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Édito

Quo Vadis, Mauricius ?

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Philippe A. Forget

«Si nous ne sommes pas disposés à ouvrir nos frontières avant que 60 % de notre population ne soit vaccinée, avec 17 % actuellement pour les deux doses, nous ne serons pas sortis de l’auberge avant janvier 2022 !»

À la fin de cette semaine, nous écouterons le ministre des Finances, et nous saurons à quelle sauce nous serons mangés.

Les perspectives ne sont vraiment pas bonnes. On peut faire un procès à Moody’s, au FMI et à la Banque mondiale ; on peut souhaiter que le produit intérieur brut soit remplacé, ou complété, par l’Indice du développement humain qui accrédite mieux la «qualité de vie» d’une population en valorisant l’espérance de vie, le nombre d’années passées à être éduqué et les revenus par habitant, dûment modulés par les standards de PPP ; on peut, comme l’an dernier, décréter que l’endettement d’un pays n’est pas important en temps de crise ; on a tenté la solution ‘one-off’ d’utiliser la Banque centrale comme une hotte de père Noël, mais à la fin, il faut se réconcilier au fait qu’il ne peut y avoir des règlements et une réalité pour les autres, mais pas pour nous !

Les gendarmes financiers de la planète que sont le FMI et la BM, s’ils épousent un langage qui reste diplomatiquement arrangeant, ne se cachent pas sur l’essentiel : la Banque de Maurice et ses réserves monétaires ne sont PAS à la disposition du ministre des Finances et du gouvernement pour boucher les trous, financer les promesses démagogiques ou pharaoniques des uns et faire perdurer les inefficiences ou les gaspillages persistants et durables des autres. «The central bank law is being reformed to pre-empt further exceptional transfers to the government, in line with international best practices. In addition, the mission recommended that the central bank should relinquish ownership of the Mauritius Investment Corporation (MIC), and financing of the MIC should be provided through the budgetary process», écrivait le Fonds monétaire international dans son communiqué de presse du 7 mai dernier, après sa visite virtuelle de 2021 sous son Article IV.

La Banque de Maurice, dûment rabrouée, a donc émis un communiqué catégorisant désormais Rs 28 milliards des Rs 60 milliards injectées dans le Budget 2020-21, d’«avance» sur des dividendes à venir… Il faut d’ailleurs espérer que les compagnies du secteur privé n’adoptent pas désormais, dûment inspirées, ce modèle de distribution de dividende ‘par avance’ ! On peut imaginer que le Bank of Mauritius Act va être modifié comme suggéré. Rien d’aussi sûr, cependant, pour la recommandation concernant le financement de la MIC «through the budgetary process». Du moins pas cette année-ci, puisque cela ajouterait, pour le moment, encore au moins 4 % du PIB à la dette nationale qui, comme le souligne très justement le précédent Gouverneur de la Banque centrale, est bien plus élevée que ce qui est visible si l’on se réfère aux… remboursements plutôt qu’à la dette officielle affichée.

Le faisceau de problèmes à résoudre par le Grand argentier ne s’arrête malheureusement pas avec les diagnostics gênants du GAFI, de l’UE, de Moody’s, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. La balance des comptes courants, déficitaire à plus de 12,5 % du PIB en 2020, sera probablement autant dans le rouge en 2021, puisque les devises qu’engrange généralement le tourisme, ne semblent pas près de retrouver leur niveau de 2019 pour longtemps encore ! Pire, si nous ne sommes pas disposés à ouvrir nos frontières avant que 60 % de notre population ne soit vaccinée, il faut quand même remarquer que nous ne sommes qu’à 17 % actuellement pour les deux doses et qu’à cette même cadence, nous ne serons pas sortis d’aucune auberge qui soit avant… janvier de l’an prochain !

«La révolution voulue par Janet Yellen et Joe Biden pour détourner l’activité globale non taxée des juridictions faiblement taxées comme la nôtre pourrait être un fâcheux contretemps au niveau de la balance des paiements»

À moins que la logistique ne s’améliore vachement, ce qui n’est pas couru d’avance, d’autant que ce sont les citoyens les moins réticents qui se sont déjà fait vacciner jusqu’ici… Remarquez que le gouvernement pourrait bien, logiquement, renverser l’équation et ouvrir les frontières aux touristes déjà proprement vaccinés dans nos principaux marchés fournisseurs, puisqu’ils sont bien en avance sur nous (1) et que les indications sont qu’il est 25 fois moins probable que l’on puisse transmettre la Covid-19 quand on est vacciné (2).

De toute manière, il faudra bien prendre une décision puisque le Wage Assistance au tourisme aura duré déjà 15 mois au 30 juin prochain et la MIC semble vouloir tirer son échelle de soutien à cette même date… On prend le risque ou ce sera la guillotine pour l’industrie ?

Restera alors la question centrale de la façon de galvaniser la production et surtout l’exportation, ce qui sera capital si le GAFI et, donc, l’UE ne nous blanchissent pas, en nous enlevant de leurs listes grise et noire. Car la révolution voulue par Janet Yellen et Joe Biden pour détourner l’activité globale non taxée des juridictions faiblement taxées comme la nôtre pourrait être un fâcheux contretemps au niveau de la balance des paiements ! The Economist du 3 juin va d’ailleurs jusqu’à prédire que le pacte de taxation minimale de 15 % planétairement, soutenu par le G7, va ruiner un business model passablement lucratif jusqu’ici, y compris chez nous et, avec sa juste ironie habituelle, évoque le «Paradise Lost» de certains.

Je n’envie aucunement ce ministre des Finances, ce vendredi.

 

Philippe A. FORGET

 

(1) https://www.nytimes.com/interactive/2021/world/covid-vaccinations-tracker.html 

 

(2) https://theconversation.com/can-people-vaccinated-against-covid-19-still-spread-the-coronavirus-161166 – :~:text=The%20researchers%20found%20that%20fully,unlikely%20to%20spread%20the%20virus.

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