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Édito

Crowdfunding : un game-changer pour les PME

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Richard Le Bon

«À Maurice, on a souvent honte de l’échec, alors que dans les affaires, l’échec forge le caractère de l’entrepreneur et fait partie de son cheminement naturel»

La crise a indéniablement accéléré le processus de désintermédiation financière. Ayant pour obligation de suivre des directives macro-prudentielles strictes édictées par la Banque centrale, les banques ont quelque peu fermé le robinet, débloquant du crédit surtout en faveur des entreprises les plus robustes financièrement. Difficile de faire autrement quand on sait qu’il fallait préserver la stabilité financière du système bancaire et éviter de se retrouver avec une crise financière majeure qui aurait porté un coup fatal à l’économie. Ainsi, bien qu’en temps de récession la logique économique veut que les banques arrosent les entreprises de liquidités, la crise de 2007-2008 est venue faire le contre-poids de cette doxa en nous rappelant que le système bancaire est le poumon de l’économie et qu’il est primordial de limiter les prêts non productifs.

C’est cette relative prudence affichée par les banques dans le traitement des dossiers de crédit qui aura poussé les microentreprises et les PME à se tourner vers des formes alternatives de financement comme le crowdfunding. Une activité qui a vraiment décollé pendant la pandémie. En 2020, le volume des fonds levés par les plateformes de financement participatif dans le monde est estimé autour de 114 milliards de dollars. Parmi, près de 40 % des investissements de crowdfunding sont axés sur les entreprises et l’entrepreneuriat. Une percée époustouflante pour un secteur qui se développe depuis à peine une dizaine d’années.

À Maurice, le développement du crowdfunding a été encore plus poussif. Il n’y a pas si longtemps, les plateformes de crowdfunding devaient solliciter une autorisation du Commissaire de police pour organiser des levées de fonds. Celle-ci était sujette à un renouvellement de manière périodique. Il s’est ensuivi la création de Regulatory Sandbox Licences au niveau de l’Economic Development Board qui concernent toutes les activités de la fintech incluant le financement participatif. La réglementation a encore évolué avec le lancement par la Financial Services Commission (FSC) d’une licence Peer-to-peer Lending permettant de développer le segment prêt du financement participatif. Une nouvelle étape a été franchie avec la finalisation d’un cadre réglementaire pour le segment investissement (equity). Le renforcement du cadre réglementaire pour le crowdfunding va sans doute accélérer la croissance de ce secteur. Car il donnera plus de certitude aux entreprises en quête de financement, mais aussi aux financeurs.

Valeur du jour, l’écosystème du crowdfunding ne s’est pas encore bien développé. On compte quatre opérateurs dans ce secteur. Il y a d’abord Fundkiss qui, par le biais de sa place de marché, permet à une communauté de plus de 2 600 investisseurs de financer des PME à travers des formules de prêt. Depuis 2019, la plateforme a facilité le financement de projets pour un montant de plus de Rs 100 millions. Rien que pour le mois de juin, Fundkiss a permis le financement de 13 PME pour un montant de Rs 12,3 millions. Pour le segment des dons, on retrouve deux sociétés : Small Step Matters et Crowdfund.mu. Alors qu’Olive Crowd est engagée dans le domaine du crowdequity.

Maintenant que le cadre réglementaire est posé, le financement participatif est bien parti pour devenir l’un des modes de financement privilégiés par les PME et les start-up. S’il suscite autant d’intérêt, c’est parce qu’il fournit des fonds propres aux jeunes entreprises. Comme on le sait, avec la crise, l’une des problématiques majeures pour les PME et les TPE reste l’insuffisance de cash-flow et la difficulté d’accéder aux leviers de financement. D’ailleurs, dans son Business Pulse publié en décembre 2020, Business Mauritius révélait que 53 % des entreprises font face à des problèmes de trésorerie. Qu’on se le dise, nos entrepreneurs ont du talent à en revendre. Mais, pour réussir, ils ont besoin de bénéficier d’un accompagnement technique et financier. Le crowdfunding leur donne la possibilité de lever des capitaux à un coût peu élevé. Tant de start-up et de PME ont à contrecœur dû déposer leur bilan faute d’avoir pu bénéficier d’un emprunt. Le crowdfunding pourrait résoudre cette problématique en apportant des solutions innovantes et alternatives aux entreprises.

D’un autre côté, le crowdfunding représente une solution d’investissement crédible aux investisseurs. Il leur permet de diversifier leur portefeuille et d’investir dans l’économie réelle avec une stratégie portée sur des sociétés ayant un vrai potentiel de croissance. Avec à la clef des niveaux de rendement intéressants supérieurs aux rendements sur les obligations d’État et d’entreprises.

Participant à la démocratisation de l’accès aux sources de financement dans un monde où la désintermédiation financière s’accélère, le crowdfunding représente une planche de salut notamment pour les start-up où le taux d’échec est élevé en raison notamment des carences en gestion financière (parmi les autres causes, l’on retrouve les problématiques commerciales, les carences techniques et les carences relationnelles et du management). En levant des capitaux sur une plateforme de crowdfunding, l’entrepreneur bénéficie de liquidités pour répondre à ses besoins en termes de fonds de roulement, pour l’achat et l’importation de matières premières ou pour financer ses projets d’expansion. De plus, une relation de proximité s’établit entre l’entrepreneur et ses financeurs. Se sachant soutenu, l’entrepreneur peut se sentir revigoré. Cela est susceptible d’être propice à la croissance de l’entreprise.

Dans ce débat sur le financement des start-up et des PME, il est utile de faire ressortir qu’à Maurice, on a souvent honte de l’échec, alors que dans les affaires, l’échec forge le caractère de l’entrepreneur et fait partie de son cheminement naturel. La question de financement reste au centre de ce cheminement. Alors que le secteur du crowdfunding se développe, il est nécessaire de sensibiliser les entrepreneurs et les financeurs sur ce qu’implique l’aventure entrepreneuriale en termes de risques, mais aussi d’opportunités.

 

Richard LE BON

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