Type to search

Archives Société

Pauvreté: briser le cercle vicieux

Share
Pauvreté: briser le cercle vicieux | business-magazine.mu

Le Budget témoigne de la volonté du gouvernement d’éradiquer la pauvreté extrême. Parmi les mesures les plus marquantes figurent la révision du seuil d’éligibilité à l’aide sociale et la remise de «cash awards» aux collégiens méritants, issus de milieux défavorisés.

S’attaquer aux causes profondes de la pauvreté afin de la combattre efficacement et d’aider les familles se trouvant au plus bas de l’échelle sociale à se prendre en main. Tel est l’objectif de la Stratégie 8 du Budget 2016-2017, en ligne avec la philosophie gouvernementale. Dans cette optique, le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, a annoncé le lancement «concret» du plan Marshall contre la pauvreté – une initiative déjà énoncée par son prédécesseur, Vishnu Lutchmeenaraidoo.

Selon Pravind Jugnauth, il est inconcevable que dans un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, comme Maurice, aspirant à atteindre le statut de pays à revenu élevé, quelque 6 400 familles vivent encore en dessous du seuil absolu de pauvreté, soit
$ 3,10 (environ Rs 111) par jour par individu. Une situation entraînant dans son sillage malnutrition, niveau d’éducation peu élevé, voire illettrisme et logements précaires. Ayant renoncé à tout espoir de s’en sortir, ces familles se retrouvent coincées dans un cercle vicieux, estime le ministre des Finances.

En vue d’éradiquer l’extrême pauvreté, le Grand argentier préconise une action prompte et directe. Ainsi, grâce à l’introduction d’un nouveau plan, le seuil d’éligibilité à une allocation de subsistance mensuelle s’étendra de Rs 2 720 pour tout adulte figurant sur le Registre social de l’État à Rs 9 520 pour une famille composée de deux adultes et trois enfants. Le montant de ce seuil maximal, a souligné Pravind Jugnauth, est de 40 % supérieur à celui préconisé par la Banque mondiale et représente une augmentation de Rs 3 320 par rapport au précédent seuil qui était de Rs 6 200. Cette mesure, qualifiée par le ministre d’«historique», sera effective à compter du 1er décembre 2016.

Soutien financier à la scolarisation

Pour briser le cercle vicieux de la pauvreté, le gouvernement compte miser sur l’éducation. Pour inciter les jeunes à poursuivre leur parcours scolaire au moins jusqu’à la Form VI, les élèves de familles pauvres se verront offrir un cash award à trois étapes de leurs études, s’ils réussissent leurs examens: Form III (grade 9 sous le système de nine year schooling), Rs 15 000 ; School Certificate ou certificat professionnel équivalent, Rs 25 000 et Higher School Certificate ou qualification technique équivalente, Rs 35 000. Les tout-petits n’ont pas été oubliés : le montant du coupon de crèche attribué aux familles démunies sous le Crèche voucher scheme augmente de Rs 500, passant de Rs 1 500 à Rs 2 000 par enfant mensuellement. Le but du gouvernement étant de «donner un bon départ dans la vie» aux enfants. Dans le même esprit, l’allocation repas destinée aux élèves des écoles des zones d’éducation prioritaire (ZEP) connaîtra une hausse de 50 %, pour s’établir à Rs 60 par jour.

L’accès à un logement décent fait également partie des priorités du gouvernement. Dans le cadre du plan Marshall, un programme axé sur la construction d’au moins 800 unités de logement sur les trois prochaines années sera lancé. Globalement, le Budget fait provision d’un montant de Rs 1 milliard pour la construction et l’achèvement de 1 900 unités de logement de 50 m2 sur 16 sites à travers l’île et de Rs 155 millions pour le programme de réhabilitation des appartements de la National Housing Development Company (NHDC). Quant au seuil d’éligibilité au plan de logement social de la NHDC, il est passé d’un revenu mensuel de Rs 10 000 à Rs 20 000.

Sociologue enseignant à l’Université de Maurice, Rajen Suntoo est d’avis que le Budget démontre la volonté du gouvernement de renforcer le tissu social. Selon lui, les mesures présentées «motiveront les classes sociales les plus atteintes par la cherté de la vie à travailler encore plus dur». Il ajoute que dans une conjoncture marquée par l’instabilité économique, la croissance viendra d’une meilleure productivité et de l’ingéniosité de la nation tout entière, surtout de la classe des travailleurs.

Thierry Le Breton, Manager régional d’Utopies, agence conseil en développement durable, estime, pour sa part, que c’est la conjoncture économique internationale qui pousse le gouvernement à agir. «Pendant tout ce temps, on se berçait d’illusions, pensant qu’il suffirait à l’économie de bien tourner pour que le reste marche», lance-t-il. Il accueille toutefois favorablement le fait que «quand le Budget aborde la question de la pauvreté et de l’intégration sociale, il propose deux grands axes d’intervention; premièrement, le renforcement des politiques de redistribution à destination des personnes défavorisées et deuxièmement, le soutien financier à la scolarisation des enfants démunis». Vu la taille de l’île, Thierry Le Breton affirme que la mise en œuvre de ces mesures sera facile et qu’elles auront un effet immédiat sur les conditions de vie des nécessiteux. Il insiste cependant sur l’importance d’«une action à long terme visant à améliorer la justice sociale» plutôt qu’une «politique de redistribution temporaire, le temps d’éliminer l’extrême pauvreté».