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Marché du luxe – dans l’attente de la reprise

L’industrie du luxe, à l’image de tous les autres secteurs, a énormément souffert de l’arrêt des activités économiques dans le sillage de la pandémie de la Covid-19. Un coup d’arrêt d’autant plus brutal que tout semblait allait pour le mieux pour ce segment. En 2019, le secteur affichait une croissance de + 6%, soit un chiffre d’affaires de 230 milliards d’euros. Cette année, crise oblige, les analystes s’attendent à une contraction de l’ordre de 35 % (voir hors-texte). À Maurice comme ailleurs, les acteurs du luxe doivent composer avec une nouvelle réalité.

Dans l’édition 2020 du rapport Global Powers of Luxury Goods 2020, Deloitte met en avant les profondes mutations vécues par le secteur du luxe. «La pandémie se révèle être un accélérateur pour que les marques adoptent de nouveaux paradigmes de création de valeur. Plus que jamais, les entreprises de produits de luxe recherchent de nouvelles façons de se connecter avec leurs clients. Ils se réinventent et se réinventent d’une manière qui était auparavant inimaginable», souligne le rapport. Une remise en question plus que nécessaire pour pouvoir espérer se remettre rapidement des difficultés économiques dans lesquelles ces entreprises se retrouvent empêtrées. Parmi les nombreux changements qui se sont opérés dans ce secteur, le rapport souligne, notamment, une présence accrue en ligne. «Bien que les entreprises de produits de luxe aient d’abord tardé à adopter les technologies numériques, la pandémie a accéléré le passage à l’analyse des données des consommateurs via des applications d’intelligence artificielle (IA) et de réalité augmentée (RA)», indique le rapport.

À Maurice comme ailleurs, le secteur du luxe a été stoppé dans son élan, mettant en difficulté un pan de l’économie qui contribue beaucoup au produit intérieur brut (PIB) du pays. «Le secteur est définitivement touché, mais davantage en raison de la fermeture des magasins et de la limitation des déplacements des particuliers mais aussi de la fermeture des différentes usines à travers le monde, où toute la chaîne d’approvisionnement est en panne», explique Avinash Goburdhun, Executive Director de Wensum, une entreprise spécialisée dans la confection de costumes haut de gamme. Une situation difficilement tenable d’autant plus que la situation sanitaire s’est dégradée ces dernières semaines dans de nombreux pays, notamment en Europe et aux États-Unis. Résultat :

il est difficile aujourd’hui de prédire avec précision quand la situation reviendra à la normale, même si certains observateurs estiment qu’une reprise «totale» ne devrait pas intervenir avant 2022.

Se faire plaisir ou attendre ?

Face à cette situation, les acteurs du secteur tentent de se réinventer. Un exercice loin d’être évident tant le marché mauricien dépend en partie d’investisseurs étrangers, qui pour l’heure ne peuvent venir à Maurice. «Notre notion même de normalité a changé. Les choses vont reprendre un cours nouveau mais différent. Il faut s’adapter et répondre aux attentes et aux besoins d’un client dont le comportement et les attentes seront certainement différents. Nous espérons que la Covid-19 ne sera qu’un souvenir d’ici à 2022», déclare Virginie Constant, Directrice Gestion Privée de BCP Bank (Mauritius). Un souhait partagé par le secteur immobilier de luxe, qui a subi de plein fouet les effets de la crise sanitaire. En effet, de nombreux projets ont été reportés, voire annulés, en attendant que la situation ne s’arrange.

En ce qui concerne le marché automobile, les principaux acteurs du secteur automobile devront encore faire face à des moments très difficiles. En effet, si les mois qui ont suivi le confinement ont essentiellement été marqués par la livraison de véhicules commandés avant l’arrêt des activités économiques, le nombre de nouvelles commandes ont, elles, drastiquement chuté. «Nous constatons actuellement une baisse mais nous espérons que la croissance reprendra l’année prochaine. Dans le climat économique actuel, les personnes aisées ne souhaitent pas mettre en avant leur aisance financière ; elles verront comment les choses évoluent en 2021 et recommenceront à acheter si elles ne sont pas vraiment impactées par la crise. Cette crise a fait naître deux comportements : ceux qui ont besoin de se faire plaisir et de dépenser et ceux qui remettront en cause leurs priorités», observe Virginie Quevauvilliers, COO Marketing chez Leal. Résolument optimiste quant à l’avenir, l’entreprise continue de miser sur ce qui fait sa force, à savoir une marque premium, avec BMW, et un service après-vente de qualité.

Pas de normalité

avant un vaccin

Les joailliers locaux, qui ont, eux aussi, dû se résoudre à composer avec la crise, préfèrent quant à eux faire preuve de pragmatisme. «On ne reviendra jamais à la normalité si pour cela on considère la situation avant la Covid-19, car de toute façon elle était une normalité très ambigüe et volatile», déplore Roberto Tucci, directeur de la joaillerie Bijem. Pour Ravi Jetshan, fondateur de la joaillerie Ravior, le retour à un semblant de normalité sera conditionné à la disponibilité d’un vaccin : «Quand un vaccin sera disponible et largement diffusé, on pourra recommencer à planifier comment gérer un possible avenir qui aura de toute façon changé dans certains aspects concernant la distribution traditionnelle et montrera une polarisation encore plus importante». En attendant des jours meilleurs, le chef d’entreprise et créatif peut compter sur ce qui fait le succès de Ravior pour continuer à opérer, à savoir les bijoux originaux et créés sur mesure. «Notre clientèle adore particulièrement l’authenticité de nos differentes collections telles que KORAY, TITANE, ARBORESANS, REVpendant et HOPE, entre autres. Il y aussi la collection de gemmes rares. On est également souvent plébiscité pour les créations sur mesure, notamment les alliances, où les clients recherchent une création unique qui matérialisera à la fois leur personnalité et un moment très précis de leur vie», souligne Ravi Jetshan.

Outre l’automobile, la haute joaillerie et le secteur bancaire, l’un des secteurs les plus touchés par les conséquences de la pandémie est celui du tourisme. Connue à travers le monde pour ses hôtels cinq-étoiles et ses plages de sable blanc, la destination Maurice n’a pas accueilli de touristes depuis maintenant sept mois. Une situation qui devrait perdurer jusqu’au 15 janvier prochain. Mais selon les observateurs, l’image de la destination, bien ancrée dans les différents marchés visés, ne devrait pas souffrir de la crise, d’autant plus que la pandémie a été bien gérée sur l’île. «Nous restons une destination haut de gamme pour ceux qui recherchent des prestations de haute facture, l’immobilier de luxe, un régime fiscal favorable, des possibilités d’investissement de et vers l’Afrique, sans oublier un cadre de vie agréable et recherché. Mais nous devons rester vigilants, continuer à innover, tendre à nous rapprocher au plus près de ce que recherche cette clientèle tout en étant éthiquement et écologiquement responsables», explique Virginie Constant.

Le secteur du luxe, s’il connaîtra cette année un important recul en termes de chiffre d’affaires, ne perd pas pour autant le nord. Les principaux opérateurs se veulent, en effet, rassurants et avancent que la demande pour les produits et services de luxe sera toujours présente. En attendant la reprise des activités économiques à l’international, ils en profitent pour repenser leurs activités et réfléchissent comment s’adapter à l’économie post-Covid-19.

 

Une contraction de 35 % attendue en 2020

À Maurice comme ailleurs, le marché du luxe a énormément souffert de la crise sanitaire et du confinement qui a suivi. Ainsi, ce secteur devrait enregistrer une baisse variant entre 20 % et 35 % – soit environ 220 milliards d’euros – selon l’étude réalisée par le cabinet Bain & Company. Toujours selon cette étude, les secteurs les plus affectés par cette situation sont les montres (-25 %), les bijoux (-22 %) et l’habillement (-21 %).

Cependant, tous les marchés ne sont affectés de la même manière, puisque c’est l’Europe qui est en première ligne (-29 %), suivie de l’Amérique du Nord (-22 %) et de l’Asie (5 %).

Les observateurs estiment, pour leur part, qu’une reprise ne devrait pas intervenir avant 2022, voire 2023 sur certains marchés. Grosse consommatrice de produits de luxe, la Chine absorbera, selon les analystes près de 50 % de la production d’ici à cinq – six ans. Une perspective qui aiguise depuis quelques années déjà l’appétit des plus grandes marques mais qui ont été brutalement stoppées dans leur élan par la pandémie de la Covid-19 cette année.

 

 

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