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Édito

Priorités

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«La priorité de ce pays ne peut pas être d’ordre politique ! Elle se trouve dans des retrouvailles et une réconciliation sincère avec des valeurs immuables et devra nécessairement favoriser l’économie»

Religieusement, depuis longtemps déjà, la Banque centrale tente de publier sa propre position financière dans le mois qui suit la fin de chaque mois. La position de février 2022 est ainsi publiée le 22 mars 2022, la position de janvier 2022 nous est communiquée le 17 février, celle de décembre 2021, le 26 janvier 2022. Et ainsi de suite.

Les comptes de mars et d’avril ne sont pas encore publiés.

Cependant, les faits démontrent que ce n’est pas la toute première fois qu’il y a un certain retard avec la publication des comptes. Les comptes de juillet à octobre 2021 étaient ainsi publiés ensemble le 7 décembre de cette année-là. Les comptes de mars 2020 prirent un mois de retard, comme plusieurs autres comptes en 2019, en 2018, en 2017, en 2016, en 2015… parfois pour quelques mois. Un retard de publication par rapport à ce qui est clairement souhaité n’est donc pas un drame en lui-même. D’autant plus que la sous-section 32(5) du Bank of Mauritius Act ne prescrit rien de plus qu’une obligation de la Banque à publier sa position mensuelle «as soon as may be practicable».

Seulement voilà, quand tout va bien, quasiment personne ne regarde les publications de la Banque centrale et, a fortiori, sa position de mois en mois ; cependant que cette publication devient d’un intérêt grandissant au fur et à mesure que la situation du pays se détériore. Un retard de publication devient alors une cause légitime d’inquiétude et de spéculation !

Or, personne ne peut prétendre que la situation ne se détériore pas ! Quelle que soit l’étendue de l’horizon choisi dans le passé récent.

Il y a la guerre d’Ukraine récente, bien sûr. Avant cela, la pandémie de Covid et ses conséquences inévitables, dont la hausse des prix des commodités sur le marché mondial, mais aussi nos décisions de fermer nos frontières bien plus longtemps que dicté par la raison. Or, ces événements récents pèsent surtout lourd parce qu’ils se greffent sur une économie qui se détériorait de toute manière notamment en termes de dette, de croissance et de balance commerciale. Le tableau I qui suit est parlant à plus d’un titre.

 

L’agenda populiste du gouvernement, dopé par les promesses électorales de 2019, ne s’est pas assagi avec la pandémie. Bien au contraire ! Le ministre des Finances se targue d’ailleurs d’interventions fiscales parmi les plus fortes au monde, représentant jusqu’à 32 % du PNB. Le FMI dit même mieux en nous comparant à d’autres économies émergentes (*)! Le résultat est assez inquiétant tant sur le plan économique, que psychologique. Ce qui pousse inévitablement à la lecture des chiffres qui comptent, y compris bien sûr, ceux de la Banque centrale et à des interrogations quand ceux-ci sont en retard.

Ce qui semble inquiéter le leader de l’Opposition, c’est le besoin éventuel de recapitaliser le bilan de la Banque centrale. Il a raison de s’en inquiéter. L’ancien Gouverneur de la Banque centrale, M. Bheenick, est inquiet au même titre et va jusqu’à suggérer que le délai de publication viendrait peut-être d’une dévalorisation du portefeuille de la MIC, ce qui serait embarrassant. D’autres s’inquiètent d’une baisse des réserves de devises, notamment avec une balance des comptes courants qui saigne toujours et de la vente historiquement importante de 200 millions de dollars, le 13 avril dernier, pour approvisionner le marché bancaire. Ce qui a d’ailleurs eu le mérite de stabiliser le dollar à environ Rs 43.00, du moins jusqu’au 30 mai à 10 h 45 !

Mais si embarras il y a pour expliquer ce délai, il est probable que ce ne soit pas la MIC et la réévaluation de son portefeuille qui en soient la cause, du moins à ce stade, puisque, au moins les valeurs cotées en Bourse progressent globalement jusqu’au 4 mai. L’appréciation de la roupie et celle, peut-être, des taux d’intérêt sont des explications plus probables. De nombreux commentateurs évoquent, depuis deux ans, combien la Banque centrale est désormais dépendante d’une roupie faiblissante pour générer des surplus et des réserves. Cette dépendance a des conséquences, bien sûr, dont l’inflation. Et quand on tente de revaloriser la roupie et que l’on réussit, c’est le bilan de la Banque centrale qui devient moins présentable…

Énormément repose désormais sur nos capacités nationales à générer plus de devises. Ceux qui s’étouffent d’indignation face aux profits des banques, réalisent-ils, en passant, que plus de 50 % de ceux-ci ne sont, du moins chez les grosses banques, pas générés sur le marché local, mais sur des transactions en devises, sur le marché extérieur ? Ce qui équivaut au travail fait par l’exportation ou par des avions de touristes arrivant sur l’île ? À court terme, en attendant l’improbable industrie pharmaceutique ou les nouveaux paris pris à Côte d’Or, tout va dépendre crucialement du tourisme où, au moins, les hôtels haut de gamme semblent confiants de réussite si les places d’avion sont disponibles.

Le gouvernement a intérêt à soigner sa copie ! Le million de touristes qu’il espère en 2022, sera vital pour la suite ! Car, comme l’aurait dit mon ancien prof de maths, même si ce ne sera pas suffisant pour résoudre tous nos problèmes, ce sera absolument nécessaire pour solutionner les défis les plus critiques ! D’autant plus que le prochain budget serait… ‘social’.

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