Crise démographique – Faire des seniors un atout de productivité

La baisse de natalité conjuguée à une meilleure espérance de vie débouchera invariablement sur une crise démographique. Avec une main-dœuvre se rétrécissant comme une peau de chagrin, la logique veut que si l’on veut réaliser une croissance moyenne, allons dire de 4 %, il faudra que chaque Mauricien en âge de travailler soit plus productif. 

Dans un récent rapport intitulé Ageing workforce challenges and opportunities for the Republic of Mauritius, le National Productivity and Competitiveness Council (NPCC) revient sur ces nouveaux enjeux pour l’économie mauricienne dans un proche avenir. 

Selon les prévisions du rapport, Maurice aura le statut d’une société hyper-âgée d’ici à 2056 avec une personne sur trois qui aura 60 ans ou plus. 

Selon le rapport de la NPCC, on peut y voir deux face au vieillissement de la main-d’œuvre. D’une part, étant donné la faible participation à la recherche et à l’innovation à Maurice (et à Rodrigues), une main-d’œuvre vieillissante peut être problématique car moins de personnes qui sont en âge de travailler et de nombreux travailleurs possédant des «old skills» seront incapables de mener l’économie vers un avenir prospère. D’un autre côté, une main-d’œuvre vieillissante peut représenter une opportunité pour repenser les visions et les stratégies de productivité et de performance, introduire de nouvelles technologies, fournir un espace pour l’élaboration de politiques transversales, ainsi que déclencher une nouvelle dynami-que sociale grâce à une solidarité intergénérationnelle efficace et une culture de soutien. 

S’il est clair que la productivité et le succès économique de Maurice seront de plus en plus liés à ceux des travailleurs âgés, il est également un fait que les réserves de capital humain inexploité devront être étudiées, telles que les femmes, les jeunes chômeurs et les personnes âgées. En effet, pour aider à soutenir la partie dépendante de la population, la taille du pool de main-d’œuvre devra augmenter, ce qui comprendra des politiques pour permettre et encourager les gens à travailler plus longtemps. Cela signifie également que des ressources adéquates – financières et autres – pour vivre activement et en bonne santé à un âge avancé seront nécessaires. 

Généralement, les réactions sur le phénomène du vieillissement ont tendance à graviter autour de préoccupations comme la manière dont les plans de retraite seront affectés, la façon dont l’augmentation du nombre de problèmes de santé chroniques à long terme exercera une pression sur les services de santé, le prolongement de la vie professionnelle des travailleurs et la problématique de la croissance avec une baisse supposée de la productivité. Ainsi, le vieillissement de la main-d’œuvre présente un ensemble de défis – et d’opportunités – connexes mais significativement distincts. Quant aux employeurs, ils sont appelés à jouer un rôle clé dans l’adaptation de l’environnement de travail non seulement pour éliminer les obstacles à une activité professionnelle plus longue, mais aussi pour promouvoir l’apprentissage et l’adaptation aux nouvelles méthodes et technologies.

«Lorsque le chômage est élevé, comme c’est le cas à Maurice, on a souvent tendance à considérer la réduction du nombre de travailleurs âgés comme un moyen de créer des emplois pour les jeunes. Cependant, l’expérience a montré que le recours à la retraite anticipée pour libérer de nouveaux emplois pour les chômeurs n’a pas été une solution efficace. En outre, la perception selon laquelle l’extension de la vie professionnelle des travailleurs âgés ne devrait pas être soutenue afin de créer des emplois pour les jeunes est liée à une vision de l’existence d’une offre fixe d’emplois disponibles», souligne le rapport.

Une relation complexe

Il est reconnu depuis longtemps que la producti-vité est la clé de la croissance économique à long terme. Une main-d’œuvre vieillissante soulève des inquiétudes quant à la productivité au niveau individuel, de l’entreprise et d’un point de vue macroécono-mique. La question politique centrale est de savoir comment faire face à une main-d’œuvre vieillissante. Cela soulève des questions comme la façon dont les organisations investissent dans les travailleurs âgés afin d’augmenter la productivité à des âges plus élevés. Ou encore comment les organisations visent à rééquilibrer les salaires et la productivité en encourageant la retraite anticipée ou en licenciant des travailleurs âgés. La plupart des études n’ont pas réussi à établir un lien définitif entre l’âge et la productivité pour un certain nombre de raisons, étant donné que cette relation est complexe et multidimensionnelle et peut également évoluer avec le temps. 

Ainsi, trois types de sociétés en fonction de la proportion de personnes âgées peuvent être identifiés : une société vieillissante, dans laquelle 7 % à 14 % de la population ont 65 ans ou plus ; une société âgée dans laquelle 14 % à 21 % de la population ont 65 ans ou plus et une société hyper-âgée comme le Japon actuellement – dans laquelle 21 % ou plus de la population a 65 ans ou plus. 

Selon cette classification, on estime que Maurice sera une société hyper-âgée au cours des deux prochaines décennies. 

Face au vieillissement de la population, la productivité et la réussite économique de Maurice seront de plus en plus liées à celles des travailleurs âgés. La promotion des opportunités d’emploi pour une main-d’œuvre vieillissante nécessite une nouvelle réfle-xion au niveau organisationnel, sectoriel et national. Ce qui fait que toute future stratégie à moyen ou long terme en matière de gestion de la main-d’œuvre mauricienne devra tenir compte des enjeux pertinents du vieillissement ainsi que des tendances de la population mauricienne. 

La majeure partie de la population active sera, dans moins de dix ans, à la retraite ou à la retraite progressive. Compte tenu de la baisse des taux de fécondité au cours des 15 dernières années, il peut être avancé que le développement économique de Maurice dépendra d’une population plus âgée, plutôt que jeune, au moins au cours des prochaines décennies. 

Comme le fait ressortir le rapport, le vieillissement de la population s’est produit à différentes époques dans différents pays, certains étant déjà confrontés à des changements démographiques importants et d’autres, comme Maurice, commençant à peine à ressentir la nécessité d’une transition harmonieuse et efficace. Il peut être utile de voir certains pays affronter les problèmes et d’examiner certaines mesures politiques dans le processus d’identification des problèmes politiques auxquels nous à Maurice et Rodrigues seront confrontés à mesure que notre main-d’œuvre vieillit de plus en plus.

Il est recommandé de mettre en place un organisme ou un ministère dédié pour agir non seulement en tant que groupe de réflexion, mais aussi pour initier et défendre des politiques et des stratégies axées sur toutes les questions liées au vieillissement de la population et de la main-d’œuvre, créant ainsi une «pro-ageing culture » et créant une barrière contre tout risque d’âgisme dans la société. Une telle entité élaborerait des sous-stratégies pour assurer l’interdépendance des actions liées au vieillissement de la population. 

Bien qu’il y ait eu quelques initiatives pour promouvoir une mentalité pro-vieillissement, il n’y a actuellement aucune orientation ou vision stratégique ni une compréhension commune des questions interconnectées. Selon le rapport, le seul moment où le ‘vieillissement’ est perçu comme un problème est lors du débat budgétaire, avec la question de savoir combien coûteront les retraites. Le citoyen ordinaire ne comprend pas le concept ni les implications, et il n’existe pas non plus de culture nationale de respect et de sensibilité au vieillissement en tant que phénomène naturel, avec un grand nombre de personnes vieillissantes vivant en mauvaise santé et dans des conditions souvent indignes du fait d’être sans travail, socialement isolé et/ou sous-évalué et non respecté.

Le rapport préconise aussi l’élaboration de politiques à l’intention des gestionnaires des ressources humaines pour préparer et prendre en charge les travailleurs âgés et vieillissants. La création d’une agence nationale unique pour offrir des possibilités d’emploi et de placement, offrir des conseils de préretraite et de planification financière et de réadaptation professionnelle, et tenir une base de données sur les compétences des personnes âgées et les compétences requises par les organisations est aussi recommandé. 

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Dynamique changeante du monde du travail

Les progrès économique et social sont étroitement liés. Un programme de vieillissement devrait faire partie des efforts plus larges visant à construire un modèle de croissance inclusif et durable pour le pays. Pour y parvenir, nous devons améliorer notre position mondiale et faire de Maurice un pays de choix non seulement pour les investissements et le tourisme, mais aussi un lieu privilégié pour vivre et favoriser la cohésion sociale. 

Selon le rapport du NPCC, face à une pénurie imminente de main-d’œuvre, tant en nombre qu’en compétences et en talents, nous devons envisager une stratégie à long terme pour faire face à la dynamique changeante du marché du travail. Dans une telle stratégie, les tâches les plus importantes sont : l’augmentation du taux d’activité et la réduction de la proportion de main-d’œuvre inactive ; l’augmentation de la productivité et de l’innovation ; l’amélioration des conditions et de l’environnement de travail ; l’intégration d’une politique de vieillissement de la main-d’œuvre dans les réformes des soins de santé, des soins et d’autres domaines politiques. De même, il faut remédier de toute urgence aux lacunes en matière d’éducation, de formation professionnelle et de capacité de la main-d’œuvre émergente de l’avenir.