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Global business : ouvrir un nouveau chapitre

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Richard Le Bon

“Maurice ne pourra se passer de l’apport massif en IDE des multinationales américaines”

La crise de Covid-19 a un coût colossal sur l’économie mondiale. Sans l’injection massive de capitaux et l’apport des banques centrales, le monde serait plongé dans le chaos. Mais cette masse monétaire qui irrigue aujourd’hui l’économie réelle ne coulera pas à flots éternellement.
Récemment, l’Union européenne a donné son aval pour son ambitieux plan de relance. Au total, 806 milliards d’euros seront levés d’ici à 2026 grâce à de la dette commune. Aux États-Unis, le plan Biden se résume à l’injection de 1 900 milliards de dollars d’argent frais pour accélérer la relance. Il va sans dire que ces initiatives audacieuses laisseront les finances publiques exsangues. Et tôt ou tard, il faudra renflouer les caisses. D’où sans doute la volonté exprimée de part et d’autre de l’Atlantique de restreindre au maximum le mouvement des capitaux. Ainsi, dans le cadre de leur réforme fiscale baptisée Made in America Tax Plan, les Américains entendent récupérer pas moins de 2 000 milliards de dollars de bénéfices réalisés par leurs multinationales à l’étranger. Pour contraindre ces grosses fortunes à ne pas se tourner vers des juridictions offshore pour leur stratégie d’optimisation fiscale, Washington propose l’introduction d’un impôt minimum global de 21 %, un projet de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) auquel l’ancien président, Donald Trump, n’avait pas voulu adhérer. Concrètement, si cette taxe minimale était appliquée, un investisseur américain se tournant vers Maurice devrait logiquement s’acquitter, outre la taxe de 3 % sur le territoire mauricien, d’un impôt additionnel de 18 % aux États-Unis. Il s’agira en quelque sorte d’une double imposition avec pour objectif de vider le principe d’optimisation fiscale de sa substance.
Mais, on n’en est pas encore là. Il va sans dire qu’une telle mesure qui touche à la souveraineté fiscale des États lésés ne saurait être appliquée de manière unilatérale. Le jeu démocratique voulant qu’elle fasse l’objet de discussions au sein de l’Inclusive Framework de l’OCDE qui regroupe 135 pays, dont Maurice. Mais si les Américains et les Européens se montrent déterminés à aller de l’avant avec l’impôt minimum global, on ne voit pas comment Maurice, même s’il se regroupe au sein d’un front commun, saura faire entendre sa voix. Et si par malheur, le pire des scénarios se matérialisait comme cela a été le cas pour la liste noire de l’Union européenne, les dégâts seraient conséquents. Les chiffres officiels nous permettent d’en mesurer toute la portée. Selon la Financial Services Commission, l’on comptait à fin février 2021, 2 065 structures de GBC dont les fonds provenaient des États-Unis, soit 17 % des sociétés offshore en activité. Qui plus est, valeur du jour, les États-Unis demeurent le plus important contributeur en termes de flux d’investissements directs étrangers (IDE) à Maurice. À fin juin 2020, les investissements en provenance des States culminaient à 63,9 milliards de dollars.
Clairement, Maurice ne pourra se passer de cet apport massif en IDE des multinationales américaines. Le risque, on le connaît : c’est tout le système bancaire et financier qui est susceptible de dérailler si au moyen de la coercition, ces fonds quittaient notre territoire. Notre secteur financier n’a qu’une trentaine d’années. Or, en ce court laps de temps, son apport à la consolidation du secteur bancaire a été inestimable. Dans son dernier Brief sur le secteur bancaire local, Moody’s ne manque pas de mettre en exergue que les dépôts du segment B (international) représentaient à décembre 2020, 56 % de la base de dépôt et 40 % des passifs bancaires (l’équivalent de 156 % de notre PIB) contre 35 % pour les dépôts domestiques. De plus, les devises étrangères sont principalement en dollar et comptaient pour 61 % de la base de dépôt, desquels 83 % sont apportés par l’offshore, révèle Moody’s. 
Si aujourd’hui, l’économie mauricienne ne s’est pas écroulée tel un château de cartes c’est grâce à nos réserves de change qui sont alimentées principalement par les dépôts étrangers. Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, ne s’est pas trompé lorsqu’il a déclaré récemment que dans l’élaboration du Budget 2021-2022, il faudra se rappeler que l’équilibre du système bancaire et financier est vital et constitue le socle de notre économie. En qu’en tant que tel, on doit éviter à tout prix qu’il ne soit gagné par la contagion.
À la croisée des chemins, le secteur du global business doit accélérer son repositionnement sur l’Afrique, terre de toutes les convoitises et prochaine locomotive de la croissance mondiale. Sans cesse accablé et pointé du doigt par l’Inde hier et par l’Union européenne, la Grande-Bretagne et les États-Unis aujourd’hui, Maurice a tout à gagner à se rapprocher de ses frères africains. Lentement mais sûrement, on avance dans la bonne direction. Selon Moody’s, on compte plus de structures de global business qui se focalisent sur l’Afrique que sur l’Inde. Or, les flux d’IDE à destination de l’Afrique représentaient grosso modo quelque 1 milliard de dollars à fin juin 2020 contre 7,9 milliards de dollars pour l’Inde.

Richard Le Bon

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