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Édito

Crise de gouvernance

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Et s’il n’existait pas de presse libre ? Juste un Premier ministre à la tête d’un gouvernement avec en face une Opposition parlementaire qui accourt à chaque invitation pour discuter, pour ne pas dire « cose coser » de la réforme électorale ? Avec l’actualité du moment, la question mérite d’être posée bien que l’Opposition semble aujourd’hui retrouver une certaine vigueur depuis les municipales de 2012.

Ce n’est certainement pas l’économiste Dani Rodrik qui nous dira le contraire. D’autant plus que dans le passé, il a déclaré que la solidité des institutions nationales a contribué dans une large mesure au miracle économique mauricien.

Or, les événements de ces dernières semaines tranchent singulièrement avec cette culture de transparence que l’économiste avait évoquée dans une de ses études pour expliquer comment Maurice a réussi à surmonter ses déséquilibres macroéconomiques au début des années ‘80. Le pays vit actuellement des moments exceptionnels avec la mise à nue dans la presse d’une culture d’affairisme qui semble avoir gangrené tout le système. Une culture qui a non seulement pris racine, mais aussi qui est favorisée par notre système de gouvernement.

La crise de gouvernance à laquelle nous assistons en ce moment n’est pas nouvelle. Le pays en a connu d’autres dans son histoire récente. Rappelez-vous l’épisode du hedgingd’Air Mauritius et de la State Trading Corporation dont nous sommes toujours en train de subir les conséquences.

La saga politico-financière qui défraye la chronique ces jours-ci témoigne également de la fragilisation, voire d’un dysfonctionnement de nos institutions. Une situation qui trouve son origine dans nos mœurs politiques et dans la propension de nos dirigeants à s’ingérer dans les affaires des entreprises publiques.

Une étude effectuée en 2009 pour le compte du comité national sur la bonne gouvernance fait également la même lecture. Le niveau de conformité au code de bonne gouvernance est très élevé parmi les compagnies cotées à la Bourse de Maurice, ainsi que les institutions bancaires, non-bancaires et financières, soit plus de 80 %.

En revanche, les auteurs de cette étude réalisée en 2009 avaient trouvé que tel n’était pas le cas dans les corps parapublics communément appelés State-Owned Enterprises. Elles sont seulement 44 % à se conformer aux principes de bonne gouvernance. Et dire qu’elles engloutissement des millions de roupies en termes de subventions de l’état.

Comment changer la donne et mettre fin à des pratiques douteuses qui ont entraîné le pays dans un feuilleton interminable et riche en rebondissements alors que les défis se multiplient avec la crise qui secoue nos marchés d’exportation et touristiques ?

Cela fait des années que les bailleurs de fonds en parlent. La délégation du Fonds monétaire International, qui est venue discuter de l’Article IV, remettra certainement la question sur le tapis. Il s’agit, bien évidemment, de la réforme des corps paraétatiques.

La conjoncture vient offrir une nouvelle raison majeure, s’il en fallait une, de ne pas continuer à tergiverser sur l’importance de ces réformes. Continuer à les repousser ad vitam aeternaméquivaut aujourd’hui à vouloir garder une mainmise sur les entreprises publiques et parapubliques et à propager et soutenir une culture d’affairisme dans l’île.

L’heure n’est certainement pas à une « guerre » non productive contre la presse qui, après tout, ne fait que son devoir d’informer mais plutôt à enlever les doutes dans la tête des Mauriciens tout en les aidant à retrouver confiance dans les institutions vitales du pays.

La seule façon d’y parvenir c’est de rendre leur indépendance aux institutions publiques en coupant une fois pour toutes le cordon ombilical qui les lie aux puissants du jour et à ceux qui aspirent à leur succéder.

Le défi principal sera de professionnaliser la nomination des directeurs des entreprises publiques ou parapubliques, afin de veiller à ce que le processus ne relève pas des politiciens. Car la faiblesse de ces institutions repose justement sur le fait que les conseils d’administration sont infestés de nominés politiques en tout genre qui ont été choisis non pas sur la base de leurs compétences, mais aussi pour leurs allégeances.

Quoi attendre de ces nominés politiques ou de ces fonctionnaires qui ont été désignés en fonction de leur proximité avec le pouvoir pour siéger sur les conseils d’administration des corps parapublics si ce n’est qu’ils se mettent au service de ceux et celles qui les protègent.

Aussi longtemps que la nomination des directeurs à des postes clefs dans les entreprises publiques relèvera des prérogatives des politiques, nous ne verrons pas le bout du tunnel pour ce qui est des abus et gaspillages.

Confronté déjà à une crise économique, le pays aurait pu faire l’économie d’une crise de gouvernance. Reste à savoir si à l’Hôtel du Gouvernement où l’on réfléchit toujours sur la nécessité d’avoir une Freedom of Information Act, on l’entend de cette oreille.

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