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Aucune illégalité dans le contrat avec BETAMA

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CADER SAYED-HOSSEN (Ancien Ministre du Commerce)

Pendant les cinq ans d’opération de BETAMAX, le coût du transport pétrolier était inférieur à celui d’avant cette période, fait remarquer Cader Sayed-Hossen.

En tant qu’ancien ministre du Commerce, pouvez-vous revenir sur la genèse du contrat liant la STC et Betamax sur l’approvisionnement des produits pétroliers en 2009 ?

À ma connaissance, il faut remonter plus loin dans le temps, vers 2004-2005. À cette époque, Maurice avait besoin de se fournir en sept produits pétroliers différents et avant Betamax, c’étaient d’autres pétroliers de différentes tailles qui se chargeaient du transport. Après les législatives de 2005, le Premier ministre d’alors, Navin Ramgoolam, a entamé des négociations avec son homologue indien, Manmohan Singh, dans le but d’assurer une fourniture constante de produits pétroliers à un prix correct. Je précise que c’étaient des négociations d’État à État qui ont ensuite débouché sur un accord entre la State Trading Corporation (STC) et Mangalore Refinery Petrochemicals.

Comment le choix s’est-il porté sur Mangalore et Betamax ?

Tout simplement parce que c’était le seul port pétrolier de l’océan Indien qui pouvait approvisionner les navires en tous types de produits pétroliers ! En effet, par rapport à d’autres ports pétroliers de la région, Mangalore avait cet avantage de pouvoir fournir un approvisionnement constant en différents produits pétroliers, et ce, en un seul mouvement aller-retour. Qui plus est, le fait de négocier avec l’Inde semblait être un autre avantage vu les relations qui existent entre nos deux pays.

Il y avait également un souci majeur avec plusieurs cas de contamination liés au transport des différents produits pétroliers requis par Maurice. Souvent, les soutes des navires n’étaient pas correctement nettoyées et l’on se retrouvait avec du diesel mélangé avec de l’huile de palme. C’est dans cette optique que le gouvernement travailliste avait décidé d’avoir un navire uniquement dédié pour Maurice. Dans le sillage de cette décision, le ministère des Infrastructures publiques a lancé un Call for Interest et cinq sociétés ont répondu à l’appel. Après un processus de réflexion, uniquement une seule entreprise est venue de l’avant avec une proposition et c’était la société de Vikram Bhunjun. D’ailleurs, je me souviens que Showkutally Soodhun (ministre du Commerce d’alors) avait expliqué ces mêmes circonstances à l’Assemblée nationale en 2010-2011 en réponse à une question de Paul Bérenger.

Betamax, fraîchement formée, propose alors au gouvernement un navire custom-made pour Maurice de 70 000 tonnes avec 14 soutes. Avec sept produits pétroliers différents, le Red Eagle pouvait alors transporter les produits dans deux soutes différentes (un navire moyen possède quatre à six soutes) et c’était aussi les spécifications exigées par le gouvernement pour éviter toute contamination.

Le contrat entre la STC et Betamax a été signé sur une période de 15 ans. Pourquoi cela ?

Ce sont là les réalités pratiques du marché des affaires ! Avec un investissement initial de Rs 5 milliards à Rs 8 milliards, et un navire construit spécifiquement pour Maurice, vous imaginez bien que Betamax n’allait pas se contenter d’un contrat de deux à trois ans pour son retour sur investissement ? Cela ne serait absolument pas rentable pour une entreprise évoluant dans ce secteur

 

Ce contrat n’a pas été rendu public, bien que la STC soit un organisme public, parce que Betamax est une entreprise privée. Aussi longtemps qu’il n’y a pas de législation, un Freedom of Transparency Act par exemple, pour rendre publics tous types de contrats passés avec le gouvernement, une entreprise privée aura le droit de ne pas divulguer ce genre d’information.

Dans ce contrat, il y avait aussi des clauses de résiliation très claires qui n’ont pas été respectées par la résiliation unilatérale effectuée par le gouvernement MSM.

<<Une seule entreprise avait répondu à l’appel d’offres>>

À l’époque, le State Law Office avait émis des réserves sur le contrat initial d’affrètement, surtout au niveau du financement, de la construction du navire, et de la garantie donnée par le gouvernement. Pourquoi ?

Autant que je m’en souvienne, le gouvernement n’avait donné aucune garantie, mais uniquement des spécifications. Oui, le Parquet a fait des commentaires, mais dans mes souvenirs, il n’a jamais dit qu’il n’était pas d’accord avec ce projet. Outre une certaine exigence pour les conseils légaux, il fallait aussi jongler avec la décision politique d’assurer une fourniture en produits pétroliers sans faille, à un prix correct.

 

Entre le moment où Betamax a débuté le transport et la fin, en 2014, je vous assure une chose : le coût du transport pétrolier était inférieur à celui d’avant. Les questions qu’il faut poser sont les suivantes : est-ce que Betamax a réussi à nous fournir de manière régulière ? Oui. Est-ce que le coût était inférieur ? Oui. Avons-nous eu des ruptures de stock ? Non.

Concernant la critique selon laquelle le contrat a été octroyé à un proche du gouvernement, je répondrais que Maurice est un petit pays et que tout le monde connaît tout le monde.

Comment expliquez-vous la décision du gouvernement fraîchement élu de résilier ce contrat en prétextant son illégalité ?

C’est de la pure vengeance politique ! Une fois au pouvoir, ils ont voulu défaire tous les projets accomplis par Navin Ramgoolam et les deux entreprises qui en ont souffert le plus sont la BAI et Betamax. Dans le cas de Betamax, le Privy Council est venu démontrer qu’il n’y avait rien d’illégal dans ce contrat. Certes, il y avait peut-être d’autres alternatives et le contrat n’était peut-être pas moral, mais le Tribunal d’arbitrage de Singapour et le Privy Council ont statué qu’il n’y avait aucune illégalité dans ce contrat.

Comment la STC fera-t-elle pour payer ces Rs 5,7 milliards ?

Depuis 2015, la STC a systématiquement transféré ses surplus au Consolidated Fund et le dernier Budget a également puisé des fonds de la STC pour le financement de projets. J’estime que la STC n’a pas de fonds de réserve actuellement. Je pense que ce gouvernement va une nouvelle fois faire déprécier la roupie pour augmenter ses revenus en devises étrangères. Quant à la manière de payer, je crois que le gouvernement va devoir se mettre à table avec Betamax très vite pour trouver une solution.

Vu que ce n’étaient ni une erreur de bonne foi ni une décision raisonnée de la part de ce gouvernement, je suis d’avis qu’il est grand temps d’avoir une législation de responsabilité collective qui permet d’engager les décideurs politiques au niveau judiciaire

C’est de la pure vengeance politique ! Une fois au pouvoir, ils ont voulu défaire tous les projets accomplis par Navin Ramgoolam et les deux entreprises qui en ont souffert le plus sont la BAI et Betamax. Dans le cas de Betamax, le Privy Council est venu démontrer qu’il n’y avait rien d’illégal dans ce contrat. Certes, il y avait peut-être d’autres alternatives et le contrat n’était peut-être pas moral, mais le Tribunal d’arbitrage de Singapour et le Privy Council ont statué qu’il n’y avait aucune illégalité dans ce contrat. Comment la STC fera-t-elle pour payer ces Rs 5,7 milliards ? Depuis 2015, la STC a systématiquement transféré ses surplus au Consolidated Fund et le dernier Budget a également puisé des fonds de la STC pour le financement de projets. J’estime que la STC n’a pas de fonds de réserve actuellement. Je pense que ce gouvernement va une nouvelle fois faire déprécier la roupie pour augmenter ses revenus en devises étrangères. Quant à la manière de payer, je crois que le gouvernement va devoir se mettre à table avec Betamax très vite pour trouver une solution. Vu que ce n’étaient ni une erreur de bonne foi ni une décision raisonnée de la part de ce gouvernement, je suis d’avis qu’il est grand temps d’avoir une législation de responsabilité collective qui permet d’engager les décideurs politiques au niveau judiciaire.

La STC peut-elle encore se permettre d’accorder des subsides sur des produits de base ?

La STC ne peut pas se permettre de faire différemment. Les subsides sur la farine, le gaz ménager et le riz n’ont rien à voir avec cette amende à payer. Vu que la STC continue à prendre des prélèvements importants sur l’essence et le diesel pour subventionner ces produits de base, cela est désormais une obligation morale institutionnalisée, car elle puise de la poche du consommateur.

Doit-on s’attendre à ce que la STC passe ce lourd fardeau financier aux consommateurs ?

Hélas, je crois que cela va venir. Si ce n’est pas la STC qui paye, le ministère des Finances va lui avancer l’argent nécessaire. Au cours des prochaines années, la STC va ponctionner de l’argent des consommateurs.

 

 

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