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Triangle de Mundell : les clés pour assurer l’autonomie monétaire dans un modèle de taux de change flottant

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Au vu de son statut de centre financier, Maurice est contraint d’évoluer dans un environnement de taux de change flottant. À un moment où l’on parle de la nécessité de revoir notre cadre de politique monétaire, le triangle de Mundell est susceptible de nous guider sur la voie à suivre.

L’IMPOSSIBLE trinité ou le triangle de Mundell est un principe économique selon lequel, dans un contexte international, une économie ne peut atteindre simultanément une libre circulation des capitaux, une politique monétaire autonome et un régime de change fixe.

RAVIN DAJEE (MANAGING DIRECTOR D’ABSA MAURITIUS)

Étant donné que – à tout moment – seuls deux des trois objectifs peuvent être atteints, les pays sont confrontés à trois scénarios. Ravin Dajee, Managing Director d’Absa Mauritius, explique que dans le premier scénario, un pays peut choisir de fixer ses taux de change avec un ou plusieurs pays et avoir une libre circulation des capitaux avec les autres. S’il choisit ce scénario, une politique monétaire indépendante ne sera pas réalisable car les fluctuations des taux d’intérêt créeraient des compromis de devises qui mettraient sous tension les parités monétaires et entraîneraient leur rupture.

Dans le deuxième scénario, le pays peut choisir d’avoir une libre circulation des capitaux entre toutes les nations étrangères et d’avoir une politique monétaire autonome. Les taux de change fixes entre toutes les nations et la libre circulation des capitaux s’excluent mutuellement. Par conséquent, un seul choix est possible à la fois. Ainsi, s’il y a une libre circulation des capitaux entre toutes les nations, il ne peut y avoir de taux de change fixe.

Selon le troisième scénario, si un pays choisit des taux de change fixes et une politique monétaire indépendante, il ne peut y avoir de libre circulation des capitaux. Encore une fois, dans ce cas, les taux de change fixes et la libre circulation des capitaux s’excluent mutuellement.

«En général, la plupart des pays privilégient le deuxième scénario, car ils peuvent bénéficier de la liberté d’une politique monétaire indépendante et permettre à cette politique de contribuer à orienter les flux de capitaux», commente Ravin Dajee.

De son côté, Sameer Sharma, expert en investissements alternatifs, explique que Maurice étant un centre financier international, il ne peut donc pas avoir de contrôles et rationner les devises étrangères. Le pays ne peut, non plus, mettre en œuvre un ciblage du taux de change. C’est une chose très compliquée et nous n’avons pas les réserves internationales pour le faire. Il précise que Maurice n’est pas Singapour. Il est plus compliqué de faire du ciblage de taux de change que de faire n’importe quelle forme de ciblage d’inflation et le montant des réserves internationales dont on a besoin est important. Nous n’avons pas ce luxe et nous sommes également en présence d’un déficit structurel de la balance courante. Selon lui, la meilleure voie à suivre est d’avoir un régime flexible de cibles d’inflation et, à l’intérieur de cette fourchette cible, nous pouvons examiner d’autres considérations telles que le niveau du taux de change. Mais nous devons avoir des contrôles autour de celui-ci et c’est ce que nous n’avons pas actuellement.

«La Banque centrale essaie de tout faire et elle n’obtient que très peu de résultats. Elle a créé une énorme distorsion sur le marché des changes et il n’y a pas de liquidités au taux artificiel auquel elle intervient. Elle doit emprunter de plus en plus d’argent à l’étranger, ce qui entraîne encore plus de problèmes de bilan. Nous devons comprendre les réalités du bilan lorsque nous parlons de ciblage du taux de change. Le meilleur plan d’action pour Maurice est d’avoir un régime de politique monétaire indépendant mais flexible ; ce que le ciblage flexible de l’inflation apporte. C’est la meilleure contrainte, et cela fait maintenant dix ans que nous nous penchons sur la question. Il est temps d’aller de l’avant et de ne pas répéter les débats de 2010», observe Sameer Sharma.

SAMEER SHARMA (EXPERT EN INVESTISSEMENTS ALTERNATIFS)

Ravin Dajee ajoute qu’en ce qui concerne Maurice, nous avons bénéficié d’un compte de capital ouvert avec des contrôles de capitaux minimaux ; l’ouverture du compte de capital du pays est parmi les plus élevées au monde. En maintenant un régime de taux de change flexible, Maurice a accumulé des réserves de change, et ses mesures d’adéquation des réserves ont été solides malgré la pandémie. D’un autre côté, Maurice a enregistré un déficit de sa balance courante au cours des dix dernières années et ce déficit a été financé par des flux financiers.

«Bien que l’efficacité de la politique monétaire n’ait pas été optimale, la Banque de Maurice a pris l’initiative de moderniser le cadre, en mettant l’accent sur le ciblage de l’inflation. Dans un système financier mondial de plus en plus intégré, les décisions de politique monétaire de toute grande banque centrale (en particulier la Réserve fédérale) auront un impact sur les décisions de politique monétaire prises par les autres banques centrales en raison de l’importance de leurs monnaies dans le commerce et l’investissement. Nous avons vu ces derniers mois que de nombreuses banques centrales (Bank of England, Banque centrale européenne, Reserve Bank of Australia, Bank of Canada, etc.) ont commencé à hausser les taux d’intérêt car le dollar très fort résultant des augmentations du Federal Funds Rate (FFR) par la FED conduit  à une inflation très élevée dans  de nombreux pays», explique Ravin Dajee.

PRESSION SUR LA ROUPIE

Étant une petite économie, nous sommes essentiellement des price-takers et decision-takers dans le sens où notre économie est très exposée aux événements et tendances macroéconomiques internationaux. Les récentes décisions de politique monétaire ont été prises pour contrecarrer l’impact du dollar fort sur l’inflation importée. Cela est similaire aux décisions des banques centrales dans les économies en développement. Ces décisions ont également été motivées par l’augmentation du différentiel de taux d’intérêt entre le taux d’intérêt sur la roupie et le taux d’intérêt sur le dollar. Plus ce différentiel de taux d’intérêt est important, plus il persiste et plus la pression sur la valeur de la monnaie locale est forte.

Ainsi, on s’attend à ce que le nouveau cadre de politique monétaire aide le pays à mieux gérer les compromis économiques entre la croissance économique, le taux d’intérêt, l’inflation et le taux de change. Cela dit, Maurice sera probablement encore exposé aux tendances et aux chocs économiques mondiaux, comme de nombreux autres pays.

Si, du point de vue du Fonds monétaire international, il est peut-être urgent de mettre en œuvre la nouvelle politique monétaire, certains observateurs pensent qu’il faut tenir compte du contexte actuel, caractérisé par une grande incertitude quant aux perspectives macroéconomiques mondiales, une inflation galopante et des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, entre autres. Dans cet environnement volatil, serait-il sage d’ajouter des turbulences supplémentaires en introduisant un changement aussi important qu’un nouveau cadre  de politique monétaire ?


La banque centrale ne doit pas perdre le contrôle sur l’inflation

De l’avis de Sameer Sharma, il n’y a pas de compromis à long terme entre la croissance et l’inflation. Il estime qu’une cible d’inflation flexible offrira une certaine souplesse permettant à la Banque centrale d’envisager d’autres objectifs secondaires, mais elle doit avoir une marge. « La Banque centrale devrait avoir un objectif simple et clair. Une banque centrale doit ancrer les anticipations d’inflation à moyen et long termes, que le choc provienne du côté de l’offre ou de la demande. Si la Banque centrale n’ancre pas les anticipations d’inflation sur le marché, elle en perd le contrôle pendant très longtemps, ce qui est pire que tout », souligne Sameer Sharma.

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