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Édito

Conformité : la nouvelle règle du jeu

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Richard Le Bon

«Le Virtual Assets Business Bill a déjà été circulé auprès des acteurs du global business. Tout l’enjeu consistera à adopter une loi avant-gardiste qui réponde aux attentes des gendarmes financiers»

Plus de place à l’indulgence. Le monde de la finance est entré de plain-pied dans une nouvelle ère, celle de la transparence la plus totale concernant les mouvements de fonds dans le système financier. Plus que jamais, la conformité aux réglementations internationales est devenue le maître mot. N’en déplaise à ceux qui, à tort ou à raison, estiment qu’on évolue dans un environnement surréglementé, on est obligé se plier aux règles du jeu.

Dans ce débat sur l’ampleur qu’a prise la notion de conformité dans le secteur financier, il convient de remonter à la crise de 2007-2008, qui aura mis au jour les failles béantes d’une structure dont les fondations reposaient sur du sable mouvant. Face à ce constat, les Occidentaux comprirent qu’il fallait prendre des mesures énergiques en adoptant des réglementations fortes pour une meilleure supervision du secteur bancaire et non bancaire. Et cela en agissant sur plusieurs fronts. C’est ainsi qu’en 2010, sous l’impulsion du G20 et du Conseil de Stabilité Financière, Bâle III était adopté. Il s’agissait d’un premier pas vers le renforcement de la réglementation bancaire tout en se focalisant sur les fondamentaux financiers. Ainsi, les banques se voyaient imposer de nouveaux critères auxquels elles devaient se conformer en termes de niveaux de liquidités, de fonds propres ou de réserves. Quant à la question de normes macro-prudentielles, elle prenait tout son sens, avec les banques centrales veillant au grain et prêtes à sanctionner si besoin est.

Dans le prolongement de Bâle III, la norme comptable IFRS 9 entrait en vigueur en janvier 2018 dans le but d’expurger le système bancaire des actifs toxiques. Ainsi, le modèle beaucoup plus transparent de dépréciation pour risque de crédit remplaçait celui consistant à évaluer les actifs sur la base des pertes de crédit attendues.

Le deuxième front concerne la surveillance des comptes étrangers et l’échange d’informations. Ici, il faut souligner la décision du gouvernement américain de promulguer le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) en 2010 pour contraindre ses citoyens à déclarer leurs avoirs à l’étranger. De son côté, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) adoptait le Common Reporting Standard (CRS) en 2014 en vue de favoriser l’échange automatique d’informations entre pays partenaires pour mieux lutter contre l’évasion fiscale.

La volonté de l’OCDE de mener la vie dure aux juridictions comme Maurice vers lesquelles certains investisseurs se tournent dans le cadre de leur stratégie d’optimisation fiscale s’est concrétisée avec le projet BEPS (Base erosion and profit shifting) auquel bon gré mal gré Maurice a dû adhérer tout en s’engageant à revoir ses traités bilatéraux et à les aligner sur la convention multilatérale. Le forcing de l’OCDE a, on le sait, abouti cette année à l’adoption d’un impôt minimum mondial de 15 % touchant les multinationales brassant un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros.

Avec l’éclatement de la pandémie, la volonté de l’Union européenne et des États-Unis de freiner les mouvements de capitaux hors de leurs territoires semble plus farouche. La décision de la Commission européenne de placer Maurice sur sa liste des juridictions à risque élevé en pleine pandémie doit nous rappeler qu’il ne nous sera fait aucun cadeau. Le pays a remporté une première victoire le 21 octobre en obtenant son retrait de la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI). Mais, auparavant, il a fallu abattre un travail considérable pour adresser une à une les cinq déficiences stratégiques relevées par l’agence intergouvernementale. Valeur du jour, nous sommes pleinement conformes à 39 des 40 recommandations du GAFI. Le seul critère auquel nous ne sommes que partiellement conformes est la Recommandation 15 qui porte sur les actifs virtuels. Au vu de la complexité que requiert la mise en place d’un mécanisme de supervision pour traquer les fonds en jetons numériques et autres cryptomonnaies, le GAFI s’est montré conciliant en nous accordant un délai pour mettre en place l’infrastructure juridique appropriée afin d’éviter que notre juridiction ne se retrouve mêlée à l’avenir à des actes de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme et autres activités liées à la prolifération d’armes de destruction massive empruntant la route virtuelle. Il y a là un vrai risque réputationnel et financier.

Le Virtual Assets Business Bill a déjà été circulé auprès des acteurs du global business. Tout l’enjeu consistera à adopter une loi avant-gardiste qui réponde aux attentes des gendarmes financiers. Ce sera une preuve de plus de notre engagement à réinventer le secteur du global business et à positionner Maurice comme une juridiction de substance ayant tourné le dos aux pratiques fiscales dommageables.

Si tout se passe bien, le pays devrait sortir de la liste noire de l’Union européenne dès le mois prochain. Cela créera une nouvelle dynamique dans le secteur. C’est une parenthèse qui va se refermer. Mais il faudra qu’on reste vigilant. À l’avenir, on ne pourra plus se contenter d’une conformité de façade. C’est bien qu’on se dote d’un arsenal légal solide permettant de lutter efficacement contre les crimes financiers, mais il est tout aussi vital qu’on forme une nouvelle génération de professionnels dans le domaine de la conformité ; des incorruptibles ayant pour mission de surveiller comme le lait sur le feu qu’on reste au diapason des changements aux réglementations internationales. Par le passé, le secteur du global business a systématiquement eu mauvaise presse, car des investisseurs véreux ont su exploiter les failles de nos régimes offshore pour s’adonner à des montages financiers douteux pour masquer qui sont les bénéficiaires ultimes derrière certaines transactions financières. Depuis, sur le plan de la conformité aux réglementations internationales, l’on a rectifié le tir. Il s’agira désormais d’être rigoriste dans l’application de ces réglementations pour bâtir l’intégrité de la juridiction.

 

Richard LE BON

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