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L’île Maurice, bientôt une vraie île vanille ?

Alors que le ministère de l’Agro-industrie, par le biais du FAREI,(Food and Agricultural Research and Extension Insitute) projette d’encourager la relance de la production de vanille dans l’île, l’Economic Development Board (EDB) a lancé en mars 2018 le Food Processing Development Certificate pour faciliter l’apport de valeur ajoutée à plusieurs produits, dont la vanille importée. La vanille représente à ce jour un énorme potentiel pour le marché d’exportation mauricien. En 2017, Maurice avait exporté l’équivalent de Rs 1,8 milliard de gousses de vanille. Ce qui l’a d’emblée propulsé dans le Top 15 des produits d’exportation du pays par la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’île Maurice.

Les États-Unis étaient le principal exportateur (80 % des exportations totales) de gousses de vanille en 2017, les autres principaux marchés étant la France et le Danemark. En dix ans, le produit agricole est sorti de la 99e place des produits exportés aux États-Unis pour une valeur de Rs 100 000, à la deuxième place des produits exportés en 2017 pour 1,4 milliard.

Bien que Maurice soit l’une des six îles de ce regroupement, la vanille, prisée dans l’industrie de la pâtisserie et de la confiserie, est presque inexistante dans son paysage agricole. Parmi les rares producteurs domestiques de gousses de vanille figurent le Domaine de Saint Aubin, le Domaine de Labourdonnais ou encore le Jardin des épices et de la vanille.

À raison de 350 kilos de gousses de vanille produites chaque année pour environ Rs 1 million de chiffre d’affaires, Selva Dassen Chinan perpétue la tradition paternelle. «Mon papa cultivait de la vanille. L’engouement m’a rattrapé il y a 10 ans. Nous récoltons 350 kilos de gousses de vanille annuellement, mais il arrive, quand le climat est clément, que nous puissions obtenir une production allant jusqu’à 390 kilos», relate Selva Dassen Chinan. Dépendant des conditions climatiques, de la saison et de la demande, cette activité peut se révéler profitable ou non pour Jardin des épices et de la vanille. «La production de gousses de vanille était plus importante à Maurice dans le passé. La problématique de la main-d’œuvre dans le secteur agricole ainsi que l’impact du changement climatique sur l’agriculture nuisent à la rentabilité de cette filière et ont découragé beaucoup d’agriculteurs à poursuivre dans cette voie. Si la culture de vanille n’était pas une activité annexe de notre portefeuille de production agricole, nous aurions nous-mêmes arrêté cette activité depuis longtemps», ajoute Selva Dassen Chinan.

LES GOUSSES DE VANILLE RÉEXPORTÉES

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D’ailleurs, les gousses de vanille en provenance de l’île Maurice qui connaissent le succès actuellement ne sont pas produites localement. Importées de Madagascar, elles sont conservées et ensuite emballées localement avant d’être exportées, notamment, vers les États-Unis.

Les crises qui secouent la production de vanille à Madagascar, constate un observateur local du secteur agricole, nuisent à la qualité de son arôme. En cause : la sous-production, la récolte précoce de la vanille verte, l’instabilité du prix d’une année à l’autre. Bien que des mesures, notamment, de traçabilité de la production de gousses de vanille aient été annoncées par le gouvernement malgache – la sauvegarde du pilier économique malgache oblige – le contexte malgache présente des opportunités pour le marché mauricien. La réexportation de gousses de vanille est depuis 2015 une activité fructueuse à Maurice.

Le FAREI, unité de recherches et de services du ministère de l’Agro-industrie, envisage, de son côté, de redonner à ce produit agricole destiné à un marché niche ses lettres de noblesse auprès des agriculteurs locaux. Lors de la présentation du Budget 2017-2018, le lancement d’un Food Processing Development Certificate avait été annoncé. Son but ? Promouvoir l’importation de produits agroalimentaires comme le maïs, la vanille, le cacao, le coco, ainsi que les plantes médicinales, incluant le raffinage de sucre brut, afin que ses matières premières soient utilisées pour des processus de traitement et réexportées.

Mi-2018, l’EDB a procédé dans ce sillage à l’introduction d’un Registration Certificate (Food Processing). Élargie, la vocation de ce certificat s’insérait dans l’idée de promouvoir toute la chaîne de valeur de la production agricole à travers l’exploitation et l’importation de divers produits appelés à servir de matières premières à transformer en produits intermédiaires et finis, et pour encourager les activités de réexportation.

Une bonne nouvelle donc pour Selva Dassen Chinan, qui se désole que des importateurs mauriciens de gousses de vanille font passer le produit agricole comme local, et qu’il n’y ait ni contrôle ni plan de support national pour la production de vanille à Maurice. La production de gousses de vanille se déroule non seulement sur une base artisanale mais la récolte n’est possible que tous les quatre ans. Pas évident si l’on dépend des revenus qu’engendra la commercialisation de cette production pour le remboursement des emprunts bancaires. L’exportation pourrait se révéler porteuse pour cette activité agricole, mais pour l’heure nous n’avons que de petites commandes, ce qui explique que cette perspective n’est pas rentable pour nous à l’heure actuelle.

Un élément commun aux îles du sud-ouest de l’océan Indien

Fruit d’orchidée originaire du Mexique, la vanille est historiquement rattachée au bassin sud-ouest de l’océan Indien. C’est en 1841 qu’un esclave réunionnais répondant au nom d’Edmond Albius réussit à trouver un procédé naturel pour la pollinisation de cette liane, qui s’était jusqu’alors soldée par des échecs successifs, faisant de La Réunion dès le 19e siècle un des pivots mondiaux pour la culture de vanille. Ce sont les Réunionnais qui introduiront, une quarantaine d’années après la découverte d’Edmond Albius, la vanille à Madagascar, faisant de la Grande Ile au cours des 20e et 21e siècles le plus gros producteur de gousses de vanille au monde. Elément naturel, gastronomique et touristique commun aux îles du sudouest de l’océan Indien, le concept d’Iles Vanille sert d’ailleurs de base pour la promotion à l’international de leurs destinations, fait valoir l’association en charge de la promotion.

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