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Industrie du plastique Répit de courte durée

Various colorful plastic products

Le gouvernement a répondu partiellement à l’appel des acteurs de l’industrie du plastique en leur accordant un moratoire d’un an pour abandonner la fabrication d’une partie des produits en plastique à usage unique.

Carine TOURETTE/Rachelle VEERASAMY

La date du 15 janvier 2021 avait été annoncée comme devant être celle mettant fin à l’utilisation du plastique à usage unique à Maurice. Si certains voyaient cette interdiction d’un très bon œil, notamment d’un point de vue environnemental, d’autres questionnaient la pertinence d’une décision aussi rapide et son impact sur l’industrie locale. Il semblerait d’ailleurs que les griefs des acteurs engagés dans la filière du plastique et de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM) aient été entendus car le gouvernement a décidé en fin de semaine dernière d’accorder un moratoire jusqu’au 15 janvier 2022 pour certains produits en plastique.

Or, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est qu’une partie des produits en plastique qui a été exemptée jusqu’en 2022. Il s’agit des produits en plastique non biodégradable et à usage unique utilisés uniquement pour l’emballage de produits alimentaires comme les produits laitiers, yaourts, glaces et desserts ; et les plateaux jetables utilisés uniquement pour le Modified atmosphere packaging (MAP) de produits alimentaires frais, cuits et précuits (viandes, charcuteries, burgers, fruits de mer et fromages).

Réagissant sur ce point, Mickaël Apaya, Head of Sustainability and Inclusive Growth à Business Mauritius, se réjouit du fait que le gouvernement ait accordé le temps nécessaire pour permettre aux opérateurs de l’industrie locale de faire la transition. «En juillet 2019, le plastique à usage unique était cité dans une liste d’une dizaine de produits. Certains produits sur cette liste allaient dans le sens des interdictions mises en œuvre à travers le monde. Mais pour d’autres produits, comme les plateaux jetables, cela allait plus vite que le calendrier international. Dès juillet, Business Mauritius, de concert avec la Chambre de Commerce et l’AMM, a ouvert la discussion et fait savoir que c’était assez précipité. Nous n’étions pas contre, mais il fallait être pragmatique», explique-t-il.

L’une des premières raisons était que certains produits en plastique à usage unique, à l’instar des bols, des gobelets et des plateaux, relèvent du packaging qui permet aux entreprises productrices locales de respecter les normes d’hygiène et du Food Act et qu’on ne pouvait les interdire sans alternatives. Ensuite, il fallait permettre aux produits locaux de concurrencer les produits importés sur un pied d’égalité. «Je pose la question : pourquoi interdire les pailles en plastique avec les briques de jus par les producteurs mauriciens alors que les mêmes types de produits importés avec des pailles peuvent entrer librement sur le marché ?», déplore-t-il.

Comportement des consommateurs

Selon Mickaël Apaya, il y a un gros travail à faire, d’abord sur le comportement des consommateurs. «L’interdiction est une des solutions, tout comme l’est la taxe. Il y a aussi le juste milieu qui relève de la responsabilité du consommateur et du producteur, notamment à travers la responsabilité élargie des producteurs. Il y a également toute une filière à mettre en place car il faut la récupération industrielle du plastique. Il faut savoir que même si le plastique est en matière biodégradable, sa dégradation ne se fait que sous des conditions d’humidité et de température qui ne peuvent être constituées que dans des conditions industrielles», insiste-t-il. Selon lui, si ce travail n’est pas fait, il y aura certes moins de micro-plastique qui ira dans la nature, mais la pollution visuelle du plastique, cette fois biodégradable, persistera.

De son côté, Fabienne Harel, gérante de l’Écolo, Le Coin Zéro Déchet, fait remarquer que le plastique en soi n’est pas un problème. «Il est au contraire très serviable dans beaucoup de domaines et souvent se conserve longtemps. En revanche, le plastique à usage unique n’est utilisé qu’une seule fois et jeté par la suite. Cela crée une large production et beaucoup de déchets dans la nature», observe-t-elle.

Quant à Gaël Bourdon et Oliver Guillou, les fondateurs d’Ecolife, ils précisent que le plastique se décompose lentement en petits morceaux de plastique appelés micro-plastiques. «La décomposition des sacs en plastique et des contenants en polystyrène peut prendre jusqu’à des milliers d’années. Entre-temps, il contamine notre sol et notre eau qui en retour nourrissent les animaux marins», préviennent-ils.

Si l’on veut réduire l’utilisation du plastique, il faut commencer par adopter des gestes simples, insistent-ils. Ils étayent leurs propos : «Il faut éviter les bouteilles en plastique non recyclées et les pailles en plastique. Il faut aussi recycler autant que possible et soutenir les établissements qui le font. Il est aussi conseillé d’acheter des articles en vrac comme le riz, les grains secs et les fruits secs, entre autres, pour réduire les emballages en plastique».

Qu’en est-il des opportunités pour les opérateurs qui s’engagent dans la fabrication de produits alternatifs au plastique ? «Je pense qu’il y a un grand avenir dans ce domaine. À Maurice, nous avons énormément de ressources pour fabriquer des produits écologiques, que ce soit avec la bagasse ou le bambou», souligne Fabienne Harel. Elle est rejointe par Gaël Bourdon et Oliver Guillou. «Ce sera l’occasion pour les opérateurs qui s’engagent dans la fabrication de produits alternatifs au plastique de se mettre en avant. Beaucoup seront à la recherche de ces produits, mais ne savent pas exactement où en acheter», soutiennent-ils.

Le compte-à-rebours est lancé : pour les opérateurs engagés dans la filière, il s’agira de s’inventer au plus vite en exploitant de nouvelles filières.

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