Business Magazine

Médecine esthétique – Miser sur la clientèle mauricienne

«Primum non nocere !  Il ne faut pas nuire. C’est la première chose en médecine», étaye le Dr Gérard Crepet, spécialiste en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique. Pour lui, la médecine esthétique est un complément indissociable de la chirurgie qui peut permettre d’attendre ou de ne pas passer par une intervention chirurgicale. Cette pratique est, en effet, une discipline médicale unique axée sur l’amélioration de l’apparence grâce à des techniques médicales. C’est une activité en forte croissance attirant à la fois une clientèle locale et internationale.

Ces dernières années, l’on a assisté à l’émergence de cette pratique sur le sol mauricien. Maurice suit l’évolution d’autres pays. La médecine esthétique a fait beaucoup de progrès, constate le Dr Crepet. «Effectivement, les patients veulent une récupération très rapide. Ils ne veulent pas de changement radical. C’est la base. Vous avez aussi tous les processus qui vont traiter la peau. Le lifting ne corrige pas la peau. Il ne corrige que l’affaissement. Donc, il faut incontestablement traiter la peau», explique-t-il.

Le docteur Didier Van Den Broeck, chirurgien esthétique à The Act à Forbach, Wellkin Hospital à Moka et Centre de Chirurgie Esthétique de l’Océan Indien à Trou-aux-Biches, est aussi d’avis que les patients mauriciens sont de plus en plus au courant que cette discipline existe bel et bien sur l’île. «C’est surtout grâce aux médias. Mais ensuite, quand on offre des soins de qualité, la patientèle augmente.»

Cependant, lorsqu’on évoque la médecine esthétique et la chirurgie esthétique, les deux termes peuvent porter à confusion. Ils ont le même objectif : embellir et revigorer. «Elle est en croissance à travers le monde et non seulement à Maurice. En quatre ans, l’industrie de la restauration capillaire est passée de 600 000 à plus d’un million de chirurgies annuelles. Ils sont nombreux à accorder de l’importance à leur image ; ils veulent se sentir en confiance, bien dans leur peau», concède Raphael Bax, l’un des directeurs du Centre de Chirurgie Esthétique de l’Océan Indien (CCEOI) de Trou-aux-Biches. Et d’ajouter que cette hausse est également applicable à Maurice.

75 à 80 % de patients étrangers

Même si cette industrie est en effervescence, la patientèle mauricienne et étrangère diffère. Au sein de CCEOI, elle est étrangère à 75 à 80 % de manière générale. «Il ne faut pas oublier qu’elle était le marché à conquérir au commencement. Grâce à la greffe de cheveux, on a contribué à placer Maurice sur la carte mondiale en tant que destination du tourisme médical esthétique», rappelle Raphael Bax. 

Quant au Dr Didier Van Den Broeck, ses patients sont pour moitié des Mauriciens et pour moitié des étrangers. «Les chiffres de Wellkin et ceux du Centre de Chirurgie Esthétique de l’Océan Indien sont complètement inversés. À Wellkin, par exemple, j’ai plus de patients mauriciens et moins de patients étrangers.» Le Dr Crepet avance aussi qu’il a des patients à la fois mauriciens et étrangers. «En ce moment, avec la fermeture des frontières, je n’ai plus de clients étrangers.» En 2019, le CCEOI a compté plus de 3 000 patients et a franchi la barre des Rs 200 millions de chiffre d’affaires. 

«La progression est constante. Nous avons commencé en 2001 avec une centaine de patients. La greffe de cheveux demeurait alors le pilier de notre activité (70 %) mais depuis quelques années, les autres spécialités dentaires et esthétiques reçoivent davantage de patients. On assiste à un équilibrage de nos activités», observe Raphael Bax.

Le Dr Gérard Crepet reconnaît que «la force d’un chirurgien, c’est de dire non lorsqu’il sent qu’il ne pourra pas réaliser ce que le patient lui demande.» En sept ans, le Dr Didier Van Den Broeck a reçu près de 2 000 patients. Il indique que les services proposés à Maurice sont de qualité par rapport à l’offre internationale. «Selon moi, l’île offre tout ce que le tourisme médical doit idéalement proposer, c’est-à-dire, une hôtellerie de qualité, un personnel mauricien chaleureux ainsi que des hôpitaux et des praticiens compétents. Nos prix sont également attractifs.» Autant de raisons pour lesquelles

les chiffres sont en augmentation. Les prix varient en fonction de la complexité de l’intervention et peuvent varier de

Rs 10 000 à Rs 250 000, indique Raphael Bax.

La patientèle locale sauve la mise

Quid du chamboulement causé par la Covid-19 ? La pandémie a-t-elle freiné les activités dans ce secteur ? «Bien sûr. Pendant un mois, on n’a pas travaillé. On opère entre deux et six étrangers par semaine de chirurgie esthétique pure. C’est une chirurgie qui est différente de la chirurgie réparatrice. Beaucoup viennent ici car Maurice est agréable. Il faut compter dix jours au minimum pour pouvoir bien suivre mon patient et une consultation préopératoire», précise le Dr Crepet, qui compte parmi ses patients des Australiens, des Sud-Africains et des Français. C’est le même son de cloche pour le Dr Van Den Broeck. «Il y a des dates et des billets d’avion qui sont réservés. Mais les patients ne peuvent pas venir pour l’instant. On a une grosse diminution sur ce marché mais on maintient plus ou moins les chiffres grâce au marché local.»

Il en est de même pour le CCEOI. Raphael Bax explique que le centre travaille énormément avec des Mauriciens et des expatriés. «C’est un manque à gagner, mais cela nous a permis de nous rapprocher principalement de la patientèle locale qui apprend à découvrir le centre et à apprécier la qualité de nos services.» Il confirme néanmoins que ses patients attendent impatiemment la réouverture des frontières.

Malgré la crise, les activités se poursuivent. «Le coronavirus se terminera un jour ou l’autre», prévoit le Dr Crepet. Le CCEOI compte miser sur la patientèle mauricienne sur le long terme. «On fait tout pour se rapprocher d’elle, pour la satisfaire et pour la fidéliser. Je crois que c’est plutôt réussi. C’est une question de service et de professionnalisme. Les Mauriciens avaient l’image d’un produit cher et inaccessible ; ils réalisent aujourd’hui que ce n’est pas le cas», dit Raphael Bax.

Le Dr Van Den Broeck se pose des questions. Pourrait-il toujours miser sur la patientèle mauricienne sur le long terme ? «Est-ce qu’on va tenir rien qu’avec le marché local ? Je pense que oui. La patientèle mauricienne n’a pas encore complètement remplacé la perte du marché international. Il y a eu plus de communication vers la patientèle locale qu’auparavant. Maintenant, si on peut encore augmenter notre patientèle locale et notre pénétration sur ce marché, on sortira indemne de cette crise. On espère tous un retour à la normale au plus vite.»

Exit mobile version