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Année 45 : En route vers le développé

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Certes, les journaux nous rappellent de temps à autre que notre pays a encore du chemin à faire vers la modernité. Certains pratiquent encore la sorcellerie. Et les crimes et les assassinats que nous rapportent les journaux sont parfois tellement de nature barbare qu’ils ne peuvent relever que d’un autre âge. Pas plus tard que le mois dernier, au plus fort des pluies torrentielles, certains endroits inondés ressemblaient aux favelas de Rio de Janeiro des années ‘60, au lendemain d’un passage d’El Niño. Sommes-nous en plein échec de notre stratégie d’émancipation politique mise en place par nos aînés d’alors ?

Les clichés sont parfois fort tenaces même s’ils traduisent une certaine réalité, mais ne devraient pourtant pas faire valoir leur existence dans un pays comme Maurice en l’an 2013, 45 ans après avoir obtenu l’Indépendance des mains des Anglais.
Un rapport de la Banque mondiale publiéil y a deux ans nous rappelle, en effet, que notre pays a franchi la moyenne du monde au niveau de son développement économique et que le Mauricien moyen a aujourd’hui un revenu moyen 8 % supérieur à la moyenne mondiale. Ce revenu par tête d’habitant de la population mauricienne doit franchir les 10 000 dollars, voire bien plus si l’on devait prendre en ligne de compte les prix des marchandises, à savoir son pouvoir d’achat relatif aux autres pays. Comparez cela avec les 200 dollars des années fin 60 à la veille de l’Indépendance même s’il faut mitiger la différence du niveau des prix.

Encore plus significatifs sont les faits autour des retombées de ces grandeurs économiques sur certains indicateurs d’ordre social. Un bébé né aujourd’hui, sauf accident, peut espérer avoir une durée de vie de 75 ans, grâce aux progrès de la médecine et aux infrastructures médicales qui n’auraient pas pu être introduites et réalisées sans les moyens financiers générés par les progrès de l’économie. Il y a quarante ans, cette espérance de vie ne dépassait pas 60 ans. Par ailleurs, si l’éducation primaire et celle du secondaire ont été rendues universelles et gratuites, sans doute un oasis d’exception dans le continent et les pays avoisinants, on n’aurait pas pu s’en enorgueillir sans les grands moyens financiers dégagés par cette même croissance ininterrompue de notre produit national au cours de ces trente 
dernières années.

On peut disserter longuement sur encore d’autres grandeurs économiques et sociales. Par exemple, le nombre de familles propriétaires de leurs lieux de résidence, l’existence ou pas du phénomène de la malnutrition qui reste une tare liée au sous-développement, le nombre de kilomètres de routes mis à la disposition des Mauriciens qui n’ont jamais été en 2013 aussi nantis de voitures. La comparaison placerait Maurice comme un pays suffisamment avancé. Cette comparaison est tout simplement révélatrice d’une performance quasi miraculeuse. Surtout face à l’évidence de l’échec de la plupart des pays du continent africain qui, pourtant, avaient obtenu l’indépendance politique bien avant Maurice. Les raisons de cet échec retentissant ont sans doute beaucoup à faire avec les régimes postindépendance dont la plupart d’entre eux se sont révélés encore pires que les gouvernements coloniaux, rendant quasiment impossible la mise en place des stratégies de développement économique.

Ainsi, sur le plan de la création matérielle des choses et de leurs utilisations vers la réalisation des objectifs d’ordre social, Maurice a sans doute réussi son pari politique même s’il n’est pas aussi spectaculaire que Singapour dont l’Indépendance avait été octroyée par les mêmes Anglais seulement moins de deux ans plus tôt. Aujourd’hui, ce petit pays dont la superficie géographique est pourtant moindre que Maurice peut être qualifié de pays parmi les plus développés au monde. Les tares du sous-développement dont la misère humaine ont été tout simplement vaincues depuis très longtemps grâce à un régime politique postindépendance réputée pour sa rigueur, mais surtout pour sa grande efficacité à planifier et exécuter les grandes décisions d’ordre stratégique. Le Singapourien a aujourd’hui un revenu moyen de plus de 30 000 dollars, ce qui trois fois supérieurs au Mauricien. Par ailleurs, ce qui est encore plus significatif – et ce serait très important d’en faire état rien parce que le pays, à bien des égards, est semblable à Maurice –, Singapour est parmi les pays les plus paisibles au monde. La sécurité publique occupe une place de choix dans la hiérarchie des préférences.

La comparaison avec ce pays de l’Asie est souhaitable et elle peut même servir de standard pour Maurice dans les années à venir dans sa quête de se transformer en pays développé où la misère doit être vaincue à son tour. Parce qu’en dépit de notre grand progrès matériel, 45 ans après notre autonomie, il reste encore de la misère à Maurice même si elle est disparate. Alors que pour beaucoup d’autres, l’attente d’un grand bond reste longue lorsqu’il s’agit de la hausse de son pouvoir d’achat et de son niveau de vie. Cet objectif doit se réaliser pour la paix sociale et reste nécessaire si on veut transformer le pays parmi les meilleurs au monde au cours de ces dix ou quinze prochaines années.

En effet, Singapour doit servir de référence. Certes, il n’a jamais inventé de grandes théories économiques et sociales. Cependant, sa grande efficacité dans l’utilisation des ressources rares est fondée sur le modèle suisse et américain, alors que les pays de l’Europe du Nord lui servent de modèle dans ses politiques sociales fondées sur l’autodiscipline surtout lorsqu’il s’agit de l’ordre et la paix sociale. Comme les pays tels que la Suède et la Norvège, Singapour peut se flatter d’avoir une paix sociale parmi les plus attrayantes au monde. C’est pour affirmer que Maurice, comme Singapour d’ailleurs il y a trente ou quarante ans, n’aura rien à inventer dans la transformation de sa société au cours de ces prochaines années.

Quoi qu’il en soit, Maurice n’a jamais été si proche du grand bond en avant dans sa quête du statut de pays développé. Un peu, encore une fois comme Singapour – bien entouré et dont le miracle a été propulsé en orbite par l’ouverture de la Chine de Deng Xioa Ping et la croissance rapide de toute une région devenue soudainement plus riche –, Maurice semble être bien placée pour tirer avantage d’un continent qui soudainement semble être enfin beaucoup plus sensible à la grande priorité de son développement économique et a commencé à mettre bon ordre dans son monde politique.

Ce qui se passe au Rwanda et au Sénégal, par exemple, ne manquent pas d’attirer pour la première fois des investissements étrangers de grande envergure. Si demain d’autres pays comme Madagascar et le Zimbabwe arrivent, à leur tour, à mettre fin à leur situation chaotique, on peut parier sur l’effet boule de neige dans l’ensemble de l’Afrique sub-saharienne sur le plan de l’arrivée des investissements étrangers.
En effet, si l’Afrique est appelée enfin àdécoller, les retombées d’ordre économique pour Maurice peuvent s’avérer spectaculaires. De Shanghai à Sydney, de la Suisse à Londres, les fonds d’investissement préparent déjà leurs stratégies d’investissement dans les divers pays de l’Afrique, alors que la Banque africaine de Développement sillonne les grandes capitales financières du monde pour leur faire part de la stabilisation du monde politique dans le continent de l’Afrique subsaharienne.

Les élections au Kenya cette semaine, même compliquées, seront sans doute en étroite surveillance par les grands Capitales du monde. Quoi qu’il en reste, le Kenya tout comme l’Ouganda figurent parmi les favoris des investisseurs de par la qualité de leurs exportations et leurs secteurs financiers bien régulés.
Port d’attache des Anglais et des Français avant l’ouverture du Canal de Suez, aujourd’hui premier tremplin des investissements du monde vers l’Inde avant même les États-Unis, Maurice doit se préparer à être la porte d’entrée dans le continent africain. De par sa stabilité relative sur le plan politique et sociale, partie prenante de tous les accords multilatéraux des pays de l’Afrique et surtout par le succès de son économie au cours de ces quarante dernières années, Maurice doit être un choix de premier ordre pour les grandes multinationales en vue d’installer leurs quartiers régionaux et pour gérer leurs actifs financiers, à l’image de Singapour pour les pays du Sud-Est de l’Asie et celui de Hong Kong pour leur entrée en Chine.

Cette responsabilité de porte d’entrée avec toutes ses ramifications de tout ordre est à elle seule une manne extraordinaire pour ces deux pays de l’Asie. Maurice leur emboiterait sans doute le pas dans l’hypothèse d’une ouverture rapide de l’Afrique. La mise en route du métro léger au cours des prochaines années, la mise en œuvre du nouvel aéroport et l’investissement massif annoncé pour le port, viennent à point dans la réalisation d’une bien meilleure ambition pour notre pays.

Certes, il y a sans doute des chaînons manquants dans notre quête d’une meilleure société. Notre incompréhension parfois tenace face aux exigences d’un meilleur comportement non seulement face à l’économie, mais aussi face à la vie sociale et dans nos rapports avec les autres, les comportements antisociaux et la détérioration des mœurs apparents, peuvent être des redoutables obstacles à la transformation de notre société. Le diable est dans les détails, aiment à se dire les avocats. En parcourant les journaux chaque jour, on ne peut s’empêcher de conclure que c’est là où se situe l’essentiel de nos défis dans les prochaines années.

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