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Édito

LES CHOIX SE PRÉCISENT !

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LES CHOIX SE PRÉCISENT ! | business-magazine.mu

Il faudrait, une fois encore, s’interroger pour bien établir notre vulnérabilité : comment se fait-il qu’une cellule si peu sophistiquée, à peine “vivante”, un tout petit paquet d’acide nucléique, saupoudré d’une pincée de protéine, qui est sans cervelle, sans visage et sans cœur peut, à ce point, bouleverser nos quotidiens ? Nous, les maîtres du monde ! La preuve ? Le Covid-19 Bill, qui fait modifier 56 lois du pays ! Généralement sous forme d’extension des délais prévus pour respecter des règlements ou pour obtenir un permis, ainsi que d’une augmentation généralisée des peines à encourir en cas de non-respect des lois.

Mais aussi pour des modifications majeures qui vont vraiment compter et qui ne se cachent pas. En tête de liste, la modification de la Bank of Mauritius Act que le Covid-19 Projects Development Fund(PDF) Bill avait pré-annoncé la semaine dernière.

Grâce au coronavirus qui tue, la Banque centrale peut désormais faire des dons (‘grants’) au budget du gouvernement (section 6(1)). Plus spécifiquement, ces dons peuvent provenir du Special Reserve Fund(section 47), ce fonds duquel on a déjà puisé Rs 18 milliards en décembre dernier, avant même l’avènement du coronavirus, pour rembourser la dette du gouvernement. C’est dire si la formule avait mis en appétit et n’avait besoin d’aucun prétexte de virus ! D’autre part, la BoM peut aussi désormais souscrire et investir dans des véhicules financiers à risque du gouvernement, comme le PDF, et plus particulièrement utiliser les réserves de devises du pays pour des investissements spécifiques (section 46(5)). Air Mauritius, peut-être ? Cela me rappelle un peu le début de la démence de la BAI qui investissait ses réserves dans ses propres projets à risques plutôt que de les répartir ailleurs, dans des investissements moins risqués, par prudence. Pas vous ?

C’est donc la mobilisation générale des ressources de la Banque centrale pour sortir le pays de la crise actuelle, SANS augmentation de la dette nationale ! Mais pourquoi donc, alors, abolir le Statutory DebtCeiling aussi de la Public Debt Management Act (section 7) ? Il y a d’autres appétits en marche ?

Le fait que ces options soient sujettes à l’approbation du Board de la BoM ne devrait tromper personne. L’urgence du moment réclame des solutions hors normes et l’indépendance de la Banque centrale passe donc à la trappe. Il est possible que ces mesures aient reçu l’assentiment du FMI (que l’on aimerait entendre rapidement, de toute façon, pour nous rassurer !), car les banques centrales ont été certes mises à contribution partout depuis 2008-2009 déjà et le sont à nouveau, tout simplement, pour accompagner un déconfinement réussi ! Mais si ce n’était pas le cas, c’est un énorme risque que l’on prend !

Les risques d’inflation éventuelle, d’affaiblissement de la roupie et de perte de crédibilité sur les marchés internationaux sont bien réels mais ont été jugés maîtrisables et de toute façon moins prioritaires que l’absolue nécessité d’éviter le marasme à notre économie. Le dollar est déjà passé de Rs 36,60 en janvier à Rs 40,00 ce lundi (+9,3 %). C’est leSpecial Reserve Fund qui va être content !

Signalons aussi la modification de la Finance and Audit Act qui permettra désormais au ministre des Finances de puiser, seulement dans l’urgence peut-on espérer, du Consolidated Fund non plus jusqu’à 3,5 milliards, mais jusqu’à 15 milliards ainsi que des précisions concernant le Wage Assistance Scheme. En effet, il est proposé un ‘levy’ de remboursement sur la prochaine année fiscale (ou la suivante, selon le cas), qui sera le montant le plus faible d’entre la somme totale encaissée par une compagnie sous le WAS ou 15 % de son profit taxable, ce qui me paraît parfaitement légitime et bien raisonnable. Même si l’on peut déjà entendre les éternels mauvais coucheurs souligner que l’on ne les avait jamais prévenus, avant le décaissement.

Cependant, le statutory debt ceiling étant aboli, nos dirigeants se sont donc enlevé toutes les contraintes qui pouvaient encore les restreindre. Le FMI et Moody’s approuveront-ils ça aussi ? Nos dirigeants sont-ils àce point responsables et se font-ils à ce point confiance à eux-mêmes ? Nous, pas, par contre ! Et l’on juge sur pièces, malheureusement !

Le décor est planté, les acteurs sont en place. On attend avec trépidation que le rideau se lève et que les projecteurs soient braqués sur les plans détaillés pour réanimer l’économie et préserver le pays. Avec rigueur, il faudra, je le répète, en profiter pour concrétiser les grandes réformes nécessaires, éliminer les gaspillages éhontés, évoluer vers la méritocratie, fédérer et mobiliser le pays, transformer nos mentalités, forger un pays de productivité et de solidarité.

Nous avons bien le droit de continuer à rêver, non ? C’est notre pays, à nous aussi, après tout !


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