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Coup de jus à la décarbonation du secteur de l’électricité

Renewable energy roadmap 2030 for the electricity sector 2022: coup de jus à la décarbonation du secteur de l’électricité

Avec la publication du renewable energy roadmap 2030 for the electricity sector en mai 2022, plus de deux ans et demi après la première directive, une transition accélérée s’amorce dans le secteur de l’énergie. Face à un déficit d’environ 15 % d’électricité exportée jusqu’à récemment par Terragen sur le réseau national, la volatilité du cours du charbon qui devrait perdurer, une nouvelle stratégie s’impose pour consolider les capacités de production d’énergies vertes, renforcer la sécurité énergétique et réduire notre facture d’importation d’énergies fossiles. Il s’agit aussi d’arriver à 60 % d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique et d’honorer notre engagement international de réduire de 40 % les émissions de gaz à effets de serre.

AU top 5 des produits d’importation mauriciens, comme le rappelle l’édition 2022 de l’analyse économique de la MCCI, les produits pétroliers représentaient en 2021, 14 % du coût total de notre facture d’importations. De Rs 20,88 milliards en 2020 en pleine fermeture de nos frontières et fonctionnement partiel de l’économie mauricienne, le montant de nos importations de produits pétroliers (de Singapour, des Émirats arabes unis et de l’Inde) a caracolé à Rs 30,29 milliards en 2020. Presque au même niveau de l’enveloppe dépensée en 2019 pour l’achat de produits pétroliers, soit Rs 31,04 milliards. Le charbon figurait à la sixième place de nos principaux produits d’importations en 2021 pour un montant de Rs 4,18 milliards, représentant 2 % du montant total de nos importations l’année dernière.

Si ces chiffres donnent le tournis, l’escalade des prix pour l’acquisition de sources d’énergies fossiles en 2022 pourrait plomber le secteur de l’énergie et les finances publiques, d’autant plus dans un contexte de reprise graduelle de l’économie mauricienne. D’après l’édition d’avril dernier des Commodity Markets Outlook de la Banque mondiale, l’augmentation des prix de l’énergie au cours des deux dernières années a été la plus importante depuis la crise pétrolière de 1973 (d’avril 2020 à mars 2022 en termes d’USD). D’après les estimations, les prix de l’énergie devraient bondir de plus de 50 % en 2022 avant de baisser en 2023 et 2024. Parmi les produits de base énergétiques, les prix du pétrole brut Brent devraient s’établir en moyenne à 100 dollars le baril en 2022, soit une augmentation de 42 % par rapport à 2021.

Ayant atteint un record en mars 2022 suivant une demande accrue en remplacement du gaz naturel pour la production d’électricité, les prix du charbon devraient, en moyenne, être plus élevés de 80 % en 2022 par rapport à 2021. Non seulement, le Central Electricity Board (CEB) utilise de l’huile lourde pour la production d’électricité, elle prend aussi à sa charge le coût du charbon utilisé six mois pendant l’année par les centrales thermiques appartenant à Alteo et Omnicane en vertu du ‘passthrough mechanism’ couvert par le power purchase agreement (PPA) liant le CEB à ses independent power producers (IPP). La note pourrait être de plus en plus salée dans les mois à venir pour l’agence nationale de distribution, de transmission et de fourniture d’électricité au niveau national.

C’est une des raisons pour lesquelles le ministère de l’Énergie et des Services publics a décidé de venir de l’avant, deux semaines plus tôt, avec une version révisée du Renewable Energy Roadmap 2030 for the Electricity Sector dans l’optique d’accélérer la transition énergétique du pays vers plus d’intégration d’énergies renouvelables, et ce, en ligne avec l’engagement à l’international d’atteindre 60 % d’énergies renouvelables dans le mixte énergétique mauricien d’ici 2030. D’après le document, la feuille de route sera révisée chaque fois que nécessaire étant donné la nature dynamique des technologies des énergies renouvelables. Il est même prévu que le gouvernement mauricien sollicite à nouveau l’aide de l’International Renewable Energy Agency (IRENA) pour préparer une feuille de route intégrale sur l’énergie englobant l’énergie, le transport et l’efficacité énergétique.

Le charbon figurait à la sixième place de nos principaux produits d’importations en 2021 pour un montant de rs 4,18 milliards, représentant 2 % du montant total de nos importations l’année dernière

De 21,7 % en 2019, la part des énergies renouvelables dans le mixte énergétique national s’est hissée à 23,9 % en 2020, pour descendre en deçà de ce niveau en 2021. Les chiffres n’ont pas encore été publiés par Statistics Mauritius. Or, selon la Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA), la demande en 2020 était relativement faible en raison de facteurs liés à la Covid-19

Dans le même temps, aucun grand projet d’énergies renouvelables n’est ressorti entre 2020 et 2021. Ainsi, la capacité d’énergies renouvelables installée est restée plus ou moins fixe.

À noter que la MARENA est l’agence principale pour conseiller le ministère de l’Énergie sur toutes les questions liées aux énergies renouvelables, ayant élaboré la feuille de route sur l’intégration de l’énergie renouvelable (ER) dans le secteur électrique.

La demande de pointe d’électricité est passée de 507 MW (décembre 2019) à 438,3 MW (décembre 2020), ce qui a également entraîné une baisse des ventes d’électricité de 2 716 GWh à 2 409 GWh. Les importations et la consommation de produits pétroliers tels que l’essence, le gazole et le carburant d’aviation furent d’ailleurs en baisse durant cette période. La réouverture des frontières et la reprise économique devaient donner lieu à une augmentation progressive de la demande jusqu’à ce fatidique février 2022, venu infliger un nouveau revers avec l’éclatement de la guerre entre l’Ukraine et la Russie qui a considérablement affecté la sécurité énergétique, les prix de l’énergie ainsi que les pressions inflationnistes.

Un secteur électrique basé sur un mélange plus riche d’énergies renouvelables

«L’île Maurice, en tant que petit État insulaire en développement, dépend principalement des importations de combustibles fossiles pour répondre à ses besoins énergétiques. Cette dépendance expose notre pays aux chocs externes sur le marché international et l’impact du récent conflit entre la Russie et l’Ukraine a attiré l’attention sur cette dépendance. Les pays du monde entier n’ont pas été épargnés par la hausse des coûts de l’énergie, qui a eu des répercussions sur les ménages, les industries et les entreprises. En tant que petit État insulaire en développement, Maurice est en outre vulnérable à l’impact du changement climatique, même si notre contribution aux émissions de gaz à effet de serre (GES) peut être considérée comme négligeable. Cette exposition et cette vulnérabilité exigent une transformation intelligente de notre secteur de l’électricité pour mieux faire face aux impacts du changement climatique, favoriser une croissance durable et assurer la sécurité énergétique. Le gouvernement mauricien s’est engagé non seulement à réduire les émissions de GES de 40 % d’ici 2030, mais surtout à poursuivre sa transition énergétique verte et à développer un secteur électrique national plus résilient, basé sur un mélange plus riche d’énergies renouvelables. Le gouvernement a fixé des objectifs clairs pour le secteur de l’énergie, dont certains ont été annoncés dans le Budget 2021-2022. Les mesures ont nécessité une révision de la feuille de route sur les énergies renouvelables pour le secteur de l’électricité publiée en 2019. La version de 2019 avait visé un objectif de 35 % d’énergies renouvelables en 2025 avec des scénarios pour atteindre 40 % en 2030. Le document actuel est une révision de la feuille de route initiale et met en avant les différentes initiatives qui seront envisagées pour atteindre les objectifs du gouvernement dans le secteur des énergies renouvelables», fait valoir Joe Lesjongard, ministre de l’Énergie et des Services publics, en préface du document.

L’augmentation des prix de l’énergie au cours des deux dernières années a été la plus importante depuis la crise pétrolière de 1973

Tout en soulignant que la révision de la feuille de route s’aligne sur les différents cadres, politiques et stratégies des autres secteurs économiques, et prend en compte les avis issus des consultations effectuées avec les secteurs public et privé, Joe Lesjongard explique que l’accent est mis sur le déploiement accru de technologies d’énergies renouvelables éprouvées à court terme, tout en étudiant activement et en réduisant les risques liés aux technologies relativement nouvelles en vue d’un déploiement ultérieur. Le passage progressif à l’utilisation de technologies énergétiques plus propres telles que le gaz naturel liquéfié sera également exploré en parallèle. D’ailleurs, le CEB a lancé une Request for Information (RFI), ouvert jusqu’au mercredi 15 juin, aux développeurs potentiels pour l’alimentation de l’électricité à travers une centrale électrique flottante roulant au gaz naturel liquéfié et montée sur une barge. Pour Khalil Elahee, ex-membre du projet MID (Maurice Ile Durable), le Renewable Energy Roadmap 2030 for the Electricity Sector-Review 2022 est bien plus qu’une version révisée de la feuille de route de 2019. Cette dernière était elle-même une modification de la Long Term Energy Strategy 2009- 30, fait-il remarquer. «Le fait est que malgré les documents élaborés dans le passé, à commencer par l’Outline Energy Policy de 2007, il n’y a pas eu d’engagement concret selon un plan d’action clairement défini avec cohérence et un cahier de charge précis. Un moment, il y avait le projet CT Power, une contradiction aberrante au moment même où nous parlions de Maurice Île Durable.

Aujourd’hui, cela aurait été une honte pour le pays. Plus récemment, nous avons eu le projet de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) alors qu’il n’y pas de masse critique pour cela au dire même des consultants engagés par le gouvernement. Imaginez si aujourd’hui nous dépendions du LNG dont le prix est très élevé, pire l’approvisionnement difficile. Surtout, nous avons pris du retard dans la maîtrise de la demande par l’efficacité énergétique et les éco nomies d’énergie, trop souvent négligées au fil des années. Comme si certains ont intérêt à faire croître la demande ! Avec la pandémie, mais même quelques années avant, la croissance de la demande en électricité était moindre malgré tout cela. Aujourd’hui, tant sur le plan local avec Terragen, et d’autres qui cesseront de brûler du charbon, que sur le plan global avec les engagements pris par le Premier ministre à Glasgow, nous sommes dans l’obligation d’accélérer la transition énergétique. Aucun délai n’est permis. L’objectif de 60 % de renouvelables dans la production électrique est réaliste si nous avons une bonne gouvernance énergétique car le potentiel, les technologies et les conditions sont déjà réunis ; il faut agir.»

Il faut également voir dans cette feuille de route portée sur l’accélération de la transition et du relèvement des objectifs de décarbonation du secteur de l’énergie mauricien, nous dit Olivier Gaering, directeur régional – océan Indien du groupe Qair, producteur indépendant français d’énergie renouvelable, la compétitivité améliorée de nos jours des prix d’accès aux technologies de génération d’énergie renouvelable. «Il faut rajouter que les énergies renouvelables ont aussi depuis la dernière feuille de route atteint un niveau de maturité technologique et de compétitivité économique qui permet de penser que c’est maintenant possible techniquement et très intéressant économiquement.»

Volonté d’une transition énergétique rapide et verte

La bagasse et la paille de canne, sources de biomasse, sont le point de départ et d’angle de la volonté d’une transition énergétique rapide et verte, en représentant 13,3 % des 24 % d’énergies renouvelables du bouquet énergétique en 2020. Raison pour laquelle on attend la pleine opérationnalisation du National Biomass Framework sous l’impulsion du ministère de l’Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire. «Il faut être pragmatique et comprendre que c’est le solaire photovoltaïque qui sera la ‘driving force’ de notre transition énergétique dans l’immédiat. La nouvelle feuille de route prévoit 214 MW d’énergie photovoltaïque sur 695 MW additionnels prévus d’ici à 2030. La part de biomasse sera que 100 MW contre plus de 130 MW actuellement. Ce n’est qu’après 2027 que nous verrons davantage de biomasse, pas uniquement la canne, dans notre mixte énergétique si de bons business models sont proposés. Mais le travail commence maintenant sinon ce n’est que du bluff. Une année après le Budget, le National Biomass Framework se fait toujours attendre. Je propose qu’autant nous parlions de la biomasse cannière comme la bagasse et les résidus de la canne, autant faut-il songer aux biocarburants à commencer par le bioéthanol. Une approche systémique est cruciale. La hausse du prix de l’essence est une opportunité pour ce dernier produit. Une approche intégrant la bioélectricité, le bioéthanol, voire les autres produits comme les biofertilisants et les bioplastiques est souhaitable, au-delà d’un simple ‘biomass framework’. Dans un esprit d’équité, il faut inclure tous les ‘stakeholders’ dans le processus, des petits planteurs aux usiniers», argue Khalil Elahee.

D’après les estimations, les prix de l’énergie devraient bondir de plus de 50 % en 2022 avant de baisser en 2023 et 2024

En leur qualité d’independent power producers (IPP) pour les centrales mixtes chargées d’apporter plus de 55 % (autour de 59,2 % en 2020) des besoins en électricité du pays, une meilleure rétribution de la bagasse était le chaînon critique pour pallier le déficit de l’industrie et s’engager sereinement et de manière structurée dans des plans d’investissement. La rémunération de Rs 3 300 par tonne de sucre pour la bagasse annoncée lors du Budget 2021-2022, dans le cadre des travaux lancés sur le Biomass Framework, était une décision attendue par les planteurs de canne, usiniers et producteurs d’énergie à partir de la bagasse et de la paille de canne, rappelle Fabien de Marassé Enouf, CEO d’Alteo

«Cette décision est certainement venue aider l’industrie à envisager un peu plus concrètement des investissements dans le secteur de l’énergie. Cependant, pour que nous puissions réellement avancer, nous avons besoin du Biomass Framework, qui, lui, n’a toujours pas abouti, même si nous nous attendons à une annonce officielle dans le prochain budget national. Nous espérons maintenant que ces annonces incluront des détails précis sur la rémunération des autres sources de biomasse (paille de canne, biomasses à base de bois et autres déchets verts) et sur les mécanismes d’indexation afin d’éviter un nouveau ‘Bagasse Transfer Price’ qui n’avait pas évolué en trois décennies et avait perdu tout son sens», plaide le CEO d’Alteo.

À août 2019, quand l’objectif était encore d’atteindre 35 % d’énergies renouvelables dans le mixte électrique national en 2025, en s’attendant à un surplus de 396 GWh d’énergies renouvelables généré durant la période 2020- 2025, le bond à réaliser était d’un peu moins de 15 % en l’espace de six ans. Avec l’objectif de 60 % d’énergies renouvelables à 2030, il faudrait réaliser un peu moins de 40 % en l’espace de huit ans. Un réel défi pour le CEB et aussi les producteurs indépendants d’énergies vertes du pays, qui s’accordent à dire que le défi est relevable si un cadre de facturation clair, harmonieux et évolutif est proposé, et qu’un environnement propice est mis en place.

D’après les investissements planifiés pour 35 % d’énergies renouvelables dans le mixte énergétique en 2030, un montant de 177 millions d’USD était nécessaire. Pour 60 % d’énergies renouvelables à 2030 1,35 milliard d’USD d’investissements ont été calculés. Aujourd’hui, pour investir dans le renforcement de capacités de production d’énergies renouvelables, il est impératif d’instaurer un mécanisme harmonieux et évolutif de rétribution et de partenariat pour les centrales électriques, aussi bien que les parcs éoliens et fournisseurs d’énergie photovoltaïque. Plus de visibilité sur les travaux du National Biomass Framework favorisera le lance ment d’essais à plus grande échelle sur des sources de biomasse moins explorées à ce jour, indique Fabien de Marassé Enouf, à la mise en place graduelle d’un nouvel écosystème qui comprendra production de biomasse, récolte, tri et collecte de déchets verts, transformation, transport et logistique ; finalement la création d’un nouveau secteur.

Encourager l’investissement dans les énergies durables

«Au-delà de la biomasse, nous avons la chance de bénéficier des ressources naturelles que sont le soleil et le vent, que nous devons absolument optimiser dans notre mixte énergétique. Un investissement important dans le solaire et l’éolien permettrait certainement de moins souffrir des fluctuations du cours mondial des carburants», insiste-t-il. Pour ce faire, des aides gouvernementales pour la plantation et la récolte de différentes sources de biomasse aideraient certainement dans ce sens, et permettraient même sans doute de redonner une nouvelle vie aux champs abandonnés et aux terrains en friche.

«Il serait souhaitable que le gouvernement aide financièrement les petits planteurs dans le processus coûteux de replantation des champs. Cela, afin de maintenir le rendement de ces champs à un niveau de viabilité car si les champs ont un bon rendement, ils ne seront pas abandonnés, ce qui assurera une quantité suffisante de canne, et de bagasse, pour l’industrie. Dans cette même lancée, des aides pour la mécanisation des champs des petits planteurs seraient bienvenues, là encore afin d’améliorer leur efficience et leur productivité.»

La création de cette industrie de l’énergie verte gagnerait certainement à bénéficier de ‘green loans’ d’institutions bancaires pour des investissements conséquents à des taux attrayants afin de maintenir la compétitivité de ces projets. «Il faudrait également étudier l’utilisation de Carbon Credits afin d’aider à rentabiliser ces projets, pour les rendre encore plus intéressants aux yeux des investisseurs», souligne Fabien de Marassé Enouf, CEO d’Alteo. Pour Olivier Gaering, directeur régional – océan Indien du groupe Qair, le maintien des exonérations sur les taxes à l’importation et la TVA de tous les équipements d’énergie renouvelable ainsi que des mesures fiscales favorisant les investissements à long terme dans les énergies renouvelables seraient favorables à une accélération et un relèvement de l’adoption des solutions de génération d’énergies vertes.

Plus de concertation privé/ public pour faire évoluer la réglementation en vue de faciliter la transition énergétique mais aussi sur l’établissement des potentiels et des objectifs énergétiques par filière (photovoltaïque, éolien, biomasse, entre autres) – et de la stabilité dans ces choix – devrait être recherchée. Des lancements réguliers d’appels d’offres du CEB avec des exigences techniques claires et réalistes par rapport aux technologies existant sur le marché sont essentiels. Olivier Gaering liste aussi comme élémentaires pour un investissement accru dans le verdissement de la transition énergétique : l’utilisation de modèles de contrats d’achat avec le CEB (ESPA-PPA) au niveau des exigences des bailleurs de fonds internationaux (clauses de résiliation, termes de paiement, résolution des litiges…) pour qu’ils soient bancables et attractifs pour les investisseurs ; la mise en place de garanties financières sécurisant les paiements à long terme de l’énergie livrée au CEB pour le fournisseur privé ainsi que les investissements des producteurs privés (et pouvant impliquer un rating du CEB par des agences internationales) ; une simplification des procédures administratives permettant d’obtenir les permis (EIA notamment) dans des délais réduits et mieux maîtriser les risques et les coûts de ces projets.

Mais le réseau électrique national a-t-il aujourd’hui plus de capacité d’intégrer de l’énergie renouvelable intermittente, compte tenu de la vision de 60 % d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique à 2030 ?

«Le réseau actuel va devoir évoluer pour intégrer 60 % d’énergies renouvelables, mais c’est tout à fait réalisable. Cela nécessite des investissements qui sont déjà en train d’être lancés. L’intermittence des énergies comme le solaire ou l’éolien va être limitée grâce à l’intégration de systèmes de stockage d’énergie, soit directement par le CEB soit en les intégrant dans les centrales de production hybrides comme exigé dans l’appel d’offres lancé par le CEB en mars dernier», soutient le directeur régional – océan Indien du groupe Qair.

Pour Khalil Elahee, cette question nous ramène à l’urgence des 4 D, pas uniquement à la place que doivent avoir des centrales combinant, par exemple, le photovoltaïque et le stockage dans des batteries. «Il y a aussi les batteries du CEB qui sont prévues jusqu’à 40 MW comme annoncé dans le dernier Budget. La stabilité du réseau est plus facile à assurer si nous combinons les énergies renouvelables avec la maîtrise de la demande. Le CEB semble prévoir aussi des turbines à gaz à cycle combiné à Fort George qui aideront à maintenir la stabilité en intégrant plus de sources variables comme le solaire et le vent. C’est faisable mais il y aura un coût. C’est là que les biocarburants, dont le biogaz, deviennent une possibilité sur le long terme. N’oublions pas aussi les énergies de l’océan qui demandent moins de stockage. Je pense que le régulateur, l’Utility Regulatory Authority, aura un rôle crucial à jouer à condition qu’on lui donne son indépendance.»

Sources potentielles de biomasse

Paille de canne, déchets de bois, bois d’eucalyptus, Arundo donax (fatak), herbe à éléphant, macro algues, déchets de jardin, bambou, herbe de bana (bana grass) ainsi que copeaux et granulés de bois importés sont évoqués dans la feuille de route révisée pour l’apport des énergies renouvelables dans le secteur électrique comme sources potentielles de biomasse employables pour la génération d’énergie.

 

 

Parvenir à un avenir énergétique durable qui ne laisse personne de côté

LES perturbations continues de l’activité économique et des chaînes d’approvisionnement qui ont caractérisé la pandémie ont eu des répercussions sur toutes les sources d’énergie, à l’exception des énergies renouvelables dont le développement s’est poursuivi. Cependant, bon nombre des pays qui ont les besoins en électricité les plus importants n’ont pas bénéficié de ces tendances positives aux niveaux mondial et régional enregistrées par les énergies renouvelables, d’autant que pour la deuxième année consécutive, les flux financiers internationaux ont baissé, pour s’établir à 10,9 milliards de dollars en 2019. Les cibles fixées par l’Objectif de développement durable n° 7 (ODD 7) couvrent également l’efficacité énergétique. De 2010 à 2019, l’intensité énergétique s’est améliorée en moyenne de 1,9 % par an à l’échelle mondiale, soit une évolution très inférieure à celle nécessaire pour atteindre les cibles de l’ODD 7. Pour rattraper le temps perdu, l’amélioration moyenne devrait être de 3,2 %.

En septembre 2021, le Dialogue de haut niveau des Nations unies sur l’énergie a réuni gouvernements et parties prenantes pour accélérer la mise en œuvre d’actions permettant de parvenir à un avenir énergétique durable qui ne laisse personne de côté. Dans ce contexte, les organismes dépositaires de l’ODD 7, l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), la Division de statistique de l’ONU (UNDESA), la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), lors du lancement de ce rapport, invitent la communauté internationale et les responsables politiques à préserver les progrès accomplis en direction de l’ODD 7 ; à rester engagés à poursuivre leurs actions destinées à garantir une énergie abordable, fiable, durable et moderne pour tous ; et à axer leur stratégie sur les pays qui ont le plus besoin d’un soutien.

La hausse des prix des produits de base, de l’énergie et du transport maritime ainsi que les mesures commerciales restrictives ont augmenté le coût de production et de transport des modules solaires photovoltaïques (PV), des éoliennes et des biocarburants, faisant peser des incertitudes sur les futurs projets d’énergie renouvelable. La part des énergies renouvelables doit atteindre plus de 30 % de la consommation totale d’énergie finale d’ici 2030, contre 18 % en 2019, si l’on veut atteindre l’objectif de zéro émission nette liée à l’énergie d’ici 2050. Il faut pour cela renforcer le soutien politique dans tous les secteurs et mettre en œuvre des outils efficaces pour mobiliser davantage les capitaux privés, en particulier dans les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits pays insulaires en développement.

La bagasse et la paille de canne, principales sources d’énergies renouvelables du pays

Le litige entre Terragen, la filiale en charge de la production d’énergie électrique du groupe Terra, et le MEPU ne semble pas étranger à la décision d’accélérer la transition énergétique.

Dans le processus de verdissement du secteur énergétique mauricien, Terragen tient une place clé. Avec la centrale électrique mixte d’Alteo Energy à Union Flacq (Est), celle d’Omnicane à La Baraque (Sud), Terragen à Belle Vue (Nord) exporte 13,1 % du mixte énergétique national et participe à 12,2 % de la production nationale d’énergies renouvelables du pays (selon le rapport annuel 2020). Avec les deux centrales mixtes, Terragen contribuait à générer 13,3 % de l’énergie verte à partir de la combustion de la bagasse et de la paille de canne. Avec 23,9 % d’énergies de sources renouvelables générées en 2020, d’après les derniers chiffres disponibles de Statistics Mauritius, la bagasse et la paille de canne demeurent les principales sources d’énergies renouvelables du pays.

Des coproduits de la production sucrière, la bagasse et la paille de canne sont utilisés pendant six mois de l’année (juillet à décembre) pour alimenter le réseau électrique national. Maintenant, les 688 GWh sur les 2 882 GWh générés (2020) revêtent toute leur importance, raison pour laquelle des discussions sont en cours entre les parties prenantes de Terragen et les autorités afin de trouver une issue au litige les divisant sur la cessation des opérations de la centrale économique mixte. Une communication sera émise à cet effet, une fois une décision entérinée, laisse-t-on entendre du côté de Terragen. Le déficit potentiel dans l’exportation d’électricité sur le réseau électrique, et d’autant plus d’énergie renouvelable, combiné à la flambée des prix du charbon et de l’huile lourde, oblige les autorités à accélérer la transition énergétique du pays vers un modèle d’électrification plus propre, viable et pérenne. D’autant que dans le Budget 2021-2022, des engagements ont été pris pour l’instauration de l’industrie de l’énergie verte comme un pilier économique, l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mixte énergétique pour atteindre 60 % d’ici 2030 ; l’abandon progressif de l’utilisation du charbon dans la production d’électricité d’ici 2030 et une augmentation de 10 % de l’efficacité énergétique d’ici à 2030 (2019 étant l’année de référence).

Les principaux IPP du pays

Outre plus d’un millier de producteurs résidentiels équipés de panneaux solaires sur le toit de leurs maisons et plus d’un dizaine de producteurs commerciaux, les producteurs d’énergies indépendants incluent trois centrales électriques mixtes (Terragen, Alteo et Omnicane La Baraque), une centrale opérant uniquement au charbon (Omnicane St Aubin) et un parc éolien (Éole Plaines des Roches opéré par le groupe français Quadran). Plus nombreuses, les principales fermes solaires sont implantées un peu partout dans l’île : Solar Field à Mon Choisy (filiale du groupe Harel Mallac), Corexsolar International à La Tour Koenig (opérée par l’entité réunionnaise), les fermes solaires de Synnove à L’Espérance et à Petite Retraite (opérées par un fournisseur d’énergie d’origine américaine installé à Maurice), la ferme Helios à Beau Champ (initiative du groupe Alteo et du groupe Quadran), la ferme solaire Akuo à Henrietta (partenariat entre le français Akuo Energy et le groupe Medine), les fermes Voltas Yellow à Solitude (partenariat entre le fournisseur français GreenYellow installé à Maurice à travers sa filiale indianocéanique, et le groupe Joonas) et Voltas Green à Queen Victoria sans oublier la ferme photovoltaïque de Sarako à Bambous et la génération de gaz d’enfouissement à Mare Chicose par Sotravic.

SUNREF : Rs 6 milliards déboursées

Depuis 2009, l’Agence française de développement (AFD) accompagne la transition de Maurice vers une économie bas carbone, résiliente au changement climatique et inclusive. Cet appui s’est d’abord manifesté par deux premières lignes de crédit vertes, SUNREF I et SUNREF II, rappelle Vimal Motee, Project Manager du Sunref Technical Assistance, desk mis en service à Business Mauritius. Plus de Rs 4,6 milliards ont été déployées de 2009 à 2018, notamment avec la MCB et la SBM.

La troisième édition du programme (SUNREF III Maurice) a été lancée en 2018 et est toujours en cours d’exécution avec ces deux banques. Cette dernière édition, qui propose une ligne de crédit de Rs 3,9 milliards, a également vu l’intégration d’une troisième banque, AfrAsia Bank Limited, au dispositif. À ce jour, sous ces trois lignes de crédit, environ 500 entreprises et particuliers ont bénéficié des prêts SUNREF pour un montant global de Rs 6 milliards. Un montant de Rs 2,5 milliards a été décaissé uniquement sur les projets d’énergies renouvelables, soit 44 %.

En termes d’impact positif sur l’environnement, les projets financés ont permis d’éviter l’émission d’environ 290 000 tonnes de CO2 chaque année et d’installer plus de 31 MWc (mégawatt crête) de capacité d’énergies renouvelables. «Les prêts financés grâce à la ligne de crédit SUNREF Maurice sont assortis d’une prime à l’investissement variant de 5 % à 16 % du montant éligible, en fonction du type de projet», précise Vimal Motee.

En sus des primes à l’investissement, le programme offre une assistance technique gratuite, sous la gestion de Business Mauritius, rendue possible grâce au soutien financier de l’Union européenne. En tant qu’acteur local majeur pour la promotion du développement économique, du capital social et de la croissance durable et inclusive pour la communauté des affaires, Business Mauritius se positionne comme un partenaire de choix dans la mise en œuvre du programme d’assistance technique. Notons que toute demande de prêt SUNREF devra d’abord répondre aux critères de crédit de la banque partenaire et à ses exigences en termes de risque, de solvabilité, de statut et de conformité avec la législation nationale.

«À travers le programme SUNREF, notre banque et l’Agence française de développement unissent leurs efforts pour aider les particuliers, les PME et les grandes entreprises à investir dans des technologies et équipements respectueux de l’environnement dans le cadre d’initiatives liées au développement durable. Nous avons un personnel formé et qualifié pour répondre aux besoins spécifiques du segment pour permettre aux clients de réaliser leurs projets verts», fait valoir Atish Doorgakant, Portfolio Lead – International Banking Division de la SBM. La banque propose également des éco-prêts garantis et non garantis en fonction de l’ampleur du projet aux acteurs de l’énergie verte. Ces produits comprennent des prêts à terme, des découverts bancaires, des garanties bancaires, des lettres de crédit et des prêts à l’importation, entre autres. Les conditions de financement sont ainsi étudiées sur la base de critères tels que le coût du projet, l’apport personnel, la durée du bail et la période de remboursement, tout en tenant compte du niveau d’endettement du demandeur.

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