À l’approche de la haute saison, les hôteliers sont optimistes. Car la performance en termes d’arrivées touristiques montre une nette progression.
LA dynamique est bonne dans le secteur touristique. Ainsi, pas moins de 470 640 visiteurs ont foulé le sol mauricien au cours des six premiers mois de l’année. Au total, 94 084 touristes ont visité le pays en juillet, soit 31 076 de plus que le mois précédent. Ce qui indique clairement que le nombre de touristes visitant le pays est actuellement bel et bien en hausse. Ce qui est de bon augure pour la prochaine haute saison, qui s’étendra d’octobre 2022 à avril 2023.
Le directeur général de l’OMG Company ajoute que la reprise avait été bien engagée en 2021, mais la vague Omicron est venue briser cet élan en fin d’année. Quoi qu’il en soit, la reprise se poursuit aujourd’hui. «Le variant Omicron a créé une nouvelle fois une psychose qui a duré jusqu’à fin mars. Nous avions alors manqué trois mois de l’année, notamment ce que nous considérons comme la haute saison dans le secteur du tourisme à Maurice», déplore-t-il.
«Notre reprise du tourisme par voie aérienne s’accélère, traversant les épreuves qui se dressent sur son chemin», observe le Dr Nadiir Bheekhun.
Taux de remplissage satisfaisant
Moody’s indique que depuis l’assouplissement des restrictions de voyage en octobre 2021, Maurice a connu une reprise similaire à celle d’autres États dépendants du tourisme. Cependant, selon certains observateurs, malgré les chiffres ambitieux annoncés en début d’année, le pays peine toujours à atteindre l’objectif visé en termes d’arrivées touristiques.
Un avis que ne partage pas Arvind Bundhun. Il étaye ses propos : «Je vous invite à faire le tour des hôtels pour constater le taux de remplissage qui dépasse les 70 % en moyenne dans la plupart des établissements 4- et 5-étoiles. Et pourtant, nous sommes en basse saison. Les réservations pour la haute saison montrent que nous devrons sans trop de problèmes atteindre notre objectif d’un million de visiteurs d’ici fin décembre».
Par contre, comme il le souligne, il nous reste à faire des efforts concernant les établissements 3-étoiles dont la clientèle voyage moins en raison des conséquences de la pandémie, de l’incertitude générée par la situation en Ukraine et d’un manque de vols dans l’aérien. La MTPA travaille en ce sens en multipliant les efforts de campagne dans nos principaux marchés, mais aussi dans des marchés émergents et d’opportunités. Du côté de l’aérien, Air Mauritius continue de multiplier ses vols et d’autres compagnies atterriront à Plaisance avec le début de la haute saison
Pour sa part, Umarfarooq Omarjee observe qu’à partir d’avril, un mois important avec les vacances de Pâques, la demande est revenue encore plus forte. En mai, elle a un peu baissé. Puis, en juin, les chiffres ont de nouveau augmenté de manière drastique, et en juillet, le nombre d’arrivées était là. «En ce mois d’août, on peut voir que les hôtels sont bien remplis, que les touristes sont de nouveau près de la plage et que les compagnies aériennes ont augmenté leur fréquence», renchérit-il.
Il précise qu’Air Belgium était jusqu’en juillet à une fréquence par semaine et qu’elle est passée à deux, conformément aux demandes des mois passés. Elle y restera ainsi jusqu’à la prochaine saison. Quant à Emirates, elle est également passée à deux vols par jour, et même maintenant à trois. Il est d’avis que bien que la stratégie du gouvernement soit ambitieuse, elle n’est pas irréalisable. Nous sommes une île, certains viennent par bateau, d’autres par avion. Plus nous avons de fréquences, plus nous avons d’opérateurs, plus nous avons de sièges, plus les chiffres deviennent possibles.
Je pense que nous devons poursuivre nos efforts sur le marché des émetteurs. La MPTA s’y emploie déjà. Nous voyons pas mal d’endroits où la destination Maurice est présente. Mais il ne faut pas oublier que lorsque l’Asie s’ouvre, il faut pouvoir capitaliser sur cette région. Mais aussi capitaliser sur d’autres pays de la région comme La Réunion et Madagascar. Il y a un flot de passagers qui veulent voyager, surtout après la Covid-19», ajoute Umarfarooq Omarjee. Mais surtout, il est d’avis qu’avec l’arrivée de la haute saison, il s’agit aussi de poursuivre les efforts sur la destination elle-même et d’avoir un bon pitch au niveau des opérateurs. «J’ai bon espoir que nous aurons une bonne haute saison d’octobre à mars de l’année prochaine, et ce avec le nombre d’opérateurs qui viennent à Maurice. Selon mes informations, les vols de novembre et de décembre sont déjà complets. Ce qui prouve que la demande est là, et j’estime qu’elle va davantage s’intensifier. Cependant, la chose à surveiller est le coût du billet avec l’augmentation du prix du pétrole et l’inflation mondiale», souligne-t-il.
Il est rejoint par le Dr Nadiir Bheekhun qui rappelle que l’objectif de One Mauritius est d’attirer un million d’arrivées touristiques d’ici à fin 2022. Il poursuit que la situation de notre industrie touristique se situe déjà dans une zone de reprise satisfaisante (63 %). Elle a été alimentée par nos marchés traditionnels que sont la France, La Réunion, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud. Mais, pour atteindre l’objectif avancé par One Mauritius, il est nécessaire de booster nos marchés potentiels, notamment l’Autriche, la Belgique, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite car les marchés traditionnels pourraient atteindre un nombre inférieur à celui de 2019 en raison de la situation économique difficile en Europe. Ainsi, un plan de secours pour combler cette lacune anticipée est nécessaire.
En temps voulu, l’autre côté de l’équation est la nécessité d’avoir une connectivité aérienne renforcée et une plus grande capacité de sièges pour répondre à la demande à créer des marchés d’opportunité.
Demande refouléee pour le long courrier
En clair, la haute saison s’annonce bien. Selon Arvind Bundhun, s’agissant des réservations, les partenaires de l’industrie touristique, que ce soit dans l’hôtellerie ou les réceptifs, sont positifs avec des carnets de réservations bien remplis jusqu’à mi-2023 avec des chiffres qui sont déjà à 80 % des taux pré-Covid-19. Donc, la saison 2022-2023 s’annonce bonne.
Idem pour Christian Lefèvre qui fait ressortir que sur la base des réservations, on peut déduire qu’il y a un très bel élan. Donc, il espère terminer l’année de façon positive tout en s’appuyant sur une forte demande refoulée pour le long courrier. On voit donc de meilleures perspectives pour la fin de 2022 à condition que l’inflation soit contenue et que la destination reste abordable et qu’on continue à assouplir les restrictions de voyage pour certains marchés spécifiques. Tout cela en espérant que le conflit entre la Russie et l’Ukraine soit résolu au plus vite. «Je pense que le tourisme devrait connaître une croissance assez forte dans les prochains mois pour retrouver son niveau de 2019 dans un laps de temps relativement rapide», estime-t-il.
Ainsi, la demande va devenir beaucoup plus intense et les choses devraient commencer à réellement bouger. Il y a un vrai potentiel sur la Malaisie, Singapour et le marché asiatique de manière générale, indique Umarfarooq Omarjee. Il en est de même pour l’Australie. Il y a aussi la diaspora mauricienne qui dépense. S’agissant du Moyen-Orient, on peut compter sur les vols d’Emirates et de Saudi. «Je m’attends qu’à partir d’octobre à mars 2023, toute aviation confondue, on revienne à un ‘load factor’ de 75 %. C’est peut-être ambitieux, mais je pense que c’est réalisable», insiste Umarfarooq Omarjee, qui insiste qu’il faut surveiller le prix du billet avec l’augmentation du prix du pétrole et de l’inflation mondiale.
L’autre facteur à considérer, c’est la forte hausse des prix des chambres de certains établissements. Pour Christian Lefèvre, si le contexte économique mondial n’impacte pas encore les flux de voyageurs, il affecte toutefois les coûts de production et donc les prix de vente.
Encore plus important dans la formule de réussite, l’incontournable connectivité aérienne. Sans une augmentation drastique et rapide de sièges, nous resterons dans une utopie. Le transport aérien est crucial pour le tourisme. Les deux secteurs sont interdépendants et ne devraient en aucun cas subir des politiques sectorielles séparées. Dans l’équation, Christian Lefèvre précise qu’il ne faudrait surtout pas oublier les bateaux de croisières. Si nous voulons nous rapprocher de la performance de l’année 2019, outre les marchés porteurs, nous devrions nous appuyer fortement sur la coopération régionale et considérer les marchés voisins non pas comme des concurrents, mais comme des atouts qui peuvent attirer des visiteurs internationaux vers notre pays, facilitant l’émergence d’un circuit touristique Sud-Sud.
Le nombre de touristes visitant le pays est actuellement bel et bien en hausse, ce qui est bon augure pour la prochaine haute saison qui s’étendra d’octobre 2022 à avril 2023
UNE STRATÉGIE DE MARKETING QUI PORTE SES FRUITS
Le tourisme a toujours été un des piliers les plus solides de l’économie mauricienne. Sa bonne performance aujourd’hui reste cruciale pour sa reprise. Quelle serait alors la meilleure stratégie pour attirer le maximum de voyageurs, surtout avec la haute saison qui arrive bientôt?
Arvind Bundhun trouve que l’objectif fixé par le ministre du Tourisme raisonnable dans le contexte post-pandémique même s’il est bien évidemment en deçà des chiffres de 2019. Il prend en compte les différents aléas actuels et à venir. «Du côté de la MTPA, nous n’avons pas attendu le chiffrement de cet objectif pour travailler à la promotion de la destination. Même pendant la période de fermeture de nos frontières, nous sommes restés très actifs afin que la destination reste en haut dans la liste des envies des voyageurs sur nos marchés.
C’est un travail qui n’est pas visible. D’où les sempiternelles récriminations des détracteurs. Mais aujourd’hui nous récoltons les fruits de nos efforts avec des hôtels remplis et un secteur en pleine activité», soutient-il.
Afin de répondre à la haute saison à venir depuis les marchés traditionnels, Maurice est obligé d’accroître sa capacité en sièges, estime le Dr Nadiir Bheekhun. L’approche la plus simple consiste à ajouter un autre vol quotidien d’Emirates. C’est exactement ce qui a été fait. Dans la foulée de la réintroduction des vols biquotidiens, la compagnie aérienne nationale de Dubaï a annoncé son intention de multiplier les fréquences vers Maurice à partir du 1er octobre 2022. La fréquence supplémentaire du soir fonctionnera jusqu’au 31 janvier 2023.
«Ce troisième vol quotidien dynamisera la capacité en sièges à destination et en provenance de Maurice d’environ 35 %, répondant à la hausse de la demande et apportant un soutien supplémentaire à l’industrie du tourisme pendant l’une des saisons de voyage les plus chargées. Ainsi, cette initiative peut être pleinement exploitée en ciblant agressivement les marchés d’opportunité pendant cette période de trois vols par jour par Emirates. Cependant, comme je l’ai toujours souligné, Air Mauritius, en tant que compagnie aérienne nationale, doit grandir avec notre industrie du tourisme. Les stratégies proposées pour la compagnie aérienne doivent être continuellement filtrées et corrigées pour s’adapter à la demande actuelle de transport aérien, tandis que l’exécution par MK doit être surveillée avec diligence pour garantir l’efficacité, la rentabilité et, par conséquent, peut s’adapter à toute expansion de la flotte et aller au-delà à la création d’une alliance aérienne. Deuxièmement, une équation tripartite robuste doit être conçue pour optimiser la relation entre MTPA, MK et AML. Ce cadre apportera une maximisation des revenus à AML et surtout MK, à mesure que notre capacité touristique augmentera», avance le Dr Nadiir Bheekhun.
Le tourisme va retrouver son niveau de 2019 dans un laps de temps relativement rapide
Répondre à la demande pour des séjours de courte durée
Depuis deux ans, dit-il, le secteur est en pleine mutation. «Nous constatons que les voyageurs reprennent confiance dans le secteur, malgré la menace d’une nouvelle maladie sous surveillance : la variole du singe. Cela dit, il y a encore beaucoup de défis à relever. D’ailleurs, il faut le dire, les chiffres sont très ambitieux pour l’exercice 2022-2023, soit 1,4 million de touristes. Certains sont optimismes alors que d’autres sont toujours inquiets. Ils estiment que nous aurons 300 000 arrivées par trimestre, mais il faut bien faire la différence entre les passagers et les touristes», argue-t-il.
Revoir la stratégie de marketing
De l’avis du Dr Takesh Luckho, les chiffres du ministre du Tourisme sont très ambitieux. Selon lui, dans un scénario optimiste, on peut avoir dans les 800 000 touristes en 2022. Mais, dans un scénario pessimiste, on peut espérer attirer environ 650,000 à 700,000 touristes. «Il y a deux raisons à cela. La façon dont les touristes choisissent leur destination a changé. Et deuxièmement, la destination mauricienne s’est dépréciée en roupies. Je suppose que c’est une stratégie du gouvernement. Nous créons une compétitivité artificielle, alors que la qualité du service touristique est toujours la même. De plus, nous offrons le même forfait. Par conséquent, les touristes ne se déplacent pas. D’un autre côté, nous avons dépensé de l’argent pour la promotion de la destination : Rs 11 milliards pour l’Inde et Rs 15 milliards pour le Royaume-Uni. Mais, quand on analyse les chiffres, force est de constater que nous n’avons pas beaucoup de touristes indiens et britanniques qui viennent. J’estime alors qu’il est grand temps de se poser les bonnes questions sur l’image de marque et le marketing de notre île», relève-t-il.
Atteindre 1,4 million de touristes d’ici à juin 2023
Sur le plan de la connectivité aérienne, il indique qu’Air Mauritius a déjà programmé deux vols hebdomadaires sur Cape Town, Perth et Kuala Lumpur. Il y aura au total six vols de Corsair par semaine à partir de fin octobre, trois vols quotidiens d’Emirates et un vol de Turkish Airlines par jour sur la période allant d’octobre 2022 à janvier 2023.
Par ailleurs, Steven Obeegadoo a annoncé qu’un roadshow sera organisé très prochainement en Arabie saoudite. De même, un Trade fair est prévu prochainement à Mumbai. De plus, un comité conjoint réunissant des membres de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice et le secteur privé sera institué afin de modifier l’offre touristique. Et de conclure : «Mis à part les touristes qui cherchent le soleil et la plage, nous travaillons sur des offres pour ceux qui s’intéressent aux randonnées, aux activités sportives ou au tourisme culturel».