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Klima Neutral 2050 – Les leviers à actionner pour réussir le virage climatique

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Klima Neutral 2050 - Les leviers à actionner pour réussir le virage climatique | business-magazine.mu

De gauche à droite : Arnaud Florentin, directeur associé d’Utopies et auteur du rapport “Klima Neutral 2050”, Pierre-Guy Noël, Chief Executive, MCB Group, Elisabeth Laville, directrice d’Utopies, Raoul Gufflet et Alain Law Min, respectivement Deputy Chief Executive et Chief Executive, MCB Ltd.


Trezième. C’est le rang qu’occupe Maurice dans le World Risk Report. Pour cause, notre île fait partie des 15 pays les plus vulnérables face au changement climatique. Mais pour la fondatrice d’Utopies, Elisabeth Laville, il est encore temps d’agir. S’appuyant sur la Bloomberg Carbon Clock, qui enregistre les émissions de CO2 à travers le monde, à l’instar de nombreux scientifiques, le changement climatique est pour elle une course contre la montre. «Le seuil fixé par les scientifiques à ne pas dépasser est de 450 ppm et à l’heure actuelle, nous approchons à grande vitesse la barre des 420 ppm», avertit-elle, l’unité de mesure ‘ppm’ correspondant au taux de pollution chimique par volume d’eau contaminé. Dans un souci de comprendre, d’informer et d’agir face à cette problématique, le groupe MCB a commandé au cabinet Utopies une analyse poussée à l’échelle de Maurice. PierreGuy Noël, Group CEO de la MCB, explique d’ailleurs la démarche du groupe : «Nous cherchons à conscientiser aussi bien les acteurs économiques que les jeunes. In fine, le changement climatique est l’affaire de tout un chacun». L’étude Klima Neutral 2050, dit-il, vise à encourager des initiatives aussi bien collectives qu’individuelles. Le 5 février dernier, les principaux acteurs économiques de Maurice se sont réunis pour le lancement de ce rapport dont l’objectif est d’avoir une vision des leviers à actionner pour atteindre la neutralité carbone à l’échelle du territoire mauricien, et relever ainsi le défi de la crise climatique. «Le secteur privé a un rôle fondamental à jouer, car seule une action concertée soutiendra le mouvement vers la neutralité et propulsera Maurice vers un horizon sûr et durable», affirme Pierre-Guy Noël. Arnaud Florentin, économiste et Directeur Associé d’Utopies, explique que tendre vers la neutralité carbone implique plus concrètement les actions visant à réduire les émissions de CO2 liées aux activités humaines. Pour arriver à cet objectif, une stratégie à long terme est élaborée avec des indications sur le potentiel économique pour Maurice. Car Arnaud Florentin et Elisabeth Laville sont d’avis que l’île a le potentiel de devenir une économie verte et inclusive. Cependant, pour le directeur associé, deux types d’actions peuvent être pris, à court et à long termes. Elisabeth Laville revient, elle, sur la neutralité carbone : «L’île émet 3,46 tonnes de CO2 par habitant. L’objectif est de diviser par 2,8 ce chiffre pour que Maurice ait un impact concret dans cette course contre le changement climatique».

LE

TROIS GRANDS DÉFIS

Pour atteindre cet objectif, Maurice doit relever trois grands défis : réduire l’intensité énergétique, décarboner l’énergie et développer des «puits carbone».

Maurice a fort à faire quant à la réduction de l’intensité énergétique, car 62 % des CO2 émis par l’île proviennent de l’industrie énergétique. Khalil Elahee, expert en matière énergétique à l’Université de Maurice, note que le chemin est long afin de pouvoir abaisser ce pourcentage. Il est rejoint par le président de l’AHRIM, JeanMichel Pitot, qui reconnaît que le secteur hôtelier a un grand rôle à jouer dans cette transition vers une énergie verte. Cependant, il s’empresse d’ajouter qu’un certain nombre d’hôtels utilisent ou envisager d’utiliser des panneaux solaires pour l’alimentation électrique. Cela n’est néanmoins pas suffisant, le rapport Klima Neutral 2050 indiquant qu’afin d’avoir un réel impact, Maurice doit réduire par deux l’intensité énergétique à l’horizon 2050.

Le rapport propose de ce fait la réduction de la consommation d’électricité et de produits fossiles de 25 %. L’étude préconise également la mise en place d’une économie circulaire contribuant à hauteur de 75 % dans tous les secteurs industriels et manufacturés, ainsi qu’une réduction importante du transport international découlant essentiellement de l’importation et l’exportation. Pour atteindre ces objectifs, Elisabeth Laville donne quelques pistes : «Maurice pourrait baser son économie sur un modèle décentralisé ou distribué plutôt que centralisé. Ce qui veut dire que l’île pourrait davantage favoriser les filières locales, ce qui diminuerait l’empreinte carbone émise par les transports. Par un lien de cause à effet, cela favorisera aussi une synergie qui faciliterait grandement sa stratégie régionale».

Quant à décarboner l’énergie, cela signifie trouver des sources d’énergie qui émettent le moins de CO2 possible. Pour cela, le rapport préconise que Maurice se tourne davantage vers les énergies renouvelables (éolien, solaire, géothermie, hydro-électricité et biomasse) dans lesquelles il est considérablement avantagé. Jacqueline Sauzier avance à cet effet que la canne à sucre, notamment à l’aide de la biomasse, peut représenter une alternative viable, ajoutant que cela soutiendra les maux du secteur sucrier. Toutefois, le rapport souligne que ce secteur émet un taux élevé de CO2 et que sur le long terme, il faudrait une autre alternative. Elisabeth Laville s’est dit attristée de voir que dans l’île les énergies renouvelables contribuent à seulement à 13 % de la production d’électricité, dont 88 % sont liées à la biomasse et la bagasse. De plus, le potentiel de Maurice à exploiter l’énergie solaire ou encore marémotrice est très fort !.

L’ultime enjeu que met en avant le rapport a trait au développement de «puits carbone», soit capturer le CO2 émis par l’homme au moyen des nouvelles technologies ou encore des ressources naturelles. Le premier cas comprend la fabrication de machines novatrices capables de capter le CO2 dans le but de le confiner ou de le traiter. Le second, quant à lui, consiste à s’appuyer sur la faune du pays. Selon Arnaud Florentin, Maurice pourrait aisément s’appuyer sur son environnement, car il est riche en capteur carbone naturel. «Lors de mes visites, j’ai constaté la présence de mangrove sur les côtes, ainsi que de nombreuses algues dans les lagons peu fréquentés. Maurice peut s’appuyer sur des plantations entières de mangrove, car elle absorbe naturellement le CO2 tout en favorisant l’alimentation de l’écosystème marin, dont les poissons et crustacés», explique-t-il. Cela ne manque pas de faire réagir Keyla Kauppaymuthoo et Sonakshi Deerpalsing du mouvement Fridays For Future Maurice, qui pointent du doigt le fait que 75 % des coraux à Maurice sont morts et que les actions à court terme doivent être enclenchées au plus vite.

Il est encore temps d’agir mais il s’agit de ne pas trop tarder !