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Sir Anerood Jugnauth comment il a bâti l’île Maurice moderne

Sir Anerood Jugnauth n’est plus. Le pays lui doit le miracle économique des années 1980. De 1983 à 1991, il a initié la transformation de l’économie mauricienne, en adoptant un ensemble de politiques libérales, en prônant une politique d’ouverture, en faisant de Maurice l’un des leaders régionaux dans la production du textile, en développant le tourisme comme un troisième pilier. Une période de prospérité qu’on peut mesurer à l’aune du progrès économique, mais aussi en termes de développement humain. Retour sur le parcours de ce tribun dont la vision a contribué à changer la face du pays.

Sir Anerood Jugnauth a dirigé Maurice pour un total de dix-huit ans en tant que Premier ministre, cela depuis sa première nomination en 1982 ; dépassant ainsi sir Seewoosagur Ramgoolam qui, lui, a occupé le poste pendant 14 ans. C’est sous le premier mandat de Sir Anerood Jugnauth que la véritable diversification de l’économie a été enclenchée.

En 1930, quand Ramlochun Jugnauth accueille la naissance de son fils à Palma, il était sûrement loin de se douter que celui-ci avait un grand destin. Selon le Dr Ibrahim Alladin, auteur de Sir Anerood Jugnauth. The Living Legend publié en 2013, le nom d’Anerood fut donné à l’enfant par un prêtre ; dérivé du nom sanskrit Aniruddha, le fils du Lord Krishna, Anerood signifie indépendance ou insouciance.

Son éducation a commencé à l’école RCA de Palma puis au Regent College, à Quatre-Bornes. «Sir Anerood Jugnauth a connu les dures réalités du système de plantation. Ses parents étaient modestes et humbles, et son père était convaincu que l’éducation était un moyen de s’évader de la plantation», dira Ibrahim Alladin.

«De la victoire de 1983, a émergé un homme transformé physiquement, intellectuellement et moralement»

Il ajoute qu’Anerood Jugnauth avait une relation spéciale avec son cousin Lall. Il était son ami le plus proche et son confident. Lall a d’ailleurs eu une grande influence sur le jeune garçon. «Anerood m’a dit un jour qu’il était un jeune garçon quand il a entendu le Dr Maurice Curé parler. Il a commencé à trembler et Lall lui tenait la main. Il a ajouté qu’à ce moment-là, il n’avait aucune idée qu’un jour il s’adresserait lui aussi à une foule, comme le faisait le Dr Maurice Curé», confie-t-il.

Entre-temps, après ses études secondaires, il a enseigné pendant un certain temps au collège New Eton et a ensuite travaillé dans la fonction publique. En 1951, il quitte le pays pour étudier le droit à l’Université de Londres et est admis au barreau de Londres (Lincoln’s Inn) en 1954.

SON ENTRÉE SUR LA SCÈNE POLITIQUE

Ses jours à Londres avaient imprégné en lui une inclination socialiste et naturellement, lorsqu’il a rencontré sir Seewoosagur Ramgoolam, cela a été le déclic. Le père de la nation lui offrit alors l’opportunité de faire son entrée sur la scène politique. En 1964, il est élu président du conseil de village de Palma. Il a été élu pour la première fois au Parlement en tant que candidat de l’Independent Forward Block dans la circonscription de Rivière du Rempart en 1963. Il a été magistrat peu de temps après sa démission en 1966. En 1969, il a été promu au Crown Law Office et en 1971, il a été nommé Senior Crown Counsel. Il fut également membre de la délégation participant à la Conférence constitutionnelle à Londres pour discuter de l’indépendance en 1965. De 1965 à 1967, il occupe le poste de Minister of State for Development. En 1967, il se voit propulsé au ministère du Travail.

Les législatives de 1976 ont été un combat à trois avec le Parti travailliste au pouvoir. Sir Anerood Jugnauth est alors nommé Leader de l’opposition et il est resté en poste jusqu’aux prochaines élections générales de 1982. Celles-ci verront la défaite du Parti travailliste et du PMSD. Le MMM, allié à un partenaire plus petit, le Parti Socialiste Mauricien (PSM), remporte 100 % des sièges. C’est ainsi que sir Anerood Jugnauth – alors président du MMM – accède au poste de Premier ministre et Paul Bérenger – le secrétaire général du MMM – devient ministre des Finances.

«De la victoire de 1983, a émergé un homme transformé physiquement, intellectuellement et moralement»

Il faut savoir qu’avant 1982, sir Anerood Jugnauth était connu comme le Premier ministre colonne parce que ses photos étaient affichées sur des colonnes. Mais quand il a émergé de la victoire de 1983, c’était un homme transformé physiquement, intellectuellement et moralement. Pour les observateurs, c’était prévisible, mais beaucoup des membres du MMM ne le réalisaient pas et pensaient qu’il serait toujours un Premier ministre part-time et un Premier ministre colonne, et qu’en vérité, Paul Bérenger allait tirer les ficelles.

Entre-temps, la dynamique économique avait ralenti par une combinaison de facteurs nationaux et internationaux. Il y avait la récession mondiale après la première crise pétrolière de 1973, la baisse du prix du sucre à partir de 1976 et la seconde crise pétrolière de 1979, résultant en un doublement des prix du pétrole. Sur le plan intérieur, les pressions inflationnistes dans l’économie suite à la politique salariale, un absentéisme élevé et les grèves à répétition ont contribué à une perte de compétitivité des produits mauriciens sur le marché extérieur. L’ensemble de ces facteurs avait ainsi conduit Maurice à une situation de quasi-faillite économique, avec des réserves en devises s’élevant à seulement deux semaines d’importations.

DEUX DÉVALUATIONS SUCCESSIVES DE LA ROUPIE

Le 23 octobre 1979, la roupie a été dévaluée de 30 % et le 28 septembre 1981, la roupie a de nouveau été dévaluée de 20 %. La première dévaluation de 1979 était principalement due à la situation défavorable de la balance des paiements et la seconde dévaluation de 1981 a été rendue nécessaire, d’une part, en raison des inondations qui ont eu des effets négatifs sur la production de sucre en 1980 et, d’autre part, suivant les variations des taux de change des principales monnaies étrangères.

Paul Bérenger, qui était ministre des Finances, prend connaissance de la gravité de la situation économique. Il se tournera alors vers le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. En contrepartie de leur aide, les organisations jumelles de Bretton Woods

préconiseront un ajustement structurel de l’économie mauricienne, à savoir qu’il fallait réduire les dépenses budgétaires et accroître l

«Nous ne pouvons contester le rôle pivot qu’a joué sir Anerood Jugnauth en tant que Premier ministre dans la nouvelle orientation du pays aux lendemains de longues crises dans lesquelles a sombré le pays à la fin des années 70 et début des années 80. Si l’on peut, à juste raison, dater cette orientation comme prenant effet à partir de 1983, ce serait injuste d’occulter le fait que ce qui l’a rendu possible relève d’une décision prise en 1982 par Paul Bérenger. Paul Bérenger a dû guerroyer pour convaincre sir Anerood Jugnauth de la nécessité d’accepter le programme d’ajustement structurel proposé par le FMI, et qui fut, dans une grande mesure, un programme d’austérité», évoque Jean-Claude de l’Estrac, ancien diplomate, ministre du gouvernement MMM-PSM.

C’est ainsi qu’en 1982, la Sales Tax est instaurée. Ce qui va permettre de renflouer les caisses de l’État. «Par la suite, sir Anerood Jugnauth va s’appuyer sur un Conseil des ministres composé d’un certain nombre de ministres expérimentés qui vont faire preuve d’une grande écoute en prenant en compte les propositions du secteur privé pour mettre en place l’activité industrielle et l’industrialisation du pays. Stratégie qui a donné des résultats, favorisé par un contexte favorable à l’international, ayant créé les conditions pour que Maurice puisse exploiter au mieux les opportunités qui s’offraient notamment dans le secteur textile et habillement avec des investisseurs asiatiques cherchant des opportunités nouvelles de créer des unités de production, ailleurs qu’à Hong Kong», relate Jean Claude de l’Estrac.

«Nous ne pouvons contester le rôle pivot qu’a joué Sir Anerood Jugnauth en tant que Premier Ministre dans la nouvelle orientation du pays».
Jean-Claude de L’estrac, Ministre du gouvernement MMM-PSM dans les années 80

 

  

NAISSANCE DU MSM

De son côté, l’économiste Pierre Dinan précise que l’aide du FMI impliquait des conditions ; il fallait adopter une nouvelle politique économique. Et ces mesures d’ajustement ont effectivement permis la réduction du déficit budgétaire. Le taux d’inflation qui était de 42 % en 1980 – principalement en raison de la dévaluation de la roupie – est tombé à 14,5 % en 1981 et 5,6 % en 1983. Le taux de chômage est cependant resté encore élevé à 17 % en 1983.

À la suite d’une scission du gouvernement en 1983, Paul Bérenger démissionne avec d’autres membres du MMM. Sir Anerood Jugnauth reste au gouvernement avec un certain nombre de dissidents du MMM : ils formeront un nouveau parti, le Mouvement Socialiste Militant (MSM) et décréteront les élections générales au cours de la même année. La campagne électorale de 1983 verra la résurgence de l’ethnicité avec l’électorat hindou se rassemblant derrière le MSM et le Parti travailliste et le MMM remportant principalement le soutien de la population générale et des électeurs musulmans. Le MSM, en coalition avec le Parti travailliste et le PMSD, remporte le scrutin. C’est une victoire personnelle pour sir Anerood Jugnauth qui a déjà les coudées franches pour mettre en place sa vision pour le développement du pays. Retour aux affaires pour sir Gaëtan Duval, qui est nommé vice-Premier ministre.

Entre 1983 et 1986, l’environnement économique international était devenu beaucoup plus favorable. Les prix des produits pétroliers et de certaines commodités avaient chuté. Le dollar américain s’était déprécié et la reprise économique s’amorçait dans les pays avancés. La forte croissance économique a été atteinte au cours de cette deuxième phase, principalement en raison de la hausse des exportations du textile et du développement de l’industrie du tourisme. «Sous le gouvernement Jugnauth, le secteur du tourisme a pris forme ; notamment avec les hôtels Le Touessrok et La Pirogue», se souvient Pierre Dinan. Il insiste toutefois sur le fait que la population mauricienne a aussi été partie prenante de ces développements. «La population était fatiguée des désordres et des gaspillages des années 70. Les Mauriciens avaient souffert et se sont remis au travail jusqu’au point que les femmes ont quitté leur foyer pour travailler», fait-il ressortir

«Sous le gouvernement Jugnauth, le secteur du tourisme a pris forme ; notamment avec les hôtels le Touessrok et La Pirogue».

Pierre Dinan, Économiste

 

L’économiste Éric Ng abonde dans le même sens que JeanClaude de l’Estrac et Pierre Dinan. Il souligne qu’après la victoire du MMM en 1982 et celle du trio Jugnauth-Boolell-Duval en 1983, l’économie mauricienne a connu beaucoup de changements. Outre sa contribution dans ce que l’on appelle «le boom économique», l’administration Jugnauth a enclenché la restructuration de l’économie. «Toutefois, il faut aussi noter la part de contribution de Paul Bérenger et de Vishnu Lutchmeenaraidoo. Sir Anerood Jugnauth a apporté durant cette période un tout autre leadership et a été suivi par une équipe dévouée à une vision collective», ponctue-t-il.

«Outre sa contribution dans ce que l’on appelle ‘Le boom économique’, l’administration Jugnauth a enclenché la restructuration de l’Économie».

Éric Ng, Économiste

 

Contexte propice au boom Économique

De son côté, Cassam Uteem, ancien président de la République, enchaîne qu’il ne faut, en aucun cas, minimiser l’apport des autres ministres siégeant alors au cabinet de sir Anerood Jugnauth, dont Kader Bhayat au Commerce et Kadress Pillay à l’Industrie, dans l’essor que connut le pays durant ces années fastes. C’était une équipe compétente et perçue comme telle et dont le pays avait grand besoin pour le sortir du marasme des affaires, avec une économie qui stagnait et un taux de chômage avoisinant les 20 %.

«Cette équipe a su créer les conditions optimales, mettant en place les institutions nécessaires, introduisant de nouvelles incitations fiscales, et entreprenant des campagnes de promotion et de marketing agressives dans plusieurs pays européens et asiatiques, cela tant dans les domaines industriel que touristique. Tous contribuèrent à donner un nouveau dynamisme à ces deux secteurs avec l’apport du capital et du know-how étrangers. Les entrepreneurs locaux jouèrent, eux aussi, à fond, leur rôle avec pour résultat la création, à un rythme effréné, d’usines de textile et habillement à travers le pays, avec des zones franches décentralisées tant en milieu urbain que rural et des hôtels pour un tourisme haut de gamme», fait ressortir Cassam Uteem.

Avec la création de milliers d’emplois directs et indirects, le chômage sera largement résorbé et il arrivait même, dans quelques secteurs, de se retrouver à court de main-d’œuvre locale spécialisée. «C’est durant cette même période que deux mesures phares furent introduites par le ministre Vishnu Lutchmeenaraidoo – ce fut probablement son coup de génie – la réduction à 15 % de l’impôt sur le revenu des contribuables et la suppression des droits de douane sur les produits électroménagers. Du coup, il ne devenait plus nécessaire, à ceux qui le faisaient, de chercher des astuces pour éviter de payer de lourds impôts avec pour résultat une rentrée d’argent plus conséquente dans la caisse de l’État. Et, d’autre part, la baisse des prix de produits électroménagers et les facilités de vente à tempérament, en sus de booster le commerce, permirent à la classe ouvrière de prendre avantage en s’équipant, facilitant ainsi les travaux ménagers et améliorant la qualité de vie de nombreuses familles», étaye Cassam Uteem. Avec le textile et le tourisme fonctionnant à plein régime, le pays connaîtra bientôt une ère de prospérité.

«En 1983, Sir Anerood Jugnauth était à la tête d’une équipe compétente pour sortir le pays du marasme des affaires».

Cassam Uteem, ancien Président de la République

PARTENARIAT RENFORCÉ AVEC LE SECTEUR PRIVÉ

Ce qui fait dire à Maurice Vigier de La Tour, directeur de MVL Marketing, que sir Anerood Jugnauth était à son sens le véritable père du miracle économique mauricien. «Il avait tout de suite compris qu’il fallait ouvrir le pays vers l’extérieur. Il a donc accordé tout son soutien au développement de la zone franche et de l’industrie touristique. Ensuite, la baisse générale des taxes, en collaboration avec le ministre des Finances d’alors, a eu pour effet d’attirer pas mal d’investisseurs mauriciens et étrangers et de créer en conséquence des entreprises et des emplois», se souvient-il. Effectivement, les relations avec le secteur privé, confirme l’industriel de carrière et ex-directeur de la MEPZA, étaient au beau fixe puisque sir Anerood Jugnauth a toujours considéré le secteur privé comme un allié privilégié pour le développement économique et social du pays. «Il était un décideur qui prenait des décisions rapidement et veillait à leur application immédiate…

«Personnellement, j’ai eu l’occasion de l’accompagner lors de son voyage à Washington DC aux débuts des années 2000 pour rencontrer Bush, des membres du Congrès, et de la haute administration américaine. Ce voyage a eu pour effet de renforcer les liens entre Maurice et les États-Unis, et de sécuriser les conditions de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) qui avait été voté une année plus tôt», ajoute-t-il.

Fort de ce régime d’exception pour les exportations africaines aux États-Unis, et d’autres incitations notamment locales, le textile-habillement demeure un demi-siècle plus tard le segment tirant la performance de l’industrie manufacturière tournée vers l’exportation, et ce, malgré les différents cycles de crises conjoncturelles conjuguant inexorablement cette filière d’activités.

«Sir Anerood Jugnauth a toujours considéré le secteur privé comme un allié privilégié pour le développement économique et social du pays».

Maurice Vigier de la Tour, ex-directeur de la MEPZA.

 

Le politologue Avinaash Munohur souligne que le leadership de sir Anerood Jugnauth est connu pour sa rigueur et son sens du devoir. «Il est le père d’un certain modèle de développement, mais il faudrait aller plus loin encore en affirmant que ce modèle a produit la société de la consommation de masse qui caractérise aujourd’hui la société mauricienne», avancet-il. Le boom économique entamé dans les années 80 a permis l’apparition d’une classe moyenne puissante, ce qui à son tour a permis des shifts importants dans les modes de consommation et dans les styles de vie.

«Il est le père d’un certain modèle de développement… qui a produit la société de la consommation de masse qui caractérise aujourd’hui la société mauricienne».

Avinaash Munohur, Politologue

 

Pour Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius, la démarche de sir Anerood Jugnauth de développer d’autres secteurs de l’économie mauricienne a été la recette du succès. Ses actions ont permis de transformer Maurice d’un Lower Development Country à un Middle Development Country. Par la suite, en 2020, Maurice a accédé au statut d’Upper Income Economy. «Sir Anerood Jugnauth a occupé un rôle prépondérant tout au long de cette transformation. Sous son premier mandat, il est vrai que les secteurs du tourisme, du textile et, par la suite, des Tic ont connu un véritable boom économique. Certes, il faut reconnaître le leadership et la vision de SAJ en tant que capitaine de son gouvernement, mais il a également été aidé par de fins techniciens. Au final, c’est un travail d’équipe qui a permis à l’économie mauricienne de prendre son envol et d’avoir des piliers additionnels», développe-t-il.

En assurant la diversification de notre économie, en ouvrant nos frontières, en encourageant l’investissement étranger et le transfert des nouvelles technologies, sir Anerood Jugnauth aura permis au pays de monter en gamme dans les secteurs existants et a contribué à l’émergence de nouveaux secteurs tels que l’informatique, l’offshore et l’économie bleue naissante.

 

Une empreinte économique indélébile

Avec le décès de sir Anerood Jugnauth, c’est tout un pan de notre histoire politique, économique et social qui se tourne. Sir Anerood Jugnauth a piloté le miracle économique des années 80 avec Sir Gaëtan Duval et Vishnu Lutchmeenaraidoo alors que le pays traversait une crise sans précédent. Pour Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius, c’est à juste titre que sir Anerood Jugnauth est décrit comme le père du miracle économique.

Son leadership, son habilité à fédérer les individus autour d’une cause commune, son pragmatisme et sa force d’action ont formé une combinaison gagnante qui a permis à Maurice de saisir les opportunités qui ont par la suite défini l’industrie locale.

«Sir Anerood Jugnauth a occupé un rôle prépondérant tout au long de la transformation de Maurice d’un lower development country à un middle development country. Par la suite, en 2020, au statut d’upper income economy».

Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius

 

Bruno Dubarry, CEO de l’Association des manufacturiers mauriciens (AMM), est, lui, d’avis que sir Anerood Jugnauth aura laissé son empreinte sur notre croissance économique. «En décembre 2015, il était l’invité d’honneur des 20 ans de notre association au Casela. Lors de son discours, il avait alors exprimé sa confiance dans l’industrie locale. Il avait insisté sur le fait que le gouvernement mauricien compte beaucoup sur les producteurs locaux pour accéder à un nouveau palier de développement économique. Le projet Made in Moris était pour lui une initiative louable et avait fait préciser que nous devons encourager une culture d’achat mauricien ; la survie de notre industrie locale ainsi que notre économie en dépendaient.»

Par ailleurs, Jocelyn Chan Law, historien et observateur politique, rappelle que le trio sir Anerood Jugnauth, sir Satcam Boolell et sir Gaëtan Duval avait négocié avec le FMI et la Banque mondiale pour ne pas démanteler l’État providence. Et cela a porté ses fruits.

 

Un homme de vision et de conviction

Souvent surnommé Rambo, sir Anerood Jugnauth a eu un parcours politique remarquable, ayant remporté plusieurs législatives, soit celles de 1976, 1982, 1983, 1987, 1991, 2000 et 2014. Il était connu pour son franc-parler et avait une apparence quelque peu sévère, bourrue même. Éric Ng souligne que l’homme symbolisait la rigueur et la discipline. «Il avait une vision pour l’économie du pays. Il était focalisé sur la prospérité du pays et il croyait que cela permettrait la stabilité de Maurice», soutient-il.

Kevin Ramkaloan fait, lui, ressortir qu’on est tenu à retenir le grand chef d’État qu’il était. «Personnellement, le moment qui m’a le plus marqué est quand il est parti défendre la décolonisation devant le Tribunal de La Haye pour récupérer les Chagos. Je suis d’avis que c’est la culmination de son parcours, car c’est la seule personne qui aurait pu mener ce combat. C’est un moment historique qui me marquera jusqu’à la fin de mes jours», lance-t-il.

Kevin Ramkaloan ajoute qu’avec le recul, l’histoire a démontré que les décisions de sir Anerood Jugnauth étaient bien fondées, car elles ont servi à redynamiser l’économie mauricienne, qui sortait d’une période d’austérité. Son charisme et sa force de caractère, même si cela lui a occasionnellement joué des tours, font qu’aujourd’hui l’on se souvienne de son pragmatisme.

Pour sa part, Jocelyn Chan Low garde en mémoire de belles anecdotes sur le personnage. Il les partage : «Sir Anerood Jugnauth était une personne avec un fort caractère et a dirigé le pays avec une main de fer. Il n’a pas eu peur de prendre des décisions difficiles, et il les a assumées. Il faisait confiance à ses ministres et cela a accéléré la croissance économique durant ses périodes au pouvoir. C’était un homme qui aimait l’innovation, la preuve étant le développement de la Cybercité. Sa personnalité ne laissait personne indifférent. Je me souviens d’une anecdote lorsque je suis parti au Public Report Office d’Angleterre. Je consultais les archives et je suis tombé sur une description de sir Anerood Jugnauth datant des années 65. Les Anglais le décrivaient déjà comme un jeune politicien à fort potentiel. Cela voulait tout dire>>

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