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Édito

Démocratie

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Nad Sivaramen

Ces mots attribués à Winston Churchill, «Democracy is the worst government, except for all the others that have been tried»,vont encore résonner dans les esprits alors que se tient le deuxième sommet pour la démocratie, à l’initiative des États-Unis. Joe Biden s’est engagé à verser près de 700 millions de dollars pour stopper le recul démocratique mondial et forger une alliance contre les technologies de surveillance. Il visait particulièrement la Russie et la Chine.

Trois thématiques sont revenues sur le tapis : 1) se prémunir contre l’autoritarisme, 2) s’attaquer à la corruption et 3) promouvoir le respect des droits humains.

L’idéal démocratique, à Washington, DC, ayant été malmené, piétiné, comme jamais en raison de la volonté persistante d’un Donald Trump de dénigrer le processus électoral, qui demeure un des credo du système démocratique. Le pire avait été atteint, en janvier 2021, quand l’ancien président des États-Unis avait encouragé ses partisans à marcher sur le Capitole – temple de la démocratie américaine, qui a été saccagé. Outre l’insurrection meurtrière au Capitole, les grandes manifestations de Black Lives Matter sont venues assombrir «le phare de la démocratie» qu’étaient les États-Unis.

Pratiquement un an plus tard, malgré l’élection de Joe Biden, la démocratie US vacille toujours. Dans une rare lettre conjointe, envoyée à l’express, les ambassadeurs de la Chine et de la Russie avaient fait une sortie contre l’initiative américaine :«C’est un produit évident de la mentalité de guerre froide ; cela attisera la confrontation idéologique et une fracture dans le monde, créant de nouvelles lignes de division

Ceux qui n’ont pas reçu leur bristol d’invitation ne comprennent pas, avec raison, pourquoi les États-Unis s’autorisent à définir «qui est un pays démocratique et qui n’est pas éligible à ce statut». Pour les Chinois, le modèle politique chinois est bien plus sensible aux souhaits du peuple, qu’il est «plus parfaitement démocratique que celui de l’Amérique». Ce qui, selon eux, remet en question la légitimité des États-Unis en tant qu’hôte d’un tel sommet.

Au fil des siècles, la démocratie, même à ses balbutiements en Grèce, a toujours pris des formes différentes, tantôt directes, tantôt indirectes et parfois mixtes. Elle a traversé le temps, les continents et les civilisations, jamais définitivement triomphante, jamais définitivement battue. Elle demeure un processus, qui des fois progresse et qui des fois régresse. À Maurice, 20 ans après la libéralisation des ondes, nous assistons, en 2021, à une régression de la liberté d’expression des citoyens sur les ondes radio, alors que les ondes télé demeurent prisonnières entre les mains d’un pouvoir qui, de plus en plus, veut contrôler la presse, les réseaux sociaux, au nom d’une certaine logique qu’on peut facilement qualifier d’anti-démocratique, voire autocratique.

Ceux au pouvoir aujourd’hui ne réalisent pas qu’ils seront dans l’opposition demain, avec l’alternance imposée par les urnes. Il leur faut donc de l’humilité pour comprendre qu’un choix politique n’est pas une vérité absolue. Mais aussi, et surtout, il faut de la culture politique et du recul pour admettre que c’est l’électeur qui est au cœur de la vie politique, et non pas l’élu. Celui-ci sert le peuple, et évite de se servir à ses dépens.

***

Le monde devient plus autoritaire. C’est le dur constat de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA), basé à Stockholm. L’institut estime que le nombre de pays qui s’autocratisent s’avère trois fois supérieur au nombre de pays plus démocratiques.

Autre constat : les régimes hybrides (régimes qui combinent pratiques autoritaires du pouvoir et élections démocratiques, un peu comme chez nous actuellement) et les régimes autoritaires progressent. Le pointage provisoire d’IDEA recense 98 démocraties – un nombre au plus bas depuis plusieurs années – 20 régimes «hybrides», dont la Russie, le Maroc ou encore la Turquie ; et 47 régimes autoritaires, parmi lesquels la Chine, l’Arabie saoudite, l’Éthiopie ou encore l’Iran. Et en Afrique, l’IDEA observe une forte prédominance de régimes «autoritaires» avec l’exception de la Tunisie, considérée comme une démocratie «intermédiaire»… Ici, la corruption comme illustrée dans l’affaire Franklin, les coups d’épée dans l’eau du bureau de l’Audit, les manœuvres législatives et les nominations au sein des institutions de l’État ne pourront que nous faire perdre encore d’autres points sur notre sinistre route vers l’autocratisation.

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