Type to search

Actualités Enjeu

Affaire STC/BETAMAX son impact sur les Finances Publiques

Share
Red Eagle

Le coup est terrible pour la State Trading Corporation. Elle devra puiser de ses réserves et certainement se tourner vers le trésor public pour pouvoir dédommager BETAMAX suite au jugement du conseil privé.

L’AFFAIRE Betamax laissera des traces sur les finances publiques. Au total, ce ne sont pas moins de Rs 5,7 milliards qui devront être versées à la compagnie de Vikram Bhunjun après l’arrêt du Conseil privé. La State Trading Corporation (STC), qui est la plus grosse corporation du pays avec un chiffre d’affaires annuel d’environ Rs 45 milliards, devra puiser environ Rs 2 milliards de ses réserves pour dédommager Betamax suite à la rupture du contrat pour l’approvisionnement en produits pétroliers depuis Mangalore Refinery Petrochemicals en février 2015. Pour le solde de Rs 3,7 milliards, le paiement sera décaissé logiquement par le Trésor public.

À noter que les avocats de Betamax sont en pourparlers avec la STC pour le paiement des Rs 5,7 milliards. Les deux parties sont tombées d’accord pour une extension du délai jusqu’au 28 juin.

Invariablement, c’est le consommateur qui fera les frais de ce litige commercial, puisque le gouvernement est appelé à soutenir financièrement la STC, ce qui alourdira les dépenses publiques. Ce qui pourrait le forcer à revoir ou reporter ses investissements, notamment pour des projets infrastructurels budgétés.

Megh PillayDirecteur général de la STC, d’août 2010 à mars 2015, lorsqu’il soumet sa démission, Megh Pillay souligne que l’État étant seul actionnaire de la STC, sa trésorerie fait partie de l’argent public. «Donc, nous tous indistinctement paieront la casse par les impôts directs ou indirects. Dans la pratique, la STC puisera de ses réserves qui devraient normalement être autour de Rs 4 milliards. Elle peut même emprunter la balance si le gouvernement change d’avis. Elle remboursera en ajustant le montant de ses frais administratifs dans le ‘pricing’ de l’essence et du diesel. Il n’y a aucune raison que le riz et la farine soient concernés», observe-t-il.

À la question de savoir si des actifs pourraient éventuellement être vendus afin de compenser le trou financier, Megh Pillay soutient que la question ne se pose même pas dans la mesure où Betamax jouit d’une garantie de l’État sous la forme de l’Implementation Agreement. «Une liquidation n’aurait servi à rien et il n’y a aucun doute qu’on le savait pertinemment bien en cherchant une garantie de l’État. En tout cas, la STC dispose de très peu d’actifs pouvant intéresser un créditeur. D’après son dernier bilan financier, elle ne possède que son quartier général à Ébène, estimé à Rs 220 millions et quelques véhicules et équipements de manutention valant Rs 100 millions au maximum», indique-t-il. FARDEAU FINANCIER Le fardeau financier de cette rupture de contrat apparaît, à la lumière du jugement rendu par le Conseil privé, relever d’une décision irréfléchie. Il s’ajoute au coût de Rs 1,4 milliard encouru par la STC pour l’approvisionnement de dispositifs et d’équipements médicaux sous l’Emergency Procurement. Au vu de son état financier, ne faudra-t-il pas envisager une restructuration de la STC ? «Absolument pas !» répond Megh Pillay, qui souligne que la STC a la capacité de se remettre à flot rapidement.

<<Le chiffre d’affaires de la STC tourne en moyenne autour de Rs 45 milliards>>

«Ni le montant du fardeau financier et encore moins la dérive à laquelle vous faites allusion ne justifient une restructuration. La STC est une entreprise résiliente tout à fait capable de rebondir après des coups durs. Rappelez-vous qu’elle avait subi des pertes de Rs 5 milliards dans une seule transaction de hedging mal inspirée en 2008. Bien avant mon départ en 2015, elle avait complètement épongé la dette et accumulé des réserves de Rs 3,5 milliards. La STC sachant bien ce qu’elle aurait eu à payer après l’arbitrage, elle avait le devoir de mettre de côté cette somme et d’empêcher qui que ce soit de s’approprier ses réserves, en attendant le verdict du Privy Council. Comme elle brasse un chiffre d’affaires annuel dépassant souvent Rs 45 milliards, ce n’est pas la mer à boire», ajoute Megh Pillay.

À sa création, la STC avait pour mission de prendre la relève de l’État et de la fonction publique dans la commercialisation des produits jugés stratégiques pour la survie du pays. Elle a assuré un flux régulier de produits de qualité à des prix compétitifs sur le marché à chaque fois qu’elle a pu opérer avec le niveau de professionnalisme requis.

«La performance de la STC ne souffre que par ingérence outrancière et par des décisions prises ailleurs sans tenir compte des procédures établies et hors du contrôle d’audit. Au lieu de restructuration, il suffit d’appliquer la pratique de la bonne gouvernance d’entreprise, et que chacun dans l’administration publique s’engage à respecter les limites de son rôle, de travailler dans les règles, d’être redevable de ses actes et d’être passible à des sanctions dissuasives pour tout manquement au devoir», argue Megh Pillay.

Colosse au pied d’argile, la STC se retrouve aujourd’hui dans une situation extrêmement délicate du fait de son instrumentalisation. Saura-t-elle se relever ?

Comment le contrat avait été alloué à BETAMAX

Tenu par un devoir de réserve et de confidentialité sur les dossiers traités pendant son mandat comme directeur général de la STC entre août 2010 et mars 2015, Megh Pillay souligne néanmoins que l’arbitrage de Singapour conclut avec raison, qu’au final c’est le comité de direction de la STC qui avait pris la décision d’octroyer le contrat, et pas le gouvernement. «La présidente du Board n’étant pas disponible ce matin-là, c’est le chef du cabinet du ministère du Commerce qui fut dépêché par son ministre pour présider cette réunion spéciale du Board convoquée d’urgence pour approuver le contrat Betamax. Il est donc évident qu’il y avait une volonté inébranlable d’aboutir», soutient-il. À l’époque, en 2008-2009, le State Law Office avait émis des réserves sur le contrat initial de l’affrètement (surtout au niveau du financement, de la construction du navire Red Eagle, et de la garantie donnée par le gouvernement). Par la suite, la STC a été exemptée de la loi sur les marchés publics et le contrat a été modifié, rejeté, analysé par BDO-DCDM et finalement signé sans les modifications.

 

Le Centre d’arbitrage mauricien pas fragilisé par l’affaire BETAMAX

Avec l’affaire Betamax, une question se pose : le centre d’arbitrage mauricien serat-il fragilisé ? La question est pertinente car le Judicial Committee du Privy Council égratigne la Cour suprême pour avoir révisé l’Award du Centre d’arbitrage de Singapour.

Mushtaq Namdarkhan, Partner chez BLC Robert & AssociatesMushtaq Namdarkhan, Partner chez BLC Robert & Associates au sein du département de Disputes Resolution, a sa propre lecture des différents jugements rendus dans l’affaire Betamax. Selon lui, celle-ci n’affecte en rien le Centre d’arbitrage International mauricien, qui demeure «en très bonne santé». Il faut savoir qu’un client non satisfait peut avoir recours à d’autres cours de justice et instances de résolution de litige. D’après The rule of law dans l’arbitrage international, explique Mushtaq Namdarkhan, à travers un arbitre, on peut obtenir un Arbitral award. Rien n’empêche ensuite d’avoir recours à la Cour suprême pour une autre interprétation d’une affaire. Et, bien entendu, le Privy Council est le dernier recours.

 

 

 

*Le Red Eagle se chargeait de l’approvisionnement des produits pétroliers avant la résiliation du contrat de BETAMAX

Tags: