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Économie circulaire – Un nouveau cadre propice à l’essor de la filière du recycla

Désormais, toutes les activités de recyclage sont logées à la même enseigne à l’échelle locale. Voté mardi dernier, le Finance (Miscellaneous) Provisions Act 2020 catégorise le recyclage des déchets comme de la manufacture, et les entités qui s’y adonnent à des entreprises manufacturières. Cette mesure budgétaire 2020-2021 rend ainsi les organisations engagées dans la filière du recyclage éligibles aux nombreux plans fiscaux et non fiscaux auxquels les compagnies manufacturières sont assujetties, aussi bien qu’aux mêmes obligations.

Il y a urgence sur le plan de la gestion des déchets. Tout le monde en est conscient, d’autant plus le gouvernement y consacre Rs 1,2 milliard en moyenne annuellement. À l’heure où l’économie mauricienne évolue dans une spirale incertaine à l’échelle mondiale, l’instauration d’une économie circulaire et d’une culture d’innovation constitue une panacée pour endiguer les coûts de l’impact écologique du système actuel de gestion de déchets. Les acteurs économiques, la société civile, ainsi qu’une parcelle grandissante de milléniaux demandent un changement de paradigme. Sortir d’une économie linéaire à une économie circulaire… plus vertueuse, plus économique, plus alignée sur les impératifs courants pour réduire l’empreinte des activités humaines sur les ressources de la planète et le climat.

De multiples initiatives de réduction, de réutilisation, de recyclage et de valorisation des déchets, tout autant que d’écoconception de biens et de services, existent à l’échelle locale. À fin décembre 2019, 36 entreprises étaient officiellement enregistrées dans la filière du recyclage, d’après les données compilées par le ministère de l’Environnement, de la gestion des déchets et du changement climatique. De ce nombre, dix entreprises seulement s’attellent au traitement des déchets récupérés localement, les utilisant comme des matières premières pour créer de nouveaux biens et services. Les autres entreprises engagées dans la filière s’activent principalement à traiter les déchets (nettoyer, trier, compacter) dans l’optique de les exporter vers des marchés qui les utiliseront comme des intrants dans leurs processus de production.

La raison principale demeure, comme le confie Ludovic Henry, fondateur et directeur de WeCycle, la masse critique de déchets collectés et triés pour rentabiliser la filière. Et permettre ainsi l’investissement dans l’acquisition d’équipements, l’installation de chaînes de production, dans la création d’emplois verts, et dans le renforcement de capacités pour assurer un circuit de recyclage qui soit complet. L’émergence d’une filière de recyclage de plus en plus économiquement viable est cependant primordiale pour la transition écologique du pays vers une économie plus durable. C’est la raison pour laquelle le gouvernement confère à toutes les organisations engagées dans des activités de recyclage le statut de ‘manufacturing companies’.

Un atout de compétitivité

Si pour les structures existantes et pleinement intégrées dans cette filière, cette décision ne change visiblement rien de significatif dans leurs attributions et obligations – étant déjà considérées comme des entreprises manufacturières et exportatrices, pour la plupart –, elle se présente comme une aubaine pour les ONG, petites structures et organisations à but non lucratif qui sont actives dans cette filière ou qui sont intéressées à rejoindre ce domaine d’activités, souligne Mickaël Apaya, Head of Sustainability & Inclusive Growth à Business Mauritius.

Comme l’explique Mickaël Apaya, cette décision tend vers le regroupement des opérateurs économiques et acteurs engagées dans la filière du recyclage sous la même ombrelle. Formalisant ainsi les paramètres de cette filière, tout en permettant un ciblage des parties prenantes de ce domaine pour des plans d’incitations fiscales et non fiscales. «Se voir attribuer le statut de compagnies manufacturières peut être un atout de compétitivité pour les acteurs de ce secteur, tant sur le plan de l’exportation, de l’ease of doing business, qu’en matière de facture énergétique – moins onéreuse pour les compagnies manufacturières.»

Parmi les avantages et privilèges dont les compagnies de recyclage bénéficieront en leur capacité d’entreprises manufacturières, nous dit Vandana Boolell, Lead Tax and Compliance Advisory au sein de Temple Group, figurent un ‘investment tax credit’ de 15 % sur trois années, 20 % à 30 % de marge de préférence (qu’elles soient respectivement des compagnies manufacturières locales ou des PME engagées dans la manufacture) pour les public purchases ; la double déduction sur les coûts encourus pour s’aligner aux normes internationales en matière de qualité ou encore la possibilité d’avoir un espace de rayonnage minimum de 10 % dans les supermarchés pour leurs produits.

Sortir d’une économie linéaire à une économie circulaire…

Les déchets, deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre

En 2019, le secteur énergétique s’inscrivait comme le plus gros émetteur de gaz à effet de serre, à hauteur de 74,2 %, suivi de la filière des déchets, à 23,0 %, d’après les chiffres fournis par l’édition 2019 des Environment Statistics. Les émissions nettes de gaz à effet de serre ont d’ailleurs connu une hausse l’année dernière, passant de 5 248 tonnes à 5 416 tonnes d’équivalent dioxyde de carbone. Au niveau de la gestion des déchets, le volume est en baisse. Pour 2019, la quantité de déchets enfouis à Mare Chicose pesait 537 147 tonnes, comparativement à 543 197 tonnes l’année précédente.

Les plans d’incitations fiscales et non fiscales en voie d’être étoffés ?

Les plans d’incitations fiscales et non fiscales existantes, dont les entreprises de recyclage peuvent bénéficier en tant que compagnies manufacturières, sont-ils en voie d’être étoffés ? En tout cas, WeCycle, nous dit son fondateur et CEO, Ludovic Henry, bénéficie d’une exemption des frais portuaires (frais de chargement et de manutention) depuis le mois de juillet, et ce jusqu’en décembre 2020. Une décision salutaire car ces frais sont conséquents sur les coûts d’opération de l’entreprise. «Ce serait bien que cette initiative soit maintenue jusqu’en juin-juillet 2021.» Depuis une année, en sa capacité d’entreprise de recyclage, WeCycle est assujettie, explique notre interlocuteur, à une réduction de l’imposition fiscale sur les profits nets, qui est passée de 15 % à environ 5 %.

75 % des revenus bruts à Maurice

Selon la définition de l’Income Tax Act, une compagnie manufacturière se réfère à une compagnie dérivant au moins 75 % de ses revenus bruts dans ses activités manufacturières à Maurice.

Recyclage : du social business

«Dans de nombreux pays, les entreprises de recyclage ont un statut spécifique dans le social business», indique Mickaël Apaya. En France, par exemple, les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) peuvent bénéficier d’aides et de financements spécifiques.

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