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Agriculture Rémunération actualisée et historique de la bagasse

Le sucre, la pomme de terre, l’ail, l’oignon et les légumes ont été les commodités agricoles privilégiées par les mesures budgétaires 2021-2021. En promouvant prioritairement ces produits agricoles, particulièrement la production  sucrière à travers une rémunération actualisée et historique de la bagasse, le gouvernement adresse la problématique de la sécurité alimentaire et énergétique du pays ainsi que celle de la dépendance sur l’importation.

S’IL y a un projet de réforme critique qu’adresse le Budget 2021-2022, c’est bien la refonte de la filière cannière. En accordant aux planteurs de canne à sucre Rs 3 300 par tonne de sucre produite, pour le volume de bagasse extrait durant le processus, le gouvernement accède à une longue attente de ces derniers pour une meilleure rémunération de la fourniture de cette biomasse. Une mesure des plus encourageantes, notamment pour les grands planteurs, dans l’optique du maintien des 50 000 hectares de terres cultivables sous canne, et de production annuelle d’environ 400 000 tonnes de sucre pour que cette filière demeure viable. En se focalisant cependant sur ce pivot du secteur agricole, le ministre a relégué le secteur non-sucre au second plan de son ambition de «redonner ses lettres de noblesse» à l’agriculture.

Le secteur agricole mauricien est plus que jamais «à la croisée des chemins» cette année. 2021 s’inscrit comme une année charnière non seulement en raison des effets délétères ou des opportunités apportées par la Covid-19, mais aussi au regard des réformes structurelles à adopter, qu’induisent la fin du Strategic Plan 2016-2020 pour le secteur agricole et la soumission des recommandations du groupe de la Banque mondiale et de la FAO sur les réformes des secteurs cannier et théier, principaux segments des activités agricoles locales. Irrémédiablement, «redonner ses lettres de noblesse» à l’agriculture devrait s’inscrire dans une approche résiliente tant sur les plans sanitaire, climatique, novateur que financier.

RÉHABILITER L’AGRICULTURE EN TANT QUE FILIÈRE VITALE

Avec la réhabilitation de l’agriculture comme une filière vitale pour la sécurité alimentaire et la santé macroéconomique du pays (en produisant plus de nos besoins sur le plan agricole, et participer ainsi à réduire l’écart du déficit commercial), l’objectif du gouvernement semble depuis le Budget 2020-2021 d’augmenter son apport au PIB, qui se situe pour l’heure à 2 %. Il va sans dire que le dossier le plus brûlant à adresser dans le Budget 2021-2022 pour ce secteur d’activité a été la problématique d’une meilleure rémunération de la bagasse. Non seulement parce que la production sucrière contribue significativement au PIB (2,4 % en 2017, -19 % en 2018, 9,3 % en 2019 et -17,2% en 2020), mais surtout parce que sa contribution est multisectorielle et multidimensionnelle, particulièrement pour la transition énergétique du pays. Sans compter que l’attente pour une réforme du secteur cannier date de la fin des prix garantis et des quotas pour l’achat des sucres mauriciens par l’Union européenne avec l’expiration du fameux Protocole Sucre en 2009. Et l’abolition progressive des prix garantis pratiqués et du filet de protection des sucres mauriciens sur le marché européen.

Non seulement l’introduction des sucres mauriciens aux lois du libre-marché mondial du sucre a occasionné selon les cycles calendaires des pertes de revenus pour les acteurs de la chaîne de valeur, mais également une tendance baissière pour la production de sucre. En effet, depuis 2008, la production sucrière mauricienne n’a plus dépassé les 400 000 tonnes de sucre produites. Aux pertes de revenus, se sont ajoutées la hausse des coûts de production, et l’intensité et la fréquence des évènements climatiques sur la production sucrière.

Ce qui explique la pleine satisfaction de Dinesh Goburdhun, General Manager de la Mauritius Cooperative Agricultural Federation (MCAF), fédération de sociétés coopératives réunissant environ 800 petits planteurs de canne à sucre, pour cette initiative budgétaire de Rs 3 300 par tonne de sucre produite pour la rémunération de la bagasse. Surtout qu’il était avant l’annonce de cette rémunération actualisée et historique autour d’une dizaine de roupies par tonne de sucre. Il remercie le gouvernement pour cette mesure bienvenue, arrivant surtout dans un contexte économique difficile et qui, avec les Rs 25 000 par tonne de sucre (pour les 60 premières tonnes de sucre), encouragera les petits planteurs à maintenir, voire intensifier la culture cannière.

UN SOULAGEMENT POUR LES GRANDS PLANTEURS

Jacqueline Sauzier, Secrétaire Général de la Chambre d’Agriculture de l’Ile Maurice (MCA), partage la satisfaction de Dinesh Goburdhun. «Cela aura un effet significatif pour relancer l’industrie, et c’est une décision que nous attendions depuis plusieurs années. La rémunération égale pour tous (ndlr : petits et grands planteurs) est un bol d’air frais pour les producteurs qui étaient dans des situations déjà précaires. Cette mesure va relancer les différents investissements à travers la replantation de parcelles de terres sous canne abandonnées ou même la réhabilitation de parcelles qui avaient besoin d’être rafraîchies, et permettra à ceux qui avaient exprimé le besoin d’investir dans la mécanisation à phases longues puisque ce ne sont pas des choses qui vont se faire du jour au lendemain. Mais les Rs 3 300 par tonne de sucre pour la rémunération de la bagasse s’inscrivent comme une grande bouffée d’air frais pour avoir de la visibilité sur le long terme

Cette rémunération pour tous de la bagasse est un soulagement pour les grands planteurs principalement, soutient Jacqueline Sauzier. La mesure de Rs 25 000 par tonne de sucre produite, plafonnée aux 60 premières tonnes, mesure d’ailleurs renouvelée pour la campagne sucrière 2021, est en place depuis les deux dernières années, et vise principalement les petits planteurs, précise-t-elle, «sachant que les petits planteurs représentent 18 % de la production de sucre du pays et que les plus gros planteurs représentent plus de 70 % de la production, et que c’est sur eux qu’on va miser pour la réorganisation de cette industrie pour le long terme».

 

PEU D’ENCOURAGEMENT POUR AMÉLIORER LA PRODUCTION AGRICOLE

À côté de cette initiative historique, surtout pour le virage énergétique du pays, il est sûr que les autres mesures budgétaires 2021-2022 font pâle figure. Car bien qu’elles tendent à poursuivre sur le programme énoncé lors du précédent exercice budgétaire d’opérer un retour intensif à la production agricole, elles ne sont pas, d’après nos interlocutrices, ni nouvelles, ni focalisées sur les problématiques des entrepreneurs du segment agricole hors-sucre. Surtout dans un contexte où le plan directeur pour les secteurs de la culture vivrière, l’élevage et la sylviculture est arrivé à sa fin en 2020.

Jacqueline Sauzier nous cite en exemple le mécanisme de prix garanti pour l’oignon, l’ail et la pomme de terre au bénéfice des producteurs par l’AMB est en vigueur depuis au moins dix ans. Et d’ajouter que la subvention de 50 % sur les semences de ces commodités agricoles et des légumineuses ne se destinent malheureusement qu’aux entrepreneurs s’approvisionnant auprès de l’AMB. Samla Dijoux, Farm Manager de Top Nature, souligne que les intrants importés pour la culture au sol (hydroponique) de ses légumes, dont plusieurs variétés de tomates, lui reviennent plus cher avec la dévaluation de la roupie notamment. «On pensait que les mesures budgétaires annoncées nous donneraient accès à une certaine aide pour contrecarrer la hausse des prix pour l’importation des intrants, surtout que la pandémie a fragilisé la demande pour les produits agricoles, et que des situations comme la dévaluation de la roupie, la majoration des prix des carburants, alourdissent les charges courantes des petits producteurs agricoles

Bien que les commodités agricoles aient été privilégiées en termes de mesures de facilitation, Salma Dijoux reconnaît que pas de facilités financières ont été énoncées pour promouvoir la production agricole dans son ensemble.

 

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