal pour les émissions d’obligations vertes, et pour encadrer la monnaie numérique qui devrait devenir une réalité d’ici la fin de l’année. Pour les opérateurs, ce sont des nouvelles encourageantes pour le développement futur du secteur financier. Pour Vikash Chummun, les annonces dans l’annexe du Budget s’inscrivent dans la mouvance internationale de digitaliser et de rendre l’univers financier plus écoresponsable. «Le numérique et la finance verte sont des secteurs porteurs pour l’avenir. Si nous arrivons à mettre en place ces «frameworks», nous prendrons une avance certaine comparé à nos concurrents directs.» Thierry Vallet note que ces cadres légaux vont contribuer à l’attractivité de Maurice en tant que centre financier international, mais il s’interroge sur les implications au niveau des autorités et des opérateurs.

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