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Big data – Un allié de l’économie de demain

Avec la crise de la Covid-19, les entreprises se sont rendu compte de la nécessité d’accélérer le processus de digitalisation de leurs opérations. Dans cette optique, une utilisation des mégadonnées, ou Big Data, peut constituer un avantage concurrentiel indéniable. Qu’en pensez-vous ? 

Guillaume Devanthéry : Les entreprises commencent à comprendre tous les bénéfices qu’elles peuvent tirer de l’utilisation de leurs données. Jusqu’à peu, celles-ci représentaient essentiellement un coût à cause de leur stockage. Grâce au Big data, les entreprises peuvent commencer à les valoriser. Cette valorisation doit leur permettre de mieux visualiser leur situation en transformant des données brutes et difficilement exploitables en indicateurs clés. Il faut comprendre ces données et établir des liens avec la stratégie de l’entreprise.

La finalité est de pouvoir s’appuyer sur celles-ci pour prendre des décisions stratégiques et rapides, à tous les niveaux de l’entreprise. Cela peut se traduire, par exemple, par le ciblage de nouveaux marchés ou l’abandon de zones peu profitables, la modification et l’optimisation de processus, une meilleure gestion des stocks, ou encore l’évaluation du bonheur des employés. Dans un monde où la concurrence est de plus en plus rude, il est impératif de pouvoir réagir rapidement, adapter sa stratégie et réduire ses coûts en se basant sur des indicateurs clairs et précis.

Brian Dean : La Covid-19 a propulsé à l’avant-plan des concepts qui tardaient à se mettre en place au niveau des entreprises. Parmi ces nouvelles notions, l’on retrouve la digitalisation, qui est l’une des plus importantes. Toutefois, la digitalisation englobe des termes et des concepts qui lui sont propres comme l’innovation et la transformation. Étant considérée plutôt comme une philosophie, elle est associée à nouveaux défis ainsi que de nouvelles

opportunités.

Les mégadonnées peuvent se révéler être une source de revenus, mais une mauvaise exploitation peut très vite se retourner contre soi.

Il est donc primordial avant de se lancer dans une stratégie digitale de bien s’informer. Si la digitalisation est bien exécutée, une société pourra alors organiser les données et les informations recueillies, valoriser et exploiter ces données, automatiser certains processus pour réduire les frais généraux et améliorer leur productivité et leur rentabilité.

Toute utilisation de la technologie en cette période post-Covid-19 est assurément un avantage concurrentiel si c’est fait correctement. Le plus important est de comprendre la technologie et son application, car elle doit s’adapter aux besoins d’une entreprise et d’un marché spécifique.

Selon certains spécialistes, le Big data sera l’économie de demain. Abondez-vous dans ce sens ?

Guillaume Devanthéry : L’augmentation des capacités de calcul nous a amenés vers l’ère du Big data. La transformation numérique des entreprises et l’avènement du Cloud computing ne les feront pas mentir. L’intelligence artificielle a besoin de beaucoup de données pour «apprendre». 

Ces données ont maintenant une grande valeur à plusieurs niveaux, et tous les secteurs de l’économie sont concernés : les données météorologiques permettent d’optimiser les productions agricoles ; les informations récupérées sur les prospects donnent la probabilité de conclure un deal ; les maisons optimisent leur consommation énergétique en se basant sur les informations récoltées ; et les systèmes bancaires permettent de détecter les fraudes. Tout cela est rendu possible grâce à la valorisation des données récoltées. Les possibilités d’utilisation sont énormes et la plupart restent à découvrir. Beaucoup d’entreprises n’ont pas encore franchi le pas, ce qui laisse un fort potentiel de croissance pour le secteur.

Brian Dean : Définitivement ! J’irais même plus loin. Je pense que le Big data est le nouvel or. Les données, selon la manière dont elles sont utilisées, deviennent de plus en plus précieuses. De plus, le Big data donne naissance à de nouveaux métiers. D’un point de vue marketing, il permet de faire des prévisions sur un marché ou sur un éventuel changement de comportement du consommateur. Plus encore, c’est un atout pour améliorer l’expérience client.

Depuis le début de la crise, les Tic et les services financiers font partie des secteurs qui se sont montrés résilients. Comment voyez-vous le rapprochement entre le monde de la finance et celui des nouvelles technologies ?

Brian Dean : Le monde financier est guidé par les nouvelles technologies. Celles-ci sont présentes dans la majorité des sociétés financières, allant du Low tech (faire des relevés de compte ou des prévisions) au High tech (l’intelligence artificielle ou le Machine learning pour trouver des solutions d’analyse ou des conseils d’investissement). Or, ce qui illustre mieux le mariage de ces deux concepts est la FinTech, dont l’écosystème dépend de la technologie.

Pour se resituer dans le contexte de la Covid-19, nous avons vu que les banques traditionnelles ont, dans une grande mesure, adopté les technologies, notamment avec le paiement numérique ou encore l’Internet banking. L’on constate aussi moins de réticence de la part des utilisateurs, car ils ont vu pendant le confinement l’utilité de ne pas devoir se déplacer jusqu’aux guichets automatiques pour faire leurs transactions.

Guillaume Devanthéry : Depuis quelques années, beaucoup de sociétés FinTech ambitionnent de réinventer le secteur grâce aux nouvelles technologies et à l’intelligence artificielle. Celles spécialisées dans le B2C ont pour principal challenge de gagner la confiance des clients potentiels dans un secteur où on a tendance à ne pas prendre trop de risques par rapport aux acteurs classiques et

historiques.

Ces start-up ont néanmoins des arguments de taille grâce à leur capacité à réduire les coûts et à faciliter l’expérience client grâce aux nouvelles technologies. Pour éviter une ubérisation de leur secteur, les acteurs historiques commencent à suivre la tendance.

D’un autre côté, celles actives dans le B2B proposent des outils qui deviennent indispensables aux sociétés offrant des services financiers, leur permettant de rester compétitives et de poursuivre leurs activités. On peut citer, par exemple, l’évolution des normes et règles en matière de conformité, voulue par les régulateurs, et qui nécessite des contrôles complexes, systématiques et automatisés difficilement réalisables sans support informatique intelligent.

On sait que dans une optique de «Business intelligence», de plus en plus de sociétés utilisent les informations issues de la Toile, des réseaux sociaux ou des applications, comme des outils analytiques pour cibler notamment de nouveaux marchés et prospects. Comment voyez-vous cette évolution ?

Brian Dean : À Maurice, l’on a pris du retard dans le domaine de la digitalisation. Mais il y a une certaine prise de conscience et on essaie de faire avancer les choses. À mon avis, cela prendra quelques années avant que la veille d’entreprise ne se développe vraiment.

Si l’on veut accélérer les choses, il faudrait qu’on se dote de compétences. Valeur du jour, il n’y a pas beaucoup d’experts dans le Business intelligence. L’on a besoin d’analystes de données, de développeurs ou encore de chercheurs. D’où la nécessité de former les jeunes à ces métiers.

Guillaume Devanthéry : La plupart des gens laissent, de manière consciente ou non, beaucoup d’informations à leur sujet en utilisant les nouvelles technologies. Ils deviennent ainsi le produit pour les sociétés qui récoltent ces données, les utilisant pour rendre possible la publicité ciblée. Celle-ci reste une aubaine pour les sociétés qui désirent maîtriser au mieux les dépenses relatives au Business development.

Les géants du Web, actifs dans la publicité, proposent de puissants outils de ciblage et d’analyses pour visualiser l’impact d’une campagne, permettant aux annonceurs de rectifier rapidement l’audience en cas de besoin. Cette agilité permet aux entreprises plus modestes, ou disposant d’un budget plus restreint, d’être visibles là où seulement les grands groupes pouvaient se le permettre, ce qui est une bonne chose pour la concurrence.

D’un autre côté, on note que de plus en plus de services font l’objet d’un abonnement. En effet, la clé n’est plus seulement de gagner de nouveaux clients, mais il faut aussi pouvoir les fidéliser en analysant leurs intérêts et en suivant les tendances pour leur fournir ce dont ils désirent.

Lorsque l’on parle de Big data, il y aussi des risques associés à l’utilisation des données personnelles. Dans le monde, certaines entreprises malveillantes utilisent ces données à des fins d’espionnage commercial. À Maurice, comment notre Data Protection Act s’aligne-t-il sur le Règlement général sur la protection des données (RGPD) ? De manière générale, ne faut-il pas aller plus loin pour protéger la vie privée ?

Guillaume Devanthéry : Maurice a bien compris que pour pouvoir continuer à travailler sereinement avec l’Union européenne, il fallait que sa législation s’aligne sur le RGPD. D’ailleurs, les principaux points ont été repris dans le Data Protection Act. La finalité est d’obtenir la reconnaissance de l’Europe en tant que pays garantissant un niveau de sécurité adéquat en matière de traitement des données personnelles. Le transfert d’informations et les échanges commerciaux entre l’UE et l’île Maurice en seront facilités.

De manière générale, un encadrement strict de l’utilisation des données personnelles est une très bonne chose pour éviter les dérives et protéger les individus. Il aide aussi à créer un climat de confiance entre les entreprises et leurs clients. Malheureusement, trop peu de personnes connaissent leurs droits en matière de protection des données. La communication s’est surtout focalisée sur les entreprises pour qu’elles se mettent en conformité. Celle-ci doit maintenant s’adresser au grand public pour mieux lui expliquer comment et pourquoi ces règles le protègent. 

Brian Dean : La protection des données ne concerne pas seulement les utilisateurs. Les autorités devraient travailler en étroite collaboration avec les sociétés de développement utilisant ces technologies de pointe pour prévoir l’utilisation abusive des données personnelles et élaborer des réglementations non seulement pour protéger le consommateur/utilisateur ou l’individu, mais aussi pour éduquer la population sur les mesures de protection et les actions permettant de garder leurs informations en sécurité.

Par exemple, la majorité des Mauriciens ne sont pas conscients de la quantité de données et d’informations que leurs téléphones portables collectent ou qui sont partagées publiquement avec des entreprises à partir de leurs comptes de médias

sociaux.

Le partage d’informations ou de données personnelles en ligne est malheureusement inévitable. De nouvelles réglementations obligent les applications mobiles et les sites Web à divulguer les données et les informations qu’ils vont collecter auprès des utilisateurs. Personnellement, je pense que la question n’est pas de savoir si nous devons ou non rendre les données personnelles plus sûres, mais plutôt d’identifier et de réglementer ceux qui conservent ou utilisent ces données.

Une banque, par exemple, dispose des données personnelles d’un client depuis son enfance jusqu’au jour où il passe d’un compte pour mineur à un compte pour adulte, en conservant l’historique et le schéma des transactions pour créer un personnage ou un personnage professionnel avec la date et le montant du salaire du client et saura quand et si ce client change de travail. La question n’est pas de savoir comment rendre les données personnelles plus sûres, mais comment nous réglementons les institutions qui détiennent ces données. Et surtout, qui sera en mesure de les réglementer.

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