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Secteur bancaire : Un pas de plus vers une société «cashless» avec la roupie numérique

La roupie numérique sera lancée sur une base pilote en ce début d’année. Il s’agit d’un grand pas vers la modernité de notre économie. Tombant sous la tutelle de la Banque centrale, elle visera non seulement à dynamiser les échanges commerciaux, mais aidera aussi à transformer Maurice en une société «cashless». 

La monnaie numérique de banque centrale (Central Bank Digital Currency – CBDC) est appelée à jeter les bases pour la transformation d’un écosystème de paiement local dans les années à venir. Ce nouvel outil vise à faciliter les échanges commerciaux, mais aussi à améliorer le paysage financier local à travers de nouvelles possibilités. La principale caractéristique de ce crypto-actif, c’est qu’il est dûment régulé par une autorité monétaire. Concernant la roupie numérique, qui sera lancée sur une base pilote, elle sera entièrement sécurisée car elle repose sur la technologie de la blockchain.

Pour l’économiste Manisha Dookhony, la CBDC va faciliter les paiements entre les banques commerciales, les banques centrales et les entités qui détiennent un compte auprès de ces mêmes banques centrales. De plus, elle pourra être utilisée par les entreprises et les particuliers. Dans le cas de Maurice, la roupie numérique pourrait être privilégiée pour les transactions offshore.

«La monnaie numérique mauricienne octroie la possibilité de faire un paiement en seulement quelques secondes, et cela, aussi bien en étant à Maurice que dans un autre pays. En outre, ce nouvel outil dynamisera les paiements transfrontaliers avec des frais minimes. Par exemple, les commerçants pourront dorénavant contourner les frais de traitement des cartes de crédit. La CBDC promet une livraison efficace des paiements. Plus globalement, les monnaies numériques émises par les banques centrales peuvent être également ‘étiquetées’ pour les rendre valables uniquement pour l’achat de certains produits, comme la nourriture. Le même principe peut être appliqué pour garantir de l’aide aux personnes démunies», explique Manisha Dookhony.

Le Dr Bhavish Jugurnath, économiste, abonde dans le même sens. Il est d’avis que la roupie numérique soutiendra, par extension, l’économie numérique de Maurice. Elle renforcera aussi l’inclusion financière et rendra les systèmes monétaires et de paiement plus efficaces. «La CBDC est une monnaie souveraine émise par la Banque de Maurice en alignement avec sa politique monétaire. Elle sera librement convertible contre l’argent des banques commerciales et les liquidités. La CBDC sera une monnaie légale fongible pour laquelle les détenteurs n’auront pas besoin d’avoir un compte bancaire. Plus important encore, la CBDC devrait réduire le coût d’émission de la monnaie et des transactions», indique-t-il.

Diminuer les coûts d’impression des billets

Sameer Sharma, expert en investissements alternatifs, partage le même avis. Selon lui, cette innovation numérique financière confirme que Maurice s’est embarqué vers une société cashless. Il indique que sous sa forme non rémunérée, la roupie numérique vise à réduire le coût des transactions tout en offrant une forme de paiement plus sûre. L’utilisation de la CBDC peut également faciliter les transactions en ligne ou par téléphone mobile entre les acteurs économiques.

Outre de changer le rapport à l’argent, la roupie numérique permettra de réaliser des économies sur le remplacement des billets usagés.

«Aujourd’hui, Maurice compte environ Rs 50 milliards de devises en circulation, soit environ 10 % du PIB en différentes coupures. Au fil du temps et à mesure qu’ils sont utilisés et échangés, les billets se détériorent et doivent être remplacés. D’un autre côté, les techniques des faussaires s’améliorent pour copier les billets et la nécessité de remplacer les billets physiques est donc une question de temps. Le coût du remplacement dépend du type de papier utilisé (polymère, par exemple), de l’imprimante, du volume commandé et du niveau des éléments de sécurité. Vous remarquerez qu’à Maurice, tous les billets n’ont pas été convertis en polymère, car celui-ci est plus cher», souligne-t-il.

Mais le prix a également fluctué avec la crise de la Covid-19 et ses perturbations connexes du côté de l’offre, notamment dans la fabrication des puces. Cela a exercé une forte pression sur les coûts des imprimeurs de billets bien connus. Il faudra donc s’attendre à une hausse des coûts.

L’expert en investissements alternatifs poursuit son analyse en soutenant que si des billets sont moins imprimés dans les années à venir, cela n’améliorera pas forcément les résultats financiers de la Banque centrale. «Contrairement à la grande majorité des autres banques centrales, la BoM émet des titres à long terme, tels que des obligations jubilaires et d’autres instruments d’épargne qui devraient généralement être utilisés par le secteur local de la gestion d’actifs et d’autres institutions de dépôt. Ces expositions à plus longue durée augmentent le coût pondéré de l’émission et de la gestion du stock de monnaie sous diverses formes, de M0 à M3. Se contenter de considérer le coût de l’impression des billets et de leur remplacement n’est donc qu’un sous-ensemble du coût total du seigneuriage et ne tient pas compte des différentes formes de monnaie de M0 à M3», précise-t-il.

Partenariat avec Thomas De La Rue

Comme nous l’avons vu, la création d’une CBDC permet d’être moins dépendante de la monnaie physique. L’économiste Takesh Luckho rappelle la Banque de Maurice a un partenariat de longue date avec la société Thomas De La Rue Limited, un fabricant britannique de papier, d’encre spéciale et de dispositifs de marquage de traçabilité. C’est en 1860 que ladite compagnie obtient son premier contrat avec la Banque centrale pour fournir les premières monnaies fiduciaires. «Nos planches à billets sont d’ailleurs toujours chez Thomas De La Rue Limited en Angleterre. Nos billets sont actuellement imprimés en utilisant le procédé Safeguard qui comprend un support polymère et Mask, mais également en Gemini TM. Tous ont des spécificités, comme par exemple, certains billets révèlent des chiffres ou des lettres cachés lorsqu’ils sont regardés à la lumière, tandis que d’autres peuvent être vérifiés via des rayons UV», précise Takesh Luckho.

Pour en revenir au processus de l’impression des billets de banque, la BoM décide de la valeur de la monnaie locale à être imprimée, mais également des dénominations requises avant d’envoyer la commande à Thomas De La Rue Limited.
Ainsi, indique Takesh Luckho, pour l’année fiscale clôturant le 30 juin 2019, l’impression a coûté environ Rs 94 millions. Cela se décortique comme suit : Rs 53 millions pour les pièces et Rs 41 millions pour l’impression des billets. Pour la même période se terminant le 30 juin 2021, la facture a été moins salée : Rs 54 millions, soit
Rs 33 millions pour les pièces et Rs 21 millions pour l’impression des billets.

À mesure qu’on bougera vers des solutions sans numéraires comme la roupie numérique, ce sont des coûts qu’on devrait réduire.

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