L’inflation mondiale et les faibles prévisions de croissance impactent les marchés financiers. Et les marchés émergents, notamment les brics, ne sont pas épargnés. Une conjoncture qui refroidit les ardeurs des investisseurs.
LES BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et l’Afrique du Sud) subissent les contrecoups de la crise et de la guerre en Ukraine. Jusqu’ici, leurs marchés boursiers peinent à se remettre de ces crises successives. Le confinement en Chine et le conflit russo-ukrainien ont pesé lourd dans la balance
Ce ralentissement des marchés financiers des BRICS se reflète dans l’indice MSCI BRIC qui, depuis le début de l’année, a enregistré une performance négative de -17,76%. De même, le MSCI Emerging Markets, qui est grandement tiré par la performance des BRICS, a dégringolé de -19 % pendant cette même période.
Pour ne rien arranger à la situation, la stratégie de politique monétaire des États-Unis met une pression énorme sur les marchés financiers. En procédant à une série de hausses de leurs taux directeurs, les Américains poussent les pays des BRICS à revoir chacun leur politique monétaire. C’est ainsi que la Banque centrale indienne a augmenté son taux directeur de 50 points de base le 7 juin.
Inflation : un contexte délicat
Une réalité économique qui pèse sur le comportement des investisseurs. Car, plus de la moitié des BRICS sont dans un cycle d’inflation galopante. Alors que le Brésil enregistre une inflation de 11,73 % en mai, l’inflation en Russie s’élève à 14,5 % pour la même période.
Au passage, Alexandre Sanchini rappelle que nous avons eu droit à un des pires semestres de l’histoire boursière, et même les seuls secteurs qui étaient largement en hausse, les matières premières, sont aujourd’hui en forte baisse. L’inflation est sévère dans beaucoup de pays. Elle touche principalement les consommateurs qui voient leur pouvoir d’achat s’éroder, ce qui se combine parfois avec une baisse de la devise et des conséquences économiques et sociales fâcheuses.
La situation peut être meilleure pour certains pays émergents gros exportateurs de matières premières, comme le Brésil. Du point de vue boursier, le Bovespa est en baisse de -4% depuis le début de l’année, à quoi il faut rajouter encore -4 % de baisse du réal contre le dollar.
Récession mondiale: un scénario plausible ?
Le Head of Research and Portfolio Management – International d’Ekada Capital ramène au-devant de la scène le débat sur la double problématique de l’inflation et de la croissance. Ainsi, Cédric Béguier entrevoit difficilement le bout du tunnel pour les plateformes boursières des pays émergents. Pire, il craint éventuellement un scénario de récession qui plombera les marchés. Il explique que les investisseurs regardent toujours ce qu’il peut se passer à l’avenir et pas ce qui a déjà eu lieu. Même s’il devait y avoir une baisse de l’inflation sur le reste de l’année 2022, la Banque mondiale voit déjà une décélération de l’activité économique mondiale, qui devrait retomber à 2,9 % en 2022. Et cela, alors qu’il était prévu à 4,1 % en début d’année. Pour l’Asie de l’Est et le Pacifique, la croissance devrait ralentir à 4,4 % en 2022, soit une baisse de -0,7% par rapport aux prévisions de janvier. La plus grosse révision étant pour l’Europe et l’Asie centrale, où l’économie de la région devrait se contracter de 2,9 % cette année. S’ajoutent à ces révisions, les taux d’inflation élevés dans certains pays émergents: 78,5 % sur un an en juin pour la Turquie, 60 % en Argentine et 167 % au Venezuela. Alors qu’aux États-Unis, l’inflation est la plus haute depuis 1990. Sur la base de ces prévisions, Cédric Béguier fait ressortir qu’il «est difficile de voir un ‘feel good factor’ pour les investisseurs aujourd’hui. Et cela, même si une grosse partie de la composante inflationniste provient du coût des matières premières et que l’on assiste à un ajustement des tarifs. Les vraies questions à se poser sont : quelle est la durabilité des ajustements par rapport aux capacités de production ? Et, quelle est la capacité de stock par rapport à la demande en cas de récession?»
Investir ou ne pas investir ?
Mais que doivent faire les investisseurs qui placent leur argent sur ce marché ? Les analystes financiers livrent leurs avis. «Les paramètres à prendre en considération lorsque l’on investit sur les marchés émergents
sont différents des investissements traditionnels dans les pays développés», indique Alexandre Sanchini. Et de faire ressortir qu’au niveau de Blue Ship Capital, «nous avons tendance à recommander aux investisseurs mauriciens qui ont déjà une bonne partie de leur patrimoine investie à Maurice (immobilier ou en Bourse), de diversifier leurs investissements dans les marchés développés (Europe/États-Unis), Maurice étant déjà une économie émergente. Cela étant, si on veut s’exposer aux marchés émergents, nous recommandons d’avoir une approche globale à travers, soit des fonds globaux d’actions de pays émergents, soit un ETF qui réplique un indice global de pays émergents (comme le MSCI Emerging Markets Index). Choisir une approche par pays est à notre sens le meilleur moyen de se tromper», observe-t-il.
Pour sa part, Cédric Beguier fait ressortir qu’avant d’investir, il faut bien comprendre la structure économique et macroéconomique des pays. «Les marchés émergents d’aujourd’hui sont aussi très différents de ce qu’ils étaient il y a 20 ans, du moins d’un point de vue économique. En 2021, les actions émergentes ont fortement sous-performé comparativement aux actions des pays développés, notamment en raison de la baisse du marché chinois». Ainsi, il affirme que les trois plus grands risques à prendre en compte sont : le risque géopolitique, le risque de change, le risque de liquidité. Mais après cette période à forte volatilité, chez EKADA Capital, on estime qu’il y aura des opportunités à saisir au sein des pays émergents en étant prudent et sélectif. D’ailleurs, EKADA Capital offre la possibilité d’avoir un accès direct au marché indien via son fonds CIS appelé EKADA India Focus Fund qui prend en compte les aspects mentionnés.
Tout comme pour l’Afrique, investir dans les pays émergents requiert une compréhension de plusieurs facteurs. Car la notion de risque est omniprésente, comme l’explique Alexandre Sanchini. «Les risques sont assez importants dans les marchés émergents : les entreprises et économies sont plus petites, plus volatiles, peuvent avoir des taux de croissance très importants mais aussi connaître de graves crises. À cela s’ajoute la composante devise qui vient encore accroître la volatilité des investissements», souligne-t-il.
Toutefois, selon Cédric Béguier, les opportunités demeurent toujours présentes. Il livre son analyse : «Chez EKADA Capital, nous sommes d’avis que la performance de la Chine surpassera la plupart des pays développés au cours de l’année à venir grâce à l’augmentation des dépenses de consommation, à la réduction des goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement et à la suppression progressive des confinements. Le Brésil et l’Inde devraient également bénéficier des investissements massifs de nombreuses entreprises dans ces pays dans le but de réduire leur dépendance à l’égard de la Chine depuis 2019. Les seules préoccupations qui peuvent freiner les marchés des BRICS sont la force de l’USD et les prix élevés du Brent».
Éviter d’investir sur la bourse de Moscou
Avec le début de la guerre, la Russie avait fermé son marché boursier pour une durée d’un mois. À sa reprise, le 24 mars, la Bourse de Moscou a affiché une bonne dynamique. Ainsi, l’indice MOEX Russie a enregistré une performance positive de 36,12 % en USD jusqu’à la clôture du dernier vendredi 8 juillet 2022. Or, Cédric Béguier prévient que «l’agence de notation Fitch prévoyait en juillet 2022 que l’économie russe se contracterait de 12,5 % en 2022 en raison de l’impact extrêmement négatif des sanctions occidentales sur l’invasion de l’Ukraine. En outre, elle a également ajusté ses perspectives de croissance pour 2023 de 2,5% à -1,0 % en raison de l’anticipation d’une baisse considérable des exportations d’hydrocarbures par rapport à 2022»
De son côté, Alexandre Sanchini avise sur le fait que ce marché reste incertain. «La Bourse russe est en baisse de -30 % sur les six derniers mois. Elle a vécu une grande volatilité. À cela s’ajoutent les montagnes russes de la devise. C’est un marché à éviter à part pour les investisseurs très avisés»