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Nouvelles routes maritimes : Maurice veut optimiser le potentiel commercial avec l’Afrique de l’Est et l’Inde

Avec la creation prochaine de la route de l’Inde et la route de l’Afrique orientale, Maurice entend tirer profit des nouvelles opportunités commerciales avec l’Afrique tout en consolidant ses exportations avec l’Inde.

Afin de renforcer la croissance et d’amortir les chocs futurs liés aux crises économiques, le Budget 2022-2023 se veut être un catalyseur pour apporter des changements profonds à la machinerie économique. L’un des axes prioritaires est de rendre ses lettres de noblesse à la production locale tout en facilitant l’exportation de ses produits.

Pour atteindre cet objectif, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a annoncé la création de deux nouvelles routes maritimes. La première, à savoir la Route de l’Inde, débutera en septembre prochain et desservira l’Inde, le Sri Lanka et les Seychelles. Le second itinéraire, nommé la Route de l’Afrique orientale, quant à lui, débutera en novembre 2022 et desservira l’Afrique de l’Est, comprenant Madagascar, la Tanzanie et le Kenya.

Ce double projet sera piloté par l’Economic Development Board (EDB). Il faut savoir que la création de ces deux voies maritimes s’inscrit dans le sillage de l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) et du Comprehensive Economic and Partnership Cooperation Agreement (CEPCA) qui concerne l’Inde. Par le biais de la mise en place de ces itinéraires, Maurice entrevoit de nouvelles opportunités pour positionner ses produits fabriqués localement sur ces marchés. «Comme vous le savez, au niveau de l’Economic Development Board de Maurice, nous déployons de nombreux efforts pour pénétrer les marchés africains, à savoir l’Afrique du Sud, Madagascar, le Kenya, les Seychelles et les Comores. Notre principal marché d’exportation régional demeure l’Afrique du Sud où nous exportons essentiellement du textile et de l’habillement. Il nous reste cependant de nombreux défis à surmonter pour pénétrer davantage les marchés africains, notamment en matière de connectivité, de logistique et de transport. La coopération régionale sera définitivement bénéfique, car Maurice exporte des produits finis mais importe également des matières premières de la région», évoque Hemraj Ramnial, Chairman de l’EDB.

MISSION MULTISECTORIELLE

Ainsi, afin d’optimiser la création de ces deux voies maritimes, une mission multisectorielle sera organisée. L’objectif étant de promouvoir le commerce et l’investissement au Kenya, en Tanzanie et au Botswana. Lors de de cette mission, le secteur manufacturier et le secteur des services seront mis en avant.

Le CEO d’International Economics Consulting, Paul Baker, salue la décision des autorités d’initier l’ouverture de deux nouvelles lignes commerciales. D’abord, concernant la Route de l’Afrique orientale, il estime qu’elle apportera une meilleure connexion commerciale avec l’Afrique et l’Asie. «Ce projet ambitieux consiste à positionner stratégiquement Maurice comme étant un ‘transport hub’ pour la région. En reliant le marché de l’Asie du Sud à celui de l’océan Indien et des marchés orientaux de l’Afrique, ces voies maritimes permettront à notre pays d’entrevoir de nouvelles opportunités. Par exemple, ces routes vont permettre d’accéder aux importations de ces marchés», explique-t-il.

Outre la consolidation de nos acquis, la création de la Route de l’Inde et de la Route de l’Afrique orientale représente de nouvelles opportunités économiques non négligeables.

D’abord, au niveau de la voie maritime qui concerne l’Afrique de l’Est, l’EDB indique que le choix de cette partie du continent a été mûrement réfléchi. Pour cause, l’Afrique de l’Est comprend 14 économies, à savoir, le Burundi, les Comores, Djibouti, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Kenya, le Rwanda, les Seychelles, la Somalie, le Soudan du Sud, le Soudan, la Tanzanie et l’Ouganda, et représente un marché d’environ 460 millions d’habitants. Cette région enregistre la croissance la plus rapide du continent. En effet, l’Afrique de l’Est a connu un taux de croissance annuel moyen de 6,7 % entre 2013 et 2017, soit plus du double de la moyenne africaine pour cette période. «Malgré la pandémie de Covid-19, il est intéressant de noter la résilience de ces pays. Selon la Banque africaine de Développement, les États d’Afrique de l’Est ont maintenu une bonne croissance à 4,1 % en 2021. L’Afrique de l’Est pourrait être une source importante d’approvisionnement en matières premières pour nos industries soucieuses de développer des partenariats avec des fournisseurs alternatifs de la région. C’est cette collaboration qui favorisera le développement d’une identité régionale, d’où le concept du ‘Made Through Africa’», souligne Hemraj Ramnial.

Au niveau de l’EDB, cet aspect qui porte sur le développement d’une chaîne d’approvisionnement régionale est au cœur de sa stratégie. En guise d’exemple, une filature qui utilise le coton en provenance de Madagascar traite le produit à Maurice avant de le réexporter vers l’Afrique. Nous avons aussi une entreprise sud-africaine qui vient de s’installer chez nous pour le raffinage de l’or, qui sera par la suite réexporté. La stratégie de Maurice est de se diversifier et de se tourner vers les pays d’Afrique tels que le Botswana, la Namibie, le Kenya et la Tanzanie. De plus, l’EDB entend entamer des études de marché très prochainement pour accroître nos exportations vers d’autres marchés africains.

De son côté, Paul Baker indique qu’en partenariat avec la Commission Économique des Nations unies pour l’Afrique (UNECA), l’International Economics Consulting a récemment mené une étude sur le marché de l’Afrique de l’Est. Celle-ci a démontré que certains secteurs clés présentent un potentiel économique. Parmi, l’on retrouve notamment des produits pharmaceutiques, l’exploitation des chaînes de valeur alimentaires régionales, les services d’éducation et de santé, la promotion des services dans les nouvelles technologies, les exportations de bijoux et de vêtement. Ce sont là autant d’opportunités que Maurice pourrait saisir dans le futur.

S’agissant de la voie maritime en liaison avec l’Inde, l’EDB note que notre pays bénéficie déjà d’un accès préférentiel pour 615 produits à travers le CECPA. Avec la Route de l’Inde, Maurice ne vise pas la masse. Car, comme en témoignent nos recettes d’exportations (Rs 1,8 milliard en 2021), nous avons déjà une belle présence sur cet axe. Ce faisant, nous comptons davantage miser sur notre positionnement dans les grandes villes métropolitaines et le développement de marchés de niche. Nous avons d’ailleurs récemment entrepris une étude de marché pour déterminer comment mieux positionner les produits bénéficiant d’un accès préférentiel. Il est cependant important de comprendre les exigences de chacun de ces marchés car ils sont différents de nos marchés traditionnels.

L’intérêt d’étendre le Freight Rebate Scheme en Afrique du Sud

L’Afrique du Sud est un adepte des produits fabriqués à Maurice. D’ailleurs, les derniers chiffres de Statistics Mauritius sur l’import-export montrent que l’Afrique du Sud ¾gure en pole position des produits que nous exportons. Avec des recettes de l’ordre de Rs 1,237 milliard rien que pour le mois de mars, ce pays voisin s’est érigé comme un partenaire clé dans notre stratégie d’exportation.

Dans l’optique de renforcer ce lien, le ministre des Finances a annoncé l’extension du Freight Rebate Scheme pour les exportations vers l’Afrique du Sud. Lancé en 2014, ce programme permet aux exportateurs de béné¾cier d’un remboursement de 25 % du coût du fret maritime de base avec un maximum de 300 USD par conteneur de 20 pieds et de 600 USD par conteneur de 40 pieds. Ce régime couvrait jusqu’à présent uniquement les conteneurs exportés vers 45 ports d’Afrique, de Madagascar et de La Réunion. Il couvrira désormais les exportations vers l’Afrique du Sud effectuées par les PME.

Toutefois, selon Paul Baker, bien que cette annonce soit une mesure phare pour le secteur manufacturier, elle reste néanmoins restrictive pour d’autres secteurs. «Ce commerce concerne presque un seul secteur, à savoir le textile et l’habillement, qui représente plus de 80 % des exportations vers l’Afrique du Sud (82 % en 2021). En tant que tel, le système de rabais (Freight Rebate Scheme) visera principalement à soutenir l’industrie du textile», estime-t-il. Avant d’ajouter que les autres produits concernés sont des articles en aluminium (8 millions d’USD), en plastique (7 millions d’USD), des boissons (6 millions d’USD en 2021) et des produits en fer ou en acier (5,5 millions d’USD).

C’est pour ces raisons que l’EDB indique que la diversification des produits que Maurice proposera va être un atout important pour optimiser nos exportations. «Les industries et commerces en Afrique de Sud rencontrent actuellement des dif¾cultés pour s’approvisionner en Chine en raison d’une perturbation de la chaîne d’approvisionnement et du coût élevé du fret. Nous devons pro¾ter de cette aubaine pour attirer plus d’acheteurs vers les produits mauriciens. Les acheteurs sud-africains pourraient ainsi béné¾cier de «rebate cost» étant donné notre proximité géographique. Plus encore, les avantages ¾scaux tels que les exemptions des droits de douane à travers nos accords de commerce régional pourront faire pencher la balance en notre faveur», plaide-t-il.

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