Type to search

Actualités Enjeu

Régionalisation comment saisir les opportunités d’investissement et d’affaires en Afrique

Share
ENJEU

Le continent Africain renferme des richesses inexploitées. Or, mis à part quelques réussites individuelles, il semble que Maurice n’arrive toujours pas à définir une réelle stratégie pour conquérir ce vaste marché.

AVEC une population de plus de 1 milliard d’habitants et ses vastes étendues de terres encore vierges, l’Afrique recèle un énorme potentiel. À n’en point douter, le continent est le prochain moteur de croissance de l’économie mondiale, quoique la crise est venue quelque peu enrayer la belle dynamique, avec le marché de l’Afrique subsaharienne se contractant de -3 % en 2020.

Malgré les opportunités que l’Afrique représente pour Maurice sur le plan commercial, du business et de l’investissement, force est de constater que notre pénétration au sein de ce marché est relativement lente. Les avancées faites jusqu’ici sont faibles, à part quelques réussites individuelles. Maurice peut définitivement aspirer à être un pont vers l’Afrique, mais le continent est si vaste et complexe que ce n’est pas une stratégie africaine pensée en monobloc qui pourra être déployée, mais bien des stratégies africaines en fonction des besoins de chaque pays et des atouts que Maurice présente pour chacun d’entre eux.

Connaissant bien l’Afrique ayant notamment travaillé pour le gouvernement du Rwanda, Manisha Dookhony, Managing Partner de Rwenzori Consulting, se demande si l’on a adopté la bonne approche.

«Comme on entend beaucoup parler de la stratégie africaine de Maurice, j’imagine qu’il y a un document quelque part qui énonce cette stratégie. Mais je ne l’ai personnellement jamais vu. Peut-être est-ce un document très confidentiel ? Dans tous les cas, les idées qui ont évolué étaient que Maurice devienne une plaque tournante pour les exports vers l’Afrique à travers notre port franc, que l’on puisse exporter nos services, proposer nos connaissances, faciliter des investissements privés et mettre sur pied des projets du gouvernement. Cette stratégie se révèle-t-elle payante ? Oui pour certains, mais pas pour tous. On sait aussi qu’avec le confinement et les difficultés de voyager en Afrique, il y a eu des foires en ligne qui ont permis des percées commerciales en Afrique du Sud», fait-elle ressortir.

Également un connaisseur de l’Afrique, y ayant évolué pendant 20 ans, l’économiste Kevin Teeroovengadum est catégorique : Maurice n’a jamais eu et n’a toujours pas à ce jour de stratégie africaine. Il précise que nous avons perdu plus que 15 ans à parler de l’Afrique, mais les autorités et le secteur privé n’ont jamais été en mesure de mettre en place une stratégie africaine cohérente. Ce que nous avons, ce sont des initiatives çà et là, et tellement mal coordonnées.

«Franchement, nous avons raté tellement d’opportunités en Afrique. Très peu d’entreprises ont réussi à s’y développer à ce jour. Entre 2000 et 2005, Mauritius Telecom a raté l’occasion unique de se développer en Afrique à l’époque du boom de la téléphonie mobile. Puis, entre 2006 à 2010, nos banques ont également raté les opportunités d’acquérir des banques en Afrique au début de la formalisation et l’expansion du secteur bancaire africain. Et c’est la même chose pour le secteur hôtelier où on a également raté le boom des développements hôteliers en Afrique à partir de 2012. Et au cours des cinq dernières années, nous voyons tellement d’opportunités dans le secteur de la technologie, et encore une fois, Maurice a raté le coche», déplore Kevin Teeroovengadum.

Manisha Dookhony (Managing Partner de Rwenzori Consulting)La question est de savoir où se situent les failles. Pour Manisha Dookhony, il y a un manque de ciblage car on tire dans toutes les directions, sans un vrai focus sur certains secteurs ou types de projets. Il y a aussi un manque d’accompagnement technique et financier. Elle prend l’exemple de la France, qui a l’Agence française de développement et Proparco qui soutiennent les projets, de même pour les investisseurs allemands avec GIZ pour le côté technique et KFW pour le soutien financier ou encore, la China Exim Bank.

«Maurice n’a ni institution de développement internationale, ni banque avec une vocation pour soutenir les entreprises et projets tournés vers l’Afrique. Une enveloppe a été mise en place mais dont les modalités restent inconnues. Il manque également une vraie diplomatie économique ; il y a peu d’ambassades avec un but stratégique de faciliter les investissements mauriciens en Afrique. Nous avons des représentants consulaires qui sont souvent plus tournés vers l’import/export que vers les investissements», explique Manisha Dookhony.

Ce qui fait dire à Kevin Teeroovengadum que tout se résume au fait que, d’une part, nous n’avons jamais eu de vision, de stratégie et de plan d’action pour s’implanter en Afrique. Et d’un autre côté, nous n’avons jamais eu les ressources humaines pour les exécuter. Il est également important de comprendre que trop souvent les conglomérats ou entreprises à Maurice n’ont même pas d’équipe à temps plein pour penser leur expansion en Afrique.

UNE STRATÉGIE COHÉRENTE

Au niveau du Mauritius Africa Business Club, on fait ressortir que Maurice ayant été grippé par des contraintes systémiques et structurelles au cours de la dernière décennie, son économie a besoin de repenser sa croissance et son expansion hors des champs de la consommation, de l’immobilier et du développement infrastructurel. Avec l’essor économique rapide de plusieurs nationales africaines, ou encore l’opérationnalisation de la zone de libre-échange continentale africaine, Maurice pourrait atteindre cet objectif en étendant et diversifiant de plus en plus son espace économique et commercial, estime-t-on au sein du Mauritius Africa Business Club, qui plaide pour une stratégie Maurice-Afrique «cohérente, ambitieuse, déterminante, et efficace» qui pourrait devenir le nouveau pilier multidimensionnel fort «qui stimulera la croissance au cours de la prochaine décennie»

Un point de vue partagé par Kevin Teeroovengadum qui renchérit que le fait de venir avec différentes mesures sans une approche cohérente, c’est «comme tirer dans le noir pour le plaisir de tirer». Et d’insister que nous devons être proactifs, en tirant le meilleur parti de chaque roupie que nous investissons en Afrique.

« L’AFRIQUE EST PERÇUE COMME LE PROCHAIN MOTEUR DE CROISSANCE DE L’ÉCONOMIE MONDIALE »

«Nous ne sommes ni la Chine ni les États-Unis qui peuvent jouer les cartes géopolitiques et qui ont des moyens financiers conséquents. L’Afrique est un grand continent avec 54 pays. Nous ne pouvons pas être partout et à la place, nous devrions sélectionner un ou deux pays et nous y développer.Je rencontre souvent des CEO de conglomérats à Maurice qui n’ont jamais voyagé en Afrique. Comment pouvez-vous espérer avoir une stratégie africaine réussie si vous, en tant que CEO, ne passez pas de temps sur le continent ? C’est pourquoi beaucoup n’ont jamais réussi à se développer à ce jour. J’espère que cela va changer», s’insurge Kevin Teeroovengadum

LA PERTINENCE DES ZES

Kevin Teeroovengadum (Economiste)Quand on parle de stratégie africaine, on s’est surtout focalisé ces dernières années sur le développement de zones économiques spéciales (ZES) dans cinq pays, à savoir, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana, Madagascar et le Kenya. Une responsabilité qui incombe au Mauritius Africa Fund. L’économiste Kevin Teeroovengadum n’est pas tout à fait convaincu par la pertinence d’investir dans des ZES dans cette nouvelle décennie, alors que nous sommes clairement dans la quatrième révolution industrielle. Pour lui, cela aurait dû être fait il y a plus de 15 ans. D’une part, nous ne pouvons pas rivaliser avec les investissements chinois, britanniques ou français dans les ZES concurrentes. Et, de l’autre, l’Afrique s’embarque maintenant dans l’ère technologique. «C’est là qu’il aurait fallu investir. J’aurais préféré que le Mauritius Africa Fund investisse dans des plateformes technologiques et des start-up africaines qui perturbent positivement l’Afrique», propose-t-il.

 

Bruno Dubarry (CEO de l’AMM)De son côté, Bruno Dubarry, le CEO de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM), estime que ces pays représenteront des opportunités d’affaires intéressantes pour les entreprises mauriciennes quand les infrastructures seront installées et que nos industriels n’auront plus qu’à apporter leurs outils de production. «Il nous faut des facilités techniques, un vrai parc industriel. L’AMM a déjà mené deux missions export sur le Kenya. Ce sont deux missions riches d’enseignements. Aujourd’hui, il faut surtout mettre en place un team public-privé sur l’export», soutient-il.

Apportant sa contribution au débat, Lakshman Bheenick, le CEO de CIEL Finance, fait remarquer que le continentLakshman Bheenick (CEO de CIEL Finance) africain attire les entreprises mauriciennes, mais aussi le reste du monde. Prenant le cas du Mozambique ; il explique que quand la situation est sereine, c’est une terre de convoitise. Nous pouvons justement mentionner les investissements massifs dans cette région suite à la découverte de gaz. Dar es Salam en Tanzanie ou encore Nairobi au Kenya sont également des mégalopoles en pleine ébullition.

«Il y a de la place pour tout le monde, mais il faut savoir se positionner. Il est important de bien connaître le pays et de s’y adapter avant de se lancer. Pour cela, des partenaires stratégiques sont cruciaux pour un meilleur accompagnement. Le continent reste très attrayant et l’un des meilleurs exemples du groupe est définitivement la success-story de BNI Madagascar, qui est aujourd’hui la première banque de l’île. Le groupe a révolutionné les services financiers à Madagascar et favorisé l’inclusion financière grâce à ses produits et services bancaires innovants et adaptés à l’ensemble de ses clients ; qu’ils soient particuliers, professionnels ou entreprises», souligne Lakshman Bheenick.

Les opportunités sont là. Au moment de la reprise, il faudra que nos entrepreneurs fassent preuve d’audace. Définitivement, il y aura des relais de croissance en Afrique.

Les terres d’asile des entrepreneurs Mauriciens

Le Kenya, Madagascar et l’Ouganda ont la faveur des entreprises mauriciennes. Au moins, une quarantaine d’entreprises mauriciennes ont étendu leurs activités au-delà de nos frontières. Madagascar semble avoir la faveur des entrepreneurs mauriciens en accueillant quelque 29,3 % de ceux qui se délocalisent, la proximité et le coût sont sans doute des facteurs importants. Le Kenya et l’Ouganda suivent au hit-parade avec 14,6 % et 12,2 % respectivement. Il est à noter que le Kenya se range à la troisième place en matière d’Ease of Doing Business dans le classement Doing Business 2020 pour la région de l’Afrique subsaharienne, à peine deux places après Maurice. L’Ouganda est à la 12e place, loin devant Madagascar qui est à la 31e place.

Plus d’une cinquantaine d’entreprises implantées en Afrique

À ce jour, plus d’une cinquantaine d’entreprises mauriciennes se sont engagées dans l’aventure africaine. Elles ont investi dans la délocalisation de leurs activités ou la prise de participation dans des activités économiques et commerciales en Afrique. Et sont engagées notamment dans la production sucrière, le secteur énergétique, les services financiers, la filière manufacturière dont la transformation des produits de la pêche, le secteur de la distribution et de la logistique, ou encore l’hôtellerie et le secteur du voyage. Pour la plupart, les filiales et branches se trouvent en Afrique australe, certaines dans des régions d’Afrique avec de rares implantations mauriciennes, tandis que d’autres ont posé leurs fondations dans des entreprises situées en Afrique orientale.

ENJEU Cette liste bien qu’étoffée, et compilée par Business Magazine, n’est cependant pas exhaustive.

Tags:

You Might also Like