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Édito

Macron vs Le Pen ou le duel entre la mondialisation et le nationalisme

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Richard Le Bon

«Cette présidentielle française, une opposition entre la mondialisation et le nationalisme, intervient à un moment où le populisme gagne du terrain sur le Vieux continent»

Le premier tour de la présidentielle française a livré son verdict. Tout comme en 2017, Emmanuel Macron et Marine Le Pen croiseront le fer lors du second tour. Un affrontement entre deux courants de pensée, deux philosophies dans la façon d’administrer la cité. Emmanuel Macron, l’énarque, le technocrate, qui, il y a cinq ans, a séduit le monde par son pragmatisme, sera-t-il reconduit pour un second mandat ? Ou l’idéologue Marine Le Pen deviendra-t-elle la première présidente de la France ? Un second scénario qui, pour l’heure, paraît plutôt improbable. Selon le sondage Ipsos-Sopra Steria réalisé pour le compte de France Télévisions, le président sortant devrait se faire réélire avec 54 % des intentions de vote contre 46 % pour la candidate du Rassemblement National. Ainsi, le duel sera nettement plus serré que lors de la présidentielle de 2017 lorsque Emmanuel Macron avait remporté haut la main l’élection avec 66,1 % des suffrages.

Le 24 avril sera décisif pour l’avenir de la France, mais aussi de l’Europe et de ses partenaires économiques et commerciaux. La France, comme on le sait, préside en ce moment l’Union européenne. Emmanuel Macron est un ardent défenseur d’une Europe unie et forte. Il incarne la realpolitik européenne et internationale. Pendant son quinquennat, il s’est évertué à ancrer la France dans la mondialisation. Par opposition, Marine Le Pen souhaite placer les intérêts nationaux au-dessus de la mondialisation. D’ailleurs, dans son programme électoral, elle explique clairement qu’elle entend bien «remettre l’Union européenne à sa place», c’est-à-dire un cran en dessous de la souveraineté nationale. Un discours populiste loin d’être rassurant pour l’Europe des nations.

Donc, cette présidentielle française est une opposition entre la mondialisation et le nationalisme. Elle intervient à un moment où le populisme gagne du terrain sur le Vieux continent. Pas plus tard que la semaine dernière, Aleksandar Vučić et Viktor Orbán, deux chefs d’État connus pour leurs dérives totalitaires, ont été reconduits à la tête de la Serbie et de la Hongrie respectivement. Et comment faire l’impasse sur l’ultra-nationalisme de Vladimir Poutine qui, fort de ses idéaux restaurationnistes éculés, a poussé le monde dans une guerre qui déstabilise tout le système économique mondial ?

Aujourd’hui, malgré la victoire d’Emmanuel Macron au premier tour, force est de constater qu’il y a de profonds clivages au sein de la société française. Selon Jérémie Peltier, directeur des études à la Fondation Jean Jaurès, l’on assiste à une tripartition de la vie politique en France avec un bloc central centre-droit incarné par Emmanuel Macron, un bloc d’extrême droite avec la figure de Marine Le Pen et, finalement, un bloc d’extrême gauche populiste représenté par Jean-Luc Mélenchon. Il y a clairement une montée en puissance des extrêmes avec les figures populistes que sont Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour recueillant 52,1 % des votes.

Tout l’enjeu de cette présidentielle avec le début du marathon final de l’entre-deux-tours résidera dans la capacité des deux candidats à courtiser les 22 % des Français ayant voté pour Jean-Luc Mélenchon. Difficile de prédire comment ces voix seront reportées bien que le chef de file de la France Insoumise ait demandé de faire barrage à Marine Le Pen. Face à cette menace des extrêmes, Emmanuel Macron devra sans doute se montrer plus stratégique, retravailler son discours en se focalisant plus sur le social, revoir quelque peu sa posture sur des problématiques impopulaires comme la réforme des retraites et rassurer les Français sur la question du pouvoir d’achat.

Quoi qu’il en soit, le débat sera passionnant. À Maurice, on suivra certainement avec intérêt le mano a mano Macron vs Le Pen. Car la France et Maurice sont des partenaires historiques qui entretiennent des liens diplomatique et culturel solides.

Concernant les échanges commerciaux, la balance est déficitaire pour Maurice. Nos exportations vers la France totalisaient Rs 5,9 milliards en 2021. Alors que nos importations de l’Hexagone s’élevaient à Rs 14,2 milliards. Pour le tourisme, nous sommes hautement dépendants de la France, qui demeure notre principal marché avec 18,4 % des arrivées enregistrées en 2019.

La France est également un gros apporteur de capitaux, notamment dans les Tic-BPO. Ainsi, elle contribue à environ 85 % des investissements dans ce secteur qui a été réellement mis en orbite au début des années 2000 et compte aujourd’hui quelque 850 sociétés avec une contribution de 5,8 % au PIB en 2019. Si les sociétés françaises se tournent vers Maurice, c’est parce qu’elles y trouvent une main-d’œuvre à l’aise en français et pouvant traiter avec les clients francophones. Sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, les investissements directs étrangers (IDE) ont évolué en dents de scie. Selon la Banque de Maurice, ils s’élevaient à Rs 5,75 milliards en 2017 avant de chuter à Rs 4,08 milliards en 2018, puis de grimper à nouveau à Rs 8,56 milliards en 2019. Avec l’éclatement de la pandémie et l’inclusion de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne, les IDE de la France ont reculé à Rs 4,17 milliards en 2020. En 2021, la performance est plus ou moins similaire. Les chiffres compilés pour la période de janvier à juillet 2021 indiquent que les capitaux français atterrissant à Maurice totalisaient Rs 2,08 milliards.

Certes, sous le quinquennat de Macron, il n’y a pas eu d’avancées majeures dans la coopération France-Maurice, mais le président sortant est résolu à pratiquer une politique d’ouverture avec les pays de l’Afrique subsaharienne. Dans le cas de Maurice, cela s’est matérialisé par un renforcement de la coopération économique avec La Réunion. Comme le soulignait dans ces mêmes colonnes Grégory Martin, chargé de mission de la Région Réunion à Maurice, la semaine dernière, nous avons été le premier investisseur à l’île sœur de 2015 à 2020.

Dans l’éventualité d’un scénario où Marine Le Pen deviendrait le nouveau locataire de l’Élysée, la crainte est que sa vision nationaliste incite à un repli de la France et qu’il y ait un changement de cap dans la politique étrangère et migratoire, même s’il est clair qu’elle devra par la force des choses se fondre dans le courant de la mondialisation.

Rien de rassurant pour la petite île Maurice. On préfère de loin la continuité à l’inconnu.

 

Richard Le Bon

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