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DEGRADATION DU CLIMAT ECONOMIQUE – LES RECETTES FISCALES POURRAIENT CHUTER A RS 80 MILLIARDS EN 2020-2021

LE RALENTISSEMENT ÉCONOMIQUE ET L’IMPACT SUR LA CONSOMMATION DEVRAIENT PESER LOURD SUR LES RECETTES FISCALES POUR L’EXERCICE FISCAL 2020-21. UNE BAISSE DES RECETTES D’ENVIRON RS 10 MILLIARDS EST UN SCÉNARIO PROBABLE. DU COUP, UNE QUESTION PERTINENTE SE POSE : COMMENT LE GOUVERNEMENT VA-T-IL FINANCER LE PROCHAIN BUDGET ?

 

LE reconfinement viendra aggraver une situation déjà précaire avec une incidence directe sur la consommation et les recettes fiscales générées, notamment, par la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les droits d’accise. Un vrai casse-tête notamment pour le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, qui se retrouvera avec une marge de manœuvre extrêmement réduite pour son prochain Budget qui sera placé sous le signe de la relance.

Jusqu’ici, l’impact de la crise sur les recettes fiscales est significatif. Ainsi, pour l’exercice financier 2019-20, elles s’élevaient autour de Rs 89 milliards contre Rs 104 milliards en 2018-19. Cette baisse des recettes résulte de l’impact de la crise sur le pouvoir d’achat des Mauriciens. D’ailleurs, les impôts sur les produits et services (TVA et droits d’accise) ont chuté de Rs 6,8 milliards, passant de Rs 62,4 milliards à Rs 55,6 milliards d’un exercice financier à l’autre.

Avec la clôture de l’exercice 2020-2021 qui approche à grands pas, il est légitime de se demander quels sont les différents scénarios plausibles. Le fisc pourra-t-il amasser des recettes de Rs 90 milliards pour la présente année fiscale, comme le prévoyait le dernier Budget ? Le manque à gagner sera-t-il plus ou moins le même pour l’État ?

Non à en croire Clensy Appavoo, Senior Partner de HLB Mauritius. Car, estime-t-il, la situation économique est en train de se dégrader. «La situation a empiré davantage et l’exercice 2020-21 sera malheureusement plus catastrophique que l’exercice précédent, qui demeure substantiellement amoché. Le tourisme est actuellement en net déclin et le secteur financier incluant le global business connaît déjà des jours sombres. La liste grise du GAFI (Groupe d’action financière) et la liste noire de l’Union européenne ont des conséquences extrêmement graves sur notre économie avec des retombées sur notre politique fiscale et, surtout, nos recettes seront grandement impactées», commente-t-il. Avant d’ajouter, que selon ses calculs, les recettes fiscales ne dépasseront pas les Rs 80 milliards pour l’année fiscale 2020-21.

SCÉNARIO SIMILAIRE À 2020

Il est rejoint par Paul Baker, Chief Executive de l’International Economics Consulting. Selon lui, Maurice sera témoin à nouveau d’un scénario similaire à 2019-2020. «Les entreprises locales ne se sont pas encore remises des impacts des mesures de confinement de 2020 et de 2021. Ainsi, le même scénario devrait se répéter, voire empirer. Pour l’exercice 2020-2021, la collecte des recettes fiscales ne reviendra sans doute pas à la moyenne normale puisque les citoyens sont réticents au risque, ce qui limitera leur consommation ainsi que leurs investissements. Cela affectera la collecte de la TVA. L’économie mauricienne est axée sur la consommation, ce qui implique que la majeure partie de notre PIB est influencée par la consommation de consommables plutôt que par les intrants et les dépenses en capital, ce qui renforcerait les efforts de reprise. De nombreuses entreprises enregistrent des pertes, de sorte que la perception de l’impôt sur les sociétés devrait baisser. Enfin, les programmes de soutien du gouvernement continueront d’épuiser les réserves et entraîneront une augmentation des besoins d’emprunt», étaye-t-il. Mais, il précise que cette situation n’est pas différente dans les autres pays du monde.

Qu’en sera-t-il de l’impact de la Corporate tax ? Celle-ci a été ramenée à Rs 13,4 milliards en 2019-2020 contre Rs 14,5 milliards lors de l’exercice précédent. Pour Paul Baker, il est peu probable que l’impôt sur les sociétés chute d’un montant significatif. Car, selon lui, toutes les entreprises du secteur privé bénéficient, une fois encore, du Wage Assistance Scheme.

Clairement, ce second confinement impactera les composants majeurs de l’assiette fiscale, à savoir la TVA, les droits d’accise, l’Income Tax et la Corporate Tax, qui pourraient subir des baisses drastiques. Cela sera, non seulement en raison du prolongement du confinement jusqu’à fin avril, mais aussi à l’arrêt de l’économie depuis le 10 mars dernier.

 

HORS-TEXTE: Financement du Budget : La Banque de Maurice sera-t-elle sollicitée

Au vu de l’impact de la crise, le Trésor public n’a eu d’autre choix que de se tourner vers la Banque de Maurice pour financer le Budget 2019-2020. Celle-ci a décaissé un ‘one-off payment’ de Rs 60 milliards. Si le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a récemment déclaré que tel ne sera pas le cas, cette éventualité ne saurait être totalement écartée car le reconfinement fera qu’on aura moins d’argent dans les caisses de l’État. Selon Clensy Appavoo, il est encore trop tôt pour se prononcer. «Attendons voir !», lâche-t-il, tout en précisant que nos réserves de change sont l’équivalent de 14,3 mois d’importations et que cette donne pourrait peser dans la balance.
Toutefois, il nuance un peu ses propos en indiquant qu’«un second recours aux réserves de la Banque de Maurice paraît être l’issue que le ministre va utiliser pour boucler son Budget. Pour cause, je ne vois pas le pays aller s’endetter davantage avec notre niveau de dettes qui est déjà dans le rouge».

 

HORS-TEXTE: Réouverture des commerces pour redémarrer la consommation

Depuis quelques jours, le gouvernement a donné l’autorisation à tous les commerces de rouvrir avec des mesures sanitaires strictes. Cette tentative de redémarrer l’économie par la consommation aura un impact sur les entreprises, ainsi que sur les recettes fiscales de l’État. Analysant la situation, Clensy Appavoo indique qu’il est maintenant devenu un fait indéniable qu’on doit vivre avec le virus. «On ne peut plus jouer avec le confinement, le déconfinement et le reconfinement. Je ne pense pas que cette ouverture ‘à demi’ va faire repartir la consommation. L’incidence sur la TVA et les droits d’accise ne seront que légèrement impactés. La machinerie économique va continuer à traîner les pieds aussi longtemps que le pays ne retrouvera pas son rythme normal. On ne parle même pas de vitesse de croisière, mais d’un regain de confiance pour vivre avec le virus tout en prenant les précautions sanitaires qui s’imposent», fait-il ressortir.

Pour sa part, Paul Baker estime qu’en rouvrant les entreprises plus tôt par rapport au scénario similaire de 2020, le gouvernement anticipe que les consommateurs reprendront leurs activités normalement. «La période de récupération sera beaucoup plus lente et le montant collecté pour la TVA et les droits d’accise seront bien inférieurs à ceux de 2019. Cela devrait être comparable à 2020». Il étaye ensuite ses propos : «Une grande partie de la collecte pourrait provenir des flux commerciaux internationaux (importations soumises à la TVA et aux droits d’accise pour quelques produits). Les droits d’accise sur l’essence sont importants, mais comme les voitures sont moins utilisées en période de confinement, cette collecte devrait diminuer. Les importations étant également plus difficiles à trouver, la perception de la TVA sur les importations devrait également baisser».

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