Type to search

Édito

Malaise

Share

Rs 5,6 milliards. C’est ce que coûtera la note salariale de la fonction publique avec la correction des anomalies du dernier rapport du Pay Research Bureau par l’ancien secrétaire financier, Dev Manraj.

Si pour nombre d’analystes, la décision du gouvernement de mettre rapidement en application les recommandations de Dev Manraj vise surtout à rechercher un certain apaisement face aux scandales qui secouent le pays, pour d’autres, en revanche, cette démarche n’a pas eu l’effet escompté.

Au contraire, la publication de ce rapport a contribué à faire remonter à la surface la grande frustration qui anime, depuis un certain temps, nos compatriotes. Car la société mauricienne souffre, non seulement de la crise économique, mais aussi des gabegies de ses dirigeants.

Heureusement, des voix s’élèvent au sein même de la majorité gouvernementale. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, cette semaine, le ministre des Finances, Xavier Duval, souligne que le succès du pays est « tributaire de l’efficacité des institutions qui opèrent dans des secteurs clefs ». Selon lui, il nous faut « the right man or the right woman in the right place ».

Se pose alors la question suivante : n’est-ce pas le cas actuellement ? C’est un autre membre du gouvernement qui apporte la réponse. Il s’agit de Reza Issack, secrétaire parlementaire privé.

Sur les ondes de Radio Plus, lundi matin, le député rouge a déclaré sa préférence pour une rémunération basée sur la performance, tout en réclamant une réduction de salaire dans certains cas. Pour le député de la majorité, la médiocrité de certains ministres écœure le

M. Issack a raison. Clairement, aujourd’hui, il y a un sentiment de révolte face à l’indécision et à l’amateurisme qui caractérisent la gouvernance publique. Etre victimes quotidiennement des manquements de personnes à qui des responsabilités nationales ont été confiées n’est certainement pas un plaisir, bien que le slogan insiste sur le fait que Mauritius, c’est un plaisir.

Ce ne sont pas les familles de ceux qui ont péri noyés dans les inondations à Port Louis en mars dernier qui nous diront le contraire et encore moins ceux qui ont récemment perdu des proches dans l’accident de Sorèze. Dire que jusqu’à présent, aucune explication valable n’a été donnée sur ces événements tragiques, alors qu’on parle de respecter la mémoire des victimes.

Comment ne pas être écœuré quand, comme dans les Républiques bananières, les décisions sont prises au petit bonheur et au mépris des règles les plus élémentaires de bonne gouvernance. Les nouvelles speed cameras, placées à la hâte çà et là à travers l’île pour renflouer les caisses de l’Etat (pardon, pour contrôler les excès de vitesse), illustrent parfaitement cette mentalité. Soit celle qui consiste à penser que le mot accountability n’a pas de sens.

Ne parlons pas de la culture de transparence dont se félicitait l’économiste Dani Rodrik dans une de ses études pour expliquer comment Maurice a réussi à surmonter ses déséquilibres macroéconomiques au début des années 80. Les institutions nationales, dont il disait le plus grand bien et qui, selon lui, ont contribué, dans une large mesure, au miracle économique mauricien, sont désormais en état de décrépitude. Tout comme l’est notre société qui n’arrive plus à retrouver ses repères face aux signaux brouillés qu’elle reçoit quotidiennement des pouvoirs publics.

L’absence de réactions de la part de la population traduit également un certain état d’esprit. Celui de la peur de représailles. Il en a beaucoup été question ces derniers temps dans la presse. La culture d’affairisme – chacun attend quelque chose de l’Etat -, qui gagne de plus en plus du terrain, peut aussi expliquer cette posture du « peuple admirable ».

Malheureusement, en attendant, la mauvaise gestion, les magouilles, les passe-droits et le favoritisme continuent de gangrener le système et risquent de devenir la norme dans un pays qui aspire à devenir le Singapour de l’océan Indien.

Face à ces maux qui rongent notre société, il ne faut pas s’étonner de voir s’éloigner les compétences. D’ailleurs, les candidats à l’émigration sont de plus en plus nombreux. Ce qui laisse entrevoir un profond mal-être et une certaine angoisse par rapport à l’avenir.

Tags:

You Might also Like